Le Testament d’involution, de Fabien Cerutti

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je clos ma série de chroniques sur le premier cycle du Bâtard de Kosigan de Fabien Cerutti, avec le magistral

Le Testament d’involution

 

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Introduction

 

Avant de commencer, je tiens à préciser que cette introduction sera sensiblement la même que celles que j’ai rédigées pour les tomes précédents. Ensuite, il s’agit de la chronique d’un tome 4. Par conséquent, des spoils des trois premiers volumes seront sûrement de la partie, et si vous ne voulez rien vous gâcher, ne lisez cet article que si vous êtes au courant de l’intrigue des tomes précédents. Enfin, je tiens à rappeler que vous pourrez retrouver toutes mes chroniques sur la série du Bâtard de Kosigan grâce à ce tag.

Fabien Cerutti est un auteur de fantasy français. En parallèle de sa carrière d’auteur, il est professeur agrégé d’histoire, et vous verrez que cela se ressent dans ses récits, dans lesquels on trouve de très solides connaissances historiques. Il a pour l’instant publié quatre romans aux éditions Mnémos. Ces romans forment le premier cycle du Bâtard de Kosigan, avec, dans l’ordre, L’Ombre du pouvoir, Le Fou prend le roi, Le Marteau des sorcières et Le Testament d’involution, initialement parus entre 2014 et 2018. Les romans sont également disponibles au format poche dans la collection FolioSF de Gallimard depuis 2017.

Accessoirement, si vous voulez plus d’informations sur l’auteur, sachez que Phooka et Dup, les blogueuses de Bookenstock, ont réalisé des interviews de Fabien Cerutti pour leur « Mois de Fabien Cerutti », que vous pouvez retrouver ici !

Voici la quatrième de couverture de ce quatrième tome, qui clôt le premier cycle de la série :

« Et si l’origine du plus grand lac de la région de Cologne avait un rapport avec une prophétie réalisée en 1341 ? Et si cette même année, le chevalier de Kosigan avait réveillé des forces qui le dépassent ? Et si le destin de sa postérité se jouait cinq siècles plus tard dans la cave voûtée d’un bistrot parisien ? Et si les secrets révélés dans ce livre étaient dangereux ? Et qu’en les découvrant, vous deveniez complice… »

Le lecteur va donc découvrir comment l’intrigue centrée autour de Kergaël de Kosigan va se clôturer, tandis que son illustre ancêtre, Pierre Cordwain de Kosigan, va découvrir ce qui se cache derrière le mystérieux Testament d’Involution.

Mon analyse se centrera d’abord sur l’intrigue et la manière dont elle est menée, puis je vous parlerai du jeu de l’auteur avec les codes du genre de la Fantasy.

L’Analyse

 

Une intrigue qui va de révélations en révélations

 

L’intrigue du Testament d’Involution reprend directement là où celle du Marteau des sorcières s’était arrêtée, c’est-à-dire alors que Pierre Cordwain de Kosigan vient de libérer Yannia Königin et qu’il est aux mains des sorcières du Cénacle Lunaire et des sœurs Stein et que son descendant Kergaël est présumé mort alors qu’il avait été capturé par l’Arche. Le lecteur se retrouve donc directement plongé dans le feu de l’action, après un rappel des événements du roman précédent, et n’en ressort qu’après l’épilogue. Ce dernier tome contient en effet très peu de temps morts, avec beaucoup d’action, de combats, et de scènes sanglantes qui accentuent encore l’atmosphère sombre du volume précédent.

Les révélations se succèdent elles aussi à un rythme effréné. Vous en apprendrez (enfin) plus sur le noir-sang, les origines de l’Arche, la Croix d’Adombrement, mais également sur les personnages eux-mêmes, notamment Kergaël de Kosigan, Elizabeth Hardy, Dùn, ou encore le Bâtard lui-même. Certaines de ses révélations peuvent être prévisibles (je ne vous dirai évidemment pas lesquelles), mais elles sont amenées avec une grande efficacité, et surtout, elles laissent entrevoir quelques mystères et trames qui seront peut-être explorées dans le deuxième cycle de la série. Ces révélations constituent également une clôture de l’intrigue du 19ème siècle.

Attention, lecteurs. Le point ci-dessous peut comporter des spoils. Lisez le à vos risques et périls.

Ces révélations étoffent d’ailleurs encore l’univers créé par Fabien Cerutti, de par l’évocation d’espèces humanoïdes antérieures aux races pré-humaines (des espèces pré-pré-humaines, en quelque sorte), qui possédaient des technologies et des pouvoirs incommensurables. Mais surtout, l’univers du Bâtard s’enrichit d’éléments qui semblent tout droit venus… de la science-fiction. Je m’explique. Le Testament d’involution évoque en effet explicitement le clonage de personnes grâce à des machines par reproduction exacte des gênes d’une personne et qui peuvent nécessiter des ingrédients qu’on pourrait qualifier d’extraterrestres. Il est également intéressant de souligner. que de véritables scientifiques font des recherches sur les créatures surnaturelles et sur les substances qu’elles produisent. J’ai trouvé cela très intéressant, et cela inscrit Le Bâtard de Kosigan dans cette tendance (ne voyez pas dans ce terme quelque chose de péjoratif, mais un simple état de faits) de la Fantasy a emprunter des thèmes, des tropes, ou même des topoï à la science-fiction pour se renouveler et investir de nouvelles thématiques, telles que l’écologie ou l’interrogation des rapports entre l’Homme et le surnaturel (quoi, non, ce n’est pas du tout mon sujet de mémoire…). Dans le cas de la série de Fabien Cerutti, ces éléments de SF permettent de rationaliser le surnaturel dans un monde rationnel, dans lequel le surnaturel possède une existence véritable, et peuvent donc être étudiés par la science. Cet ajout d’éléments de science-fiction renforce donc l’identité de la série (le surnaturel existe vraiment), en plus de résoudre quelques énigmes de l’univers et d’en donner quelques autres.

La zone de spoil est à présent terminée, lecteur. Tu peux reprendre ta lecture de cette chronique.

L’intrigue du Moyen-âge n’est quant à elle pas terminée, puisqu’il reste encore un certain nombre de zones d’ombre, notamment vis-à-vis de la suite des aventures de Pierre Cordwain de Kosigan après les événements de Cologne, qui seront sans doute décrites dans le deuxième cycle du Bâtard. Nul doute également que le lecteur entendra de nouveau parler de Myrdrin, du cardinal Las Casas, de Lodaüs de la Tour d’Airain, et surtout, du très mystérieux Mendorallen Ilbarimen. L’auteur continuera donc sans doute d’explorer l’époque médiévale pour nous conter les autres aventures du Bâtard.

L’humour noir et l’ironie qui parsèment la série sont également de la partie dans Le Testament d’involution, mais cette fois-ci, ils se présentent sous la forme d’humour de situation, qui va jouer sur le fait que le personnage du Bâtard soit pris dans ses propres pièges rhétoriques et ses jeux d’alliances, ce qui peut-être perçu comme une manière de montrer que Kosigan n’est pas toujours maître du jeu, et cela se ressent dans ce tome plus que dans les précédents.

Il me semble également important de souligner que les personnages de toutes les époques sont développés, à commencer par Pierre Cordwain de Kosigan. En effet, le Bâtard apparaît profondément humain dans ce tome, en proie aux doutes et aux contradictions, avec des sentiments amoureux presque désintéressés, de grandes inquiétudes pour les membres de sa compagnie, et voir la mort de près le fait quelque peu réfléchir (mais je ne vous en dis pas plus). Certains membres de la compagnie de Kosigan sont également très marqués par les événements de Cologne, à commencer par Edric et Dùn, qui ne s’en sortent pas sans traumatismes. Le personnage de Gunthar Von Weisshaupt est également développé, par le biais de rapports tenus de son point de vue qui tiennent le lecteur au courant des intrigues politiques qui se déroulent en dehors de Cologne et qui nous renseignent sur les valeurs chevaleresques du personnage. Les personnages de l’époque de Kergaël sont également développés à travers les lettres qu’ils s’échangent, et qui donnent au roman des allures de thriller d’espionnage mettant en scène des sociétés secrètes. La trame narrative du 19ème nous fait également découvrir un Kergaël de Kosigan presque aussi débrouillard que son ancêtre en termes de manipulations, et une Elizabeth Hardy qui cache bien plus son jeu que ce que l’on aurait pu croire !

 

Liens et jeux avec le genre même de la Fantasy

 

Dans Le Marteau des sorcières, Fabien Cerutti interrogeait quelque peu notre rapport au surnaturel. Mais dans Le Testament d’involution, l’auteur va encore plus loin. Certains dialogues, l’épilogue, et certaines annexes (le fac-similé) relient ainsi la série du Bâtard de Kosigan… au contexte du développement de la Fantasy et des littératures de l’imaginaire de manière générale, en faisant la mention de certains précurseurs (Abraham Merrit, Edgar Rice Burroughs, et Lord Dunsay), puis des pulps américains, et enfin les auteurs modernes (ne voyez là aucune connotation positive ou négative) tels que Tolkien, Michael Moorcock, et Roger Zelazny et en leur faisant jouer un rôle à leur insu dans l’intrigue de la série (que je ne vous dévoilerai pas). L’auteur rend ainsi un hommage vibrant aux auteurs qui ont fait date dans l’histoire du genre, et dans le même temps, il ouvre une porte sur le second cycle de sa série tout en terminant l’intrigue du 19ème siècle, pour en ouvrir une autre, qui se déroulerait… dans la deuxième moitié du 20ème siècle (l’avenir me dira si mes prédictions sont justes!). J’ai trouvé cet hommage et cette inclusion d’auteurs dans la trame de l’intrigue extrêmement bien conçus et très pertinents pour l’univers de l’auteur.

Enfin, certains tropes ou topoï de la Fantasy (un motif qui se retrouve dans plusieurs œuvres) sont profondément questionnés et remis en question dans ce tome, notamment celui de la prophétie, à travers le Testament d’involution qui donne son titre au roman. L’auteur joue ainsi avec les attentes du lecteur et les codes du genre pour finir par le surprendre et presque se moquer de lui dans un passage que j’ai personnellement trouvé très drôle, tout en proposant une réflexion sur le trope avec lequel il joue.

Le mot de la fin

 

Le Testament d’involution clôt magistralement le premier cycle du Bâtard de Kosigan. Fabien Cerutti mène son intrigue d’une main de maître, tout en proposant des développements surprenants de son univers et en jouant avec les codes de la Fantasy ! Je ne peux que vous le recommander.

En tout cas, j’ai hâte de lire les prochains romans de l’auteur !

Vous pouvez aussi consulter les chroniques d’Elhyandra, Ombrebones, Célindanaé, Boudicca, Ogrimoire, Blackwolf, Joyeux Drille, L’Ours Inculte

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13 commentaires sur “Le Testament d’involution, de Fabien Cerutti

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