Le Baron Noir, Année 1864, d’Olivier Gechter

J’imagine que tu as déjà entendu parler de Batman, lecteur. Je pense que tu connais également un certain nombre d’univers steampunk. Mais que dirais-tu de voir un super-héros dans un univers steampunk ? Si ça t’intéresse, laisse-moi te parler de

Le Baron Noir, Année 1864, d’Olivier Gechter

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Introduction

Olivier Gechter est un auteur français né en 1972. Ses écrits sont publiés depuis le début des années 2000, durant lesquelles il a écrit beaucoup de nouvelles, dont certaines sont publiées dans le recueil La boîte de Schrödinger aux éditions Voy’el, sorti en 2013. Il a également écrit des romans, avec Évariste, publié aux éditions Asgard en 2013 et réédité en format poche chez Mnémos, dans la collection Hélios. L’œuvre dont je vais vous parler aujourd’hui, Le Baron Noir, a d’abord été publiée sous forme de novellas indépendantes aux éditions Céléphaïs qui ont été regroupées puis publiées sous la forme d’une intégrale chez Mnémos, dans un grand format intitulé Le Baron Noir, Année 1864. J’ai trouvé que l’objet livre était vraiment très beau !

Avant de vous donner la quatrième de couverture du roman, j’aimerais remercier l’auteur pour sa dédicace et pour la longue discussion que nous avons eue lorsqu’il est venu au Dernier bar avant la fin du monde.

À présent, voici la quatrième de couverture de cette intégrale qui regroupe L’ombre du Maître-Espion, Bel-Ange et La Bataille de Cherbourg :

« Paris, 1864, la France domine l’Europe, le progrès semble sans limites. Portés par la puissance de la vapeur, la capitale et le pays tout entier se sont développés. Dans cette France dirigée par le président Bonaparte, Antoine Lefort est un jeune magnat influent de l’industrie florissante. Il est aussi le mystérieux Baron noir, justicier et protecteur de la nation.

Accompagné du dévoué Albert, de son ami ingénieur Clément Ader et de l’inventeur fou Louis-Guillaume Perreaux, Antoine Lefort devra déjouer les nombreuses machinations qui se trament dans l’ombre s’il veut empêcher la destruction de son pays et de tout ce en quoi il croit. Anarchistes, maître-espion et tueuse féline au fouet d’acier, tous œuvrent à l’anéantissement du héros en armure.»

Mon analyse portera d’abord sur l’intertexte entre l’œuvre d’Olivier Gechter et Batman, et la manière dont l’auteur démarque son personnage de son homologue de Gotham City, puis je m’attarderai sur l’aspect uchronique du Baron Noir.

L’Analyse

Antoine Lefort n’est pas Bruce Wayne

Antoine Lefort/le Baron Noir partage un grand nombre de points avec Bruce Wayne/Batman, le célèbre super-héros justicier de Gotham City. Il est multimillionnaire, dirige une grande entreprise, « les industries Lefort » et il a un majordome qui s’appelle Albert, dont le nom ressemble à un certain Alfred, et utilise une armure et des gadgets de haute technologie pour combattre le crime. Il est difficile de ne pas penser à Batman lorsqu’on lit Le Baron Noir. Mais Olivier Gechter parvient à faire en sorte qu’Antoine Lefort se démarque.

En effet, le setting, c’est-à-dire le lieu et l’époque dans lesquels les récits se déroulent, sont différents. L’auteur a en effet placé son Baron Noir dans une France uchronique de la deuxième moitié du 19ème siècle. Ensuite, les récits qui mettent en scène Antoine Lefort montrent ses débuts en tant que Baron Noir, avec des motivations très différentes de celles de Batman. Antoine n’a pas perdu ses parents de manière tragique et enfile son « costume de nuit » pour se distraire avant tout, ce qui va le conduire à ses premières crises, qui vont apporter de la profondeur au millionnaire et au super-héros qu’il incarne. Ses alliés sont des personnages historiques français, comme le maréchal Adolphe Niel, et des savants, avec Clément Ader, l’inventeur de l’avion ou Louis-Guillaume Perreaux, l’inventeur de la moto, à qui l’auteur donne des caractéristiques bien définies et qui les font sortir de l’Histoire pour pleinement les intégrer à son récit et les faire cohabiter avec les personnages inventés, comme Antoine Lefort lui-même, ou Phileas Fix. Les ennemis du Baron Noir sont également des figures historiques, mélangées à des personnages complètement inventés par Olivier Gechter, avec « Bakounine » (et un autre ennemi qui vous surprendra) dans Bel-Ange,et « Stanislas l’Oiseleur » dans L’Ombre du Maître-Espion et La Bataille de Cherbourg. À noter que ces ennemis n’en veulent pas personnellement au Baron Noir, comme certains des ennemis de Batman, mais en veulent plus à la France et au monde entier. Bel-Ange évoque des anarchistes qui attentent à la vie du Président, par exemple. Ces mêmes ennemis ne disposent pas de pouvoirs surnaturels, et ne sont « simplement » qu’à la pointe de la technologie de l’époque uchronique imaginée par Olivier Gechter, ce qui permet de placer le Baron Noir et ses adversaires d’égal à égal dans des situations qui sont souvent très tendues, en plus de donner un côté humain au super-héros et à certains de ses adversaires.

Antoine Lefort se différencie donc de Bruce Wayne de par son inexpérience, mais ce n’est pas tout. Son « costume de nuit » est également très différent de celui de Batman, même s’ils partagent quelques similitudes (la cape ou les fumigènes, par exemple). L’armure du Baron Noir repose sur des dispositifs d’air comprimé qui lui permettent de se déplacer plus vite et de sauter plus haut qu’un homme ordinaire, là où le super-héros de DC Comics utilise un grappin pour se déplacer. L’air comprimé permet également au Baron d’augmenter sa force de manière drastique pour pouvoir combattre le crime, et surtout, il rend le poids de l’armure supportable pour Antoine, grâce à différents mécanismes décrits par l’auteur. L’armure du Baron est en effet extrêmement lourde, et son poids est évoqué à de nombreuses reprises au sein des récits, mais elle le protège des balles et des lames. Antoine dispose également de gadgets dont je ne vous dévoilerai pas les propriétés, mais disons qu’ils m’ont très agréablement surpris.

Vous l’aurez compris, Le Baron Noir possède des liens assez évidents avec Batman, mais l’auteur a vraiment fait en sorte que son personnage s’en démarque, ce qui donne à son œuvre et à son personnage une grosse dose d’originalité, en plus de transposer le mythe du super-héros dans un setting plus ancien et uchronique.

Une uchronie steampunk très maîtrisée

Avant de continuer, je vais définir ce qu’est l’uchronie (que j’ai d’ailleurs définie de la même manière dans ma chronique sur Le Grand siècle de Johan Heliot, ici). D’après le dictionnaire Larousse en ligne, l’uchronie est « une reconstruction fictive de l’histoire, relatant les faits tels qu’ils auraient pu se produire ». Pour préciser cette définition, on peut y ajouter celle du Guide de l’uchronie, paru en 2015 chez ActuSF, qui dit que « L’uchronie consiste donc en une réécriture de l’histoire à partir d’un point de divergence précis ».

Les récits mettant en scène le Baron Noir relèvent donc du genre de l’uchronie, puisque l’auteur mobilise dans son intrigue des personnages ayant réellement existé, avec par exemple Clément Ader, Louis-Guillaume Perreaux, le maréchal Niel, Bakounine, Victor Hugo ou Bonaparte. Cependant, Olivier Gechter modifie lourdement leur biographie pour servir les besoins de sa narration, ce qui la basculer dans le genre de l’uchronie, puisque Bonaparte n’est pas empereur mais « Président », Victor Hugo n’est pas en exil mais affiche publiquement son mépris pour les dirigeants français, la France est parcourue par des dirigeables, et surtout, un héros masqué en armure combat le crime dans les rues de Paris. L’auteur nous dépeint donc une société très différente de ce qu’elle a été.

Beaucoup de notions scientifiques sont abordées lorsque les récits parlent des gadgets du Baron Noir, mais aussi lorsqu’ils évoquent les dirigeables, les « submersibles » de Perreaux ou les « plus lourds que l’air » de Ader. Ces notions scientifiques sont expliquées au lecteur soit par la narration, soit par les dialogues entre les personnages, ce qui permet d’éviter la confusion et d’en apprendre plus sur les diverses inventions du 19ème siècle. À noter également les descriptions de Paris qui nous donnent à voir la capitale du début de l’ère industrielle, c’est assez dépaysant !

Je terminerai en mentionnant les documents que l’on trouve entre chaque récit et qui prennent la forme de journaux, qui permettent au lecteur d’en apprendre plus sur l’époque du 19ème siècle, tout comme les notes de bas de page qui sont parfois très utiles. Enfin, la postface de l’auteur permet de comprendre sa démarche et son choix de point de divergence, ce qui est très intéressant.

Le mot de la fin

Le Baron Noir, Année 1864 a été une très bonne surprise pour moi. Olivier Gechter parvient à créer une uchronie détaillée du 19ème siècle, dans laquelle un super-héros connaît ses premières années d’existence et ses premières crises. J’ai hâte de lire la suite !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Célindané, Eleyna, Lutin, C’est pour ma culture, Ombrebones

9 commentaires sur “Le Baron Noir, Année 1864, d’Olivier Gechter

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