Dark Knights of Steel (tome 1), de Tom Taylor et Yasmine Putri

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un comics qui replace l’univers de DC dans un cadre médiéval.

Dark Knights of Steel (tome 1) de Tom Taylor et Yasmine Putri


Introduction


Tom Taylor est un scénariste de comics australien qui a travaillé pour DC, avec les séries Injustice, DCeased, ou encore Suicide Squad, et Marvel, dans All-New Wolverine et Superior Iron Man. Il est à l’origine de la bissexualité de Jon Kent, le fils de Superman et de Lois Lane.

Yasmine Putri est une dessinatrice indonésienne, qui travaille également comme illustratrice dans la presse et la publicité, et en tant que concept artist dans le domaine du jeu-vidéo. Elle a travaillé pour Marvel comme pour DC, sur All-New Avengers, Spider-Gwen ou DCeased.

Dark Knights of Steel est une série limitée de douze chapitres de DC Comics, parus entre Novembre 2021 et Août 2023. Julien Di Giacomo a traduit le comics en français pour Urban Comics, qui le publieront en deux tomes. Le premier, dont je vais vous parler aujourd’hui, a été publié en Septembre 2023, et le second paraîtra en Mai 2024.

En voici la quatrième de couverture :

« Un monde médiéval se voit bouleversé à jamais lorsqu’un vaisseau spatial s’écrase sur une planète condamnée. Des années plus tard, le Royaume des Tempêtes confronte le tout-puissant Royaume des El et rassemble des alliés pour le défier. Mais la dynastie des El peut compter sur un appui de poids en la personne de Bruce Wayne, l’impitoyable et dévoué chef de la garde, bien décidé à éradiquer la magie de ses terres… Les alliances se noueront et se briseront, les monarques tomberont, les royaumes s’élèveront, et ce qui semblait être la fin du monde pour beaucoup… n’était que le début d’une nouvelle ère. »

Dans mon analyse de la BD, je traiterai de la manière dont Tom Taylor et Yasmine Putri réécrivent l’univers DC sous une forme médiévale.

L’Analyse : Quand les super-héros deviennent des chevaliers


Dark Knights of Steel nous montre une uchronie, c’est-à-dire une histoire alternative de l’univers DC, qui s’appuie sur un postulat simple, mais qui bouleverse complètement le cadre du récit. En effet, si la continuité canonique de l’univers de l’éditeur américain postule que le vaisseau de Superman s’est écrasé au Kansas au début du XXème siècle, alors que sa planète natale, Krypton, est sur le point d’exploser, le récit de Tom Taylor et Yasmine Putri, montrent ses parents Jor et Lara-El, alors enceinte, monter dans la capsule spatiale, qui s’écrase sur Terre à l’époque médiévale. Kal-El, alias Superman, naît et grandit donc au Moyen-âge, dans un univers en proie à de nombreux conflits politiques entre différentes factions et royaumes, à commencer par le sien, appelé le royaume des El (pour des raisons évidentes).

Les cartes sont complètement rebattues, puisque l’époque médiévale se voit bouleversée par une émergence drastique du surnaturel, avec des personnages dotés de superpouvoirs, qu’ils soient d’origine extraterrestre ou magique. Les personnages de DC Comics se voient aussi largement réécrits pour s’ancrer dans un Moyen-âge en proie aux conflits politiques, qui appellent des batailles, mais aussi des manœuvres plus subtiles, telles que la diplomatie et de l’espionnage. Cette réécriture s’opère d’abord sur le plan graphique, avec des character designs réinterprétés avec brio par Yasmine Putri, qui nous donne à voir un Batman doté d’une véritable armure de chevalier, ce qui fait qu’il devient vraiment le Chevalier Noir (non, pas celui-là). Harley Quinn porte un costume de fou du roi et adopte le rôle de l’insolente et drolatique conseillère des El. Bane devient un chevalier renégat doté d’une épée immense. Personnellement, ces designs médiévaux des personnages que l’on connaît m’ont beaucoup plu, et montrent que les héros comme les criminels sont dotés d’une véritable plasticité, ce dont témoignent également leurs changements de rôles.

On a déjà relevé le changement de rôle d’Harley Quinn, qui fait partie de la cour des El, mais d’autres personnages voient leur statut changer. Ainsi, Robin n’est plus un héros sens strict et perd son nom pour prendre celui des « Moineaux », qui sont une confrérie d’espions au service de Batman, œuvrant à l’intérieur et à l’extérieur du royaume. Les personnages qui sont des Moineaux, tels que Timothy Drake, conservent leur lien avec l’homme chauve-souris, mais s’intègrent dans l’appareil d’état, dont ils constituent les services secrets. Sans rentrer dans les détails, certaines figures connues se confondent en une seule entité malfaisante, celle de l’homme vert, couleur liée à un anneau et à un clown bien connu de l’univers de DC. Si cette époque médiévale alternative transforme les personnages de DC Comics, d’autres événements restent les mêmes, bien que déplacés dans un autre cadre, avec par exemple la mort des parents de Bruce Wayne des mains d’un criminel, la présence bienveillante et paternelle d’Alfred auprès de lui, ou encore le fait que les Amazones vivent en autarcie sur l’île de Themyscira et ne tolèrent pas de présence masculine.

Les auteurs mettent en scène une guerre de plus en plus ouverte entre le royaume des El, dirigé par la famille de Superman, et le royaume des tempêtes, où règne Black Adam, qui s’allie les services de plusieurs individus puissants, tels que John Constantine, par exemple. Des membres des deux familles de souverains sont assassinés, ce qui rend de plus en plus inévitable un conflit armé entre les deux factions. Cette guerre aura d’ailleurs des répercussions sur la vie intime des personnages, avec par exemple la relation qui unit Diana, alias Wonder Woman, et Zala-El, cousine de Kal-El, ou encore les sentiments de Constantine pour son roi. Elle est par ailleurs alimentée par la vision de l’humanité vis-à-vis des El, qui sont perçus comme des démons tyranniques, de par leurs capacités surnaturelles et leurs origines, ce que montre le début du comics.

Ces planches nous montrent l’arrivée des El, originaires de Krypton, sur Terre, dans un vaisseau spatial à bord duquel se trouvaient Jor et Lara, alors enceinte de Kal et sur le point d’accoucher. Le couple doit cependant faire face à une horde de chevaliers décidés à les tuer, ce que montrent le gros plan sur les sabots des chevaux qui débordent sur la case suivante et témoignent du nombre de chevaliers qui assaillent les El. La première planche d’abord Jor-El en position de faiblesse, seul face à une horde d’hommes armés, ce qu’amplifie le plan large et sa position agenouillée, qui se rapproche ensuite pour montrer la multitude de flèches et leur trajectoire fatale. Cependant, la deuxième planche témoigne de toute sa puissance, montrée dans sa toute sa brutalité sanglante grâce au jeu des couleurs, qui deviennent d’un rouge sang qui souligne les dégâts que ses rayons causent, ce que montrent aussi les débris, les flèches enflammées et le sang. Une fois le combat terminé, les couleurs reprennent des tons jaunes et lumineux, qui soulignent le bonheur familial des El à la naissance de Kal. Cependant, si leur arrivée sur Terre est placée sous ce signe, elle se révèle bien plus sombre pour l’humanité. Ainsi, les cartouches du narrateur, qui relate l’événement, soulignent d’une part le cadre spatio-temporel du récit, avec l’emploi d’une police gothique, et d’autre part, ce que les El représentent aux yeux du reste de l’humanité. Ils deviennent des « démons » capables d’imiter les humains pour se fondre parmi eux, mais qui désirent en réalité les gouverner grâce à leurs pouvoirs qui leur confèrent un avantage écrasant, capables de tuer des dizaines de chevaliers d’un seul coup. Ainsi, le récit de Tom Taylor et Yasmine Putri verse peu dans le manichéisme, puisque les personnages desdeux factions qui s’opposent sont profondément humanisées, portent des sentiments, et n’agissent pas sans raison envers ceux qu’ils voient comme leurs ennemis.

Les aptitudes surnaturelles des personnages de l’univers de DC ne sont plus considérées comme des superpouvoirs, mais comme de la magie, rejetée en bloc dans le royaume des El, puisqu’il s’agit du seul point faible de ses dirigeants. Les méthodes des El sont d’ailleurs remises en question, puisqu’afin de se préserver d’éventuelles attaques ennemies, les détenteurs de capacités surnaturelles sont traqués et emprisonnés par Batman. Tom Taylor et Yasmine Putri nous montrent donc un Batman aux ordres du pouvoir, prêt à tout pour protéger sa famille d’adoption, et extrêmement superstitieux vis-à-vis de la magie, qu’il cherche à éradiquer à l’aide de ses services d’espionnage et ses méthodes musclées. Il s’éloigne alors du Batman que l’on connaît, qui est indépendant du pouvoir et lutte contre des criminels avérés, et non des individus tout juste suspects. Cette tendance autoritaire de Batman transparaît lorsqu’il interpelle une jeune femme soupçonnée de vouloir assassiner la dynastie des El.

Ces deux planches nous montrent l’irruption de Batman dans la chambre de Dinah Drake, alias Black Canary, alors qu’elle se trouve à l’auberge. Les petites cases se superposent à une grande image de fond, et montrent par un jeu d’angles, de regards et de lumières, quel personnage semble avoir l’avantage sur l’autre, et lequel semble vulnérable. Batman semble ici en position de force, puisqu’il s’introduit discrètement auprès de Dinah qui se trouve dans son lit, pointe son arme sur elle, et la regarde de haut. De plus, son titre de « chauve-souris » et son statut de « prince bâtard » semblent impressionner son interlocutrice, de même que sa réputation, et le fait que ce soit lui qui pose les questions confirment son avantage. On remarque par ailleurs qu’il déshumanise Dinah en l’appelant « banshee », ce qui la renvoie à une créature surnaturelle qui rappelle ses capacités, mais la renvoie au monstrueux et à la menace qu’elle pourrait constituer pour le royaume, puisque Batman l’accuse de vouloir tuer les El. Batman apparaît ainsi comme le représentant d’une autorité répressive et discriminante envers les individus qui pratiquent la magie, c’est-à-dire ceux qui sont dotés de superpouvoirs. C’est d’ailleurs au nom de la loi de ce royaume qu’il entend arrêter Dinah.

Celle-ci lui résiste et fait la démonstration de ses capacités sur la planche suivante, qui montre la destruction des vitres de l’auberge avec un plan large, qui volent en éclats à cause du cri suraigu que pousse Black Canary et envoie même valser l’un des merles de Batman. Sa puissance vocale est marquée par la taille des onomatopées, mais aussi par le biais des vagues sonores qui forment des cercles hachés et soulèvent les lattes du plancher. Batman est alors en fâcheuse posture, tournant le dos et pliant le genou face à un adversaire sur lequel il pensait avoir l’avantage.

On voit donc que Batman est loin d’être infaillible et est donc fréquemment dépassé par ses adversaires, qui sont bien plus puissants que lui, ce qui s’explique par le fait qu’il ne dispose pas (encore) du même entraînement que le Chevalier Noir que nous connaissons, ni de la même technologie (hé oui). Une autre version de Batman, cette fois coupé de ses gadgets modernes, est mise en scène dans Batman Ninja, où il se voit transporté au Japon féodal à la suite d’une altercation avec Gorilla Grodd (oui oui), et montre l’homme chauve-souris adapter ses méthodes à cette époque.

Je terminerai cette chronique en évoquant rapidement les scènes d’action de ce comics, que j’ai trouvées très bien menées !


Le mot de la fin


Dark Knights of Steel est un comics scénarisé par Tom Taylor et illustré par Yasmine Putri. Dans ce premier tome, qui regroupe six chapitres sur les douze parus, les auteurs décrivent l’arrivée des kryptoniens Jor et Lara-El à l’époque médiévale. Le jeune Kal-El grandit donc au moyen-âge, ce qui reconfigure complètement l’univers et les personnages de DC Comics tels que nous les connaissons, avec de nouveaux designs, de nouveaux rôles, de nouveaux liens, mais aussi de nouveaux conflits. Le royaume des El, qui rejette le surnaturel magique, doit ainsi faire face au royaume des tempêtes, dirigé par Black Adam, qui s’offre les services de plusieurs personnages dotés de capacités surnaturelles.

Ce conflit inéluctable et plus en plus meurtrier montre les failles de chacun de ses protagonistes, en particulier celles de Bruce Wayne, alias Batman, le chef de la garde des El, qui se voit dépassé par les menaces qu’il doit affronter, mais aussi par son identité dont le secret le taraude.

Si vous voulez lire un comics de super-héros dans un cadre de Fantasy médiévale, je ne peux que vous recommander Dark Knights of Steel !

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