Un souvenir de Loti, de Philippe Curval

Salutations, lecteur. Sais-tu ce qu’est une utopie ? En as-tu déjà observé, au sein de la littérature de contemporaine ? Mieux encore, dans le corpus de la science-fiction contemporaine ? Et bien aujourd’hui, je vais te présenter un texte de cette trempe, avec

Un souvenir de Loti, de Philippe Curval

 

UN_SOUVENIR_DE_LOTI

 

Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions La Volte, que je remercie chaleureusement pour leur envoi et leur confiance.

Philippe Curval est un auteur français né en 1929. Il écrit de la science-fiction, mais ses romans touchent parfois à ce qu’on appelle la littérature « blanche » ou « générale ». Il est une figure majeure de la SF française, et a contribué à la légitimer auprès du public, en plus d’avoir aidé à la mettre en place avec d’autres auteurs et éditeurs comme Gérard Klein ou Jacques Sternberg. Il a publié énormément de récits et de travaux critiques depuis la fin des années 1940, et a même contribué à des revues de science-fiction comme Fiction ou Satellite, qui font partie des premières revues de science-fiction française.

En tant qu’auteur, Philippe Curval a publié plus d’une trentaine de romans et plus d’une centaine de nouvelles. Ses derniers romans, ainsi que son dernier recueil de nouvelles, On est bien seul dans l’univers (qui a d’ailleurs été préfacé par mon directeur de recherche, le monde est petit), sont publiés chez La Volte.

Un souvenir de Loti est une novella qui inaugure la nouvelle collection de La Volte, Eutopia, une collection « de novellas qui s’inscrivent dans un contexte de société idéale ou qui la mettent en scène », d’après les dires de l’éditeur. En effet, le terme « eutopie » signifie « lieu du bien » ou du « bon », par opposition à la dystopie, qui est un lieu du « mal », du « cauchemar », mise en scène dans des récits tels que 1984 de George Orwell ou Le Meilleur des mondes d’Aldoux Huxley. La dystopie est encore très présente aujourd’hui (en tant que genre littéraire), tant dans la littérature adulte (La Servante écarlate de Margaret Atwood) ou en littérature Young Adult, avec Hunger Games ou Divergente, par exemple, là où l’eutopie (ou même l’utopie) ne sont que très peu présents, tout comme les novella, même si la collection « Une Heure Lumière » du Bélial’ et maintenant « Eutopie » tendent à changer cette tendance.

Voici la quatrième de couverture d’Un souvenir de Loti, telle que vous pourrez la retrouver sur le site de l’éditeur :

« Quelle planète de verdure, d’ombre, de beauté, que cette Nopal !

Pour fêter leurs cent ans de mariage, Marjorie et Loti ont choisi le centre du monde pour y achever leur existence. Ce lieu de la galaxie qui, paradoxalement, est le dernier pays d’Utopie. Car s’il est le plus fréquenté de l’univers connu par les navires de l’espace, c’est aussi le plus secret de toute la Ligue.

À peine ont-ils débarqué, qu’une dizaine d’êtres étranges, les niges enfouies dans un brouillard de poils bleutés, ramifiés, d’où semble jaillir par instants l’éclat d’un œil, les accueillent. Tout est imprévisible sur Nopal, y compris ce qui ne devrait pas advenir. L’amour libre en particulier.

L’assimilation de la nourriture y est possible au moyen d’odeur ; par des images nutritives que suscitent les Nopalais ; ou en écoutant les sons alimentaires inventés par des artistes en gastronomie.

Les habitants passent au moins un quart de leur vie dans les airs pour y découvrir les phrases qu’on lit sur les ailes des oiseaux — le reste du temps est employé au sommeil et au rêve, à la création et au plaisir.

Il existe des magasins du désir où l’on peut choisir ce que l’on veut. Mais en échange de cette prise, vous devez donner un mot qui manquera pour toujours dans votre cerveau.

Pour y vivre, l’adaptation aux changements incessants se révèle indispensable. Chacun des Nopalais est un avatar de la globalité. Puisque la planète issue de l’imagination de Mandrake est une projection de l’inconscient collectif des peuples de la galaxie.

C’est pour comprendre la complexité de l’utopie que Marjorie et Loti se livreront aux enchantements à double tranchant qui marquent les dernières années d’une vie. »

Vous l’aurez compris, le lecteur va suivre Loti et Marjorie, dans leur découverte de Nopal et sa société.

Mon analyse va s’intéresser à la mise en scène de l’utopie, puis au style et à l’univers déployés par l’auteur. Une dernière chose, avant de commencer. Je ne vais pas aborder tous les aspects de l’œuvre, parce qu’elle est très riche pour un texte court, et qu’ensuite, cette novella mérite que vous vous intéressiez à elle de vous-mêmes. Si toutefois vous pensez que la chronique est trop courte ou qu’elle manque de détails, faites-le moi savoir en commentaire, cela me permettra de mieux rédiger mes prochaines chroniques de novellas.

L’Analyse

 

Nopal, une utopie

 

Nopal est une utopie mise en scène par son auteur. J’insiste sur le terme « mise en scène », parce que vous ne trouverez pas véritablement d’intrigue dans Un souvenir de Loti (Loti et Marjorie sont sur Nopal pour découvrir son aspect utopique et s’y intégrer, et c’est tout), ou plutôt, ne lisez pas la novella pour son intrigue, mais pour sa manière de montrer une société utopique.

En effet, la société nopalienne est complètement ouverte aux individus de toutes les races et de tous les sexes possibles, ce qui signifie que n’importe peut y aller. Cette société fait donc preuve d’une extrême ouverture d’esprit, ce qui permet aux nouveaux arrivants de se purger de leurs préjugés sur Nopal ou sur certaines pratiques. Cette ouverture se remarque dans le fait qu’aucun acte de Marjorie ou de Loti n’est remis en question ou attaqué, ou dans le fait que chaque personnage possède le droit d’exposer ses idées politiques.

L’ouverture d’esprit sur Nopal s’observe également dans la libération des mœurs et de la sexualité. En effet, les pratiques sexuelles nopaliennes pourront paraître débridées à certains lecteurs avec notamment le sexe inter-espèces, les partenaires très multiples, ou les méditations à caractère fortement sexuels qui peuvent rappeler les rituels sexuels du tantrisme. Cependant, cette libération sexuelle de Nopal accompagne également une libération des esprits, et qui surpasse le simple physique et corporel. Ainsi, les habitants de Nopal sont perpétuellement nus, c’est une règle de vie qui n’offense personne, ce qui montre que les habitants de cette planète sont totalement libres de leurs corps.

L’utopie incarnée par Nopal se retrouve également dans l’absence totale de monnaie et de travail alimentaire, puisque les nopaliens se vouent à la création artistique et culturelle, quelle que soit sa forme, sans se soucier des questions matérielles, puisque la nourriture et d’autres biens sont donnés en échange de « mots » (les passages sur ce type d’échange et ce qu’ils impliquent sont d’ailleurs très intéressants). Ainsi, la création prend sur Nopal des formes insoupçonnées, avec les poèmes et slogans sur les ailes des oiseaux, le rite du « Retour » (dont je ne vous dévoilerai pas la nature), la composition de boissons qui font littéralement rêver, ou encore la composition de repas artistiques, à base d’impressions auditives, gustatives et olfactives. Nopal est une sorte d’exposition permanente et perpétuellement changeante, dans laquelle chacun peut créer.

Style et univers

 

L’univers d’Un souvenir de Loti semble appartenir à celui d’un space-opera, dans lequel l’univers comporte de nombreuses espèces non-humaines vivant dans de nombreux systèmes. Les descriptions nous montrent l’étrangeté et la diversité des physiques que peuvent avoir des races non-humaines, avec une femme dont le corps évoque la forme d’une chaise, des écailleux, des centaures, et surtout les niges, créatures indigènes de Nopal, qui sont des créatures féminines à trois yeux, aux jambes humaines et lisses, mais dont le haut du corps est métamorphe et dont le visage est souvent caché par des buissons. Ces créatures, qui peuvent paraître étranges, donnent vie à Nopal, planète où tous et toutes se rencontrent, et sur laquelle les personnages Terriens sont parfois confrontés à leur anthropocentrisme, c’est-à-dire le fait de ne juger certaines pratiques qu’à l’aune des critères de leur propre espèce (j’avais déjà fait mention de cette notion dans mon article sur Les Ferrailleurs du cosmos). La novella de Philippe Curval incite donc également à la tolérance et à la remise en question de certaines perspectives.

Je terminerai sur le style de l’auteur, que je trouve impeccable, avec énormément de touches de lyrisme, soutenues par un vocabulaire recherché et des descriptions oniriques à base d’enchaînements d’adjectifs, de néologismes et de formulations recherchées qui donnent un véritable aspect poétique au texte.

Le mot de la fin

 

Avec Un souvenir de Loti, Philippe Curval inaugure d’une très belle manière la collection Eutopia, avec un texte poétique, dépaysant, aux thématiques larges et variées et porté par un style incroyablement riche.

9 commentaires sur “Un souvenir de Loti, de Philippe Curval

  1. mhhhh, je verrai, l’aspect poétique me fait m’interroger sur mon immersion dans un tel roman. Ce n’est pas péjoratif ce que j’écris, c’est simplmeent qu’il faut être dans l’humeur adéquate pour apprécier quand il y a tout un jeu autour des mots et des phrases…

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