Black Bottom, de Philippe Curval

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te reparler de Philippe Curval, en te présentant son nouveau roman,

Black Bottom

 

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Introduction

 

 

Avant de commencer, je tiens à préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions La Volte, que je remercie chaleureusement de m’avoir envoyé le roman ! Je remercie également Philippe Curval de m’avoir dédicacé Black Bottom et Un souvenir de Loti à la librairie Charybde de Paris, à laquelle il était en dédicace le 25 septembre.

Philippe Curval est un auteur français né en 1929. Il écrit de la science-fiction, mais ses romans touchent parfois à ce qu’on appelle la littérature « blanche » ou « générale ». Il est une figure majeure de la SF française, et a contribué à la légitimer auprès du public, en plus d’avoir aidé à la mettre en place avec d’autres auteurs et éditeurs comme Gérard Klein ou Jacques Sternberg. Il a publié énormément de récits et de travaux critiques depuis la fin des années 1940, et a même contribué à des revues de science-fiction comme Fiction ou Satellite, qui font partie des premières revues de science-fiction française.

En tant qu’auteur, Philippe Curval a publié plus d’une trentaine de romans et plus d’une centaine de nouvelles. Ses derniers romans, ainsi que son dernier recueil de nouvelles, On est bien seul dans l’univers (qui a d’ailleurs été préfacé par mon directeur de recherche, le monde est petit), sont publiés chez La Volte.

Voici la quatrième de couverture de Black Bottom :

« Beth Raven est en train de perdre la boule. Professeur réac et amoureux cocufié, il profite de sa grève-maladie illimitée pour s’implanter une puce iCortex et écrire un blog vengeur dans lequel il rage avec génie. Le succès est fulgurant, mais lui-même ne se doute pas qu’il sera bientôt happé par un tourbillon d’événements en plein cœur d’une Venise schizophrène, devenue Sérénissime de cauchemar. En proie à ses angoisses, c’est en compagnie d’une créature artistique vivante, Avaro, que Beth entame une lutte afin de recouvrer son équilibre mental.

Au rythme du black bottom, danse des années vingt aux accents vaudous, Philippe Curval nous entraîne dans un autre espace du temps, prédit par Einstein : l’aréel. Traversant avec un humour féroce le monde international de l’art, de Paris à Venise, il nous livre ici une comédie dramatique exubérante, dans une écriture réinventée, dont l’énergie et l’originalité nous bringuebalent avec euphorie. »

Le lecteur suivra donc Beth Raven dans sa tentative de comprendre ce qui se déroule autour de lui et de retrouver sa compagne, Irène, tout en étant confronté à une galerie de personnages plus ou moins étranges, avec notamment Festen, un artiste qui est plutôt extrême dans ses convictions.

Mon analyse du roman portera d’abord sur la manière dont l’œuvre de Philippe Curval aborde l’art, puis je vous parlerai brièvement de l’univers dans lequel elle s’ancre.

L’Analyse

 

Art et détournement de l’Art

 

L’art est une des principales thématiques abordées par Black Bottom, notamment à travers les personnages de Beth Raven et de Festen, pour des raisons que je vais vous détailler sans plus tarder.

En effet, le personnage de Festen semble incarner tous les problèmes (ou dérives que l’on peut lui trouver, il ne s’agit pas d’un jugement de valeur de ma part) de l’art contemporain, il est vénal et veut s’enrichir grâce à la spéculation que les collectionneurs font sur ses œuvres, et il va toujours plus loin dans les extrêmes artistiques, en attaquant toujours le « bon goût » ou le concept de « beauté ».

Par exemple, ses « concepts morphologiques interactifs », qui sont des œuvres d’art vivantes, sont à l’origine des êtres humains dont le corps et la psyché ont été lourdement transformés pour incarner des « métaphores détournées des tares du genre humain ». Par conséquent, ils sont extrêmement dérangeants, tant dans leur apparence que dans leurs comportements respectifs, et Avaro, ou Bloc de haine, est le plus humain d’entre eux, mentalement et physiquement. Cette forme d’art est extrême, puisqu’elle produit des œuvres vivantes à partir de personnes vivantes.

Festen pratique également le « bloody art », c’est-à-dire qu’il écorche et/ou découpe des corps d’êtres humains pour en faire des statues ou des expositions. Il torture par exemple le collectionneur Douglas Holmes pour faire une statue géante, et écorche un corps d’hippopotame pour exposer son corps éclaté et ses organes réarrangés dans un « parallélépipède ». Le « bloody art » apparaît extrême parce qu’il possède un côté organique poussé à l’extrême.

Enfin, Festen souhaite créer (et met en œuvre, vous aurez tout le loisir de l’observer) un « art terroriste », qui créé une sorte de « terreur pure » dans l’esprit du public. Cette terreur s’avère tellement particulière qu’on accuse Festen de « pervertir le terrorisme ».

Ainsi, l’art de Festen est extrême, tant dans sa conception que dans sa réalisation, puisqu’il joue avec la vie, avec l’Homme, et avec la notion de « bon goût ». Croyez-moi, vous ne resterez pas indifférents aux descriptions que Philippe Curval fait des œuvres de son personnage !

Le personnage principal du roman, Beth Raven, permet aussi à l’auteur de jouer avec l’art de la littérature.

En effet, Beth est à la fois un personnage narrateur (le roman est en majeure partie écrit au présent et à la première personne du singulier), mais il est aussi un personnage écrivain, puisque la première partie correspond à son « roblog », un blog dans lequel il dicte son quotidien instantanément et par la pensée, grâce à la puce iCortex, tandis que la deuxième partie du roman est écrite par Beth sur du papier.

Il est intéressant de noter que l’écriture de Beth Raven diffère entre les deux parties, en fonction du support qu’il utilise. Le roblog de Beth mobilise un style très moderne, puisque le personnage rature son propre texte et le commente, il s’adresse au lecteur pour lui montrer ses intentions, il emploie beaucoup l’oralité, en remplaçant « qu’il » par « qui », « je te », par « j’te », et emploie même le langage SMS dans certains passages, tandis que la deuxième partie est plus « traditionnelle » (ne voyez pas un jugement de valeur dans cette expression) en termes de style. Le personnage de Beth Raven est donc intéressant, parce qu’il se fait le vecteur du jeu de l’auteur avec la langue.

Cependant, le lecteur découvrira que Beth Raven n’est pas un narrateur fiable, parce qu’il est atteint de schizophrénie. Par conséquent, les éléments qu’il fait apparaître dans son « roblog » sur sa vie peuvent être vraisemblables mais pas forcément vrais, et cela aura pour conséquence de densifier le récit et de lui apporter de la complexité.

Enfin, le personnage principal de Black Bottom possède la capacité de faire surgir « l’aréel », une notion qui englobe des événements se produisant en dehors du réel et que l’on peut faire surgir en exploitant des possibilités d’événements. Cet « aréel » est un point central du roman, et ses possibilités donnent lieu à des scènes hallucinées et hallucinantes, très bien décrites par l’auteur !

Beth Raven est donc lui aussi un personnage assez extrême vis à vis de l’art et de la littérature en particulier, puisqu’il va jusqu’à s’implanter une puce iCortex dans le cerveau pour pouvoir écrire en continu, et ce, simultanément à sa vie, ce qui est la source d’un certain nombre de ses problèmes dans le roman, mais je ne vous en dirai pas plus !

Univers futuriste, et Venise

 

Le monde décrit par Philippe Curval dans Black Bottom est plutôt futuriste, avec une société robotisée et technologique, on peut l’observer dans les passages qui se déroulent dans des milieux médicaux, mais également dans le fait qu’on puisse se faire greffer une puce dans le cerveau, grâce à « iCortex », ou que les téléphones portables semblent avoir encore évolué et sont devenus des « brasphones », par exemple. En termes de politique, des attentats continuent de secouer l’Europe, qui semble s’être renforcée (des accords « Schengen 4 » sont mentionnés). L’auteur ancre son récit dans un futur par si lointain, qui sera familier au lecteur, mais avec assez d’avancées technologiques et d’indices qui montrent qu’il ne s’agit pas de son époque.

La Ville de Venise est incroyablement bien décrite, dans tout ce qu’elle a de typique, avec les mélanges architecturaux, les canaux, ou encore les pavillons de la Biennale. Philippe Curval emprunte également des mots issus du vocabulaire italien pour favoriser l’immersion de son lecteur lors des passages descriptifs. L’auteur met également l’accent sur le tourisme de masse qui dénature la ville et lui fait perdre en identité.

Je terminerai en évoquant les personnages du roman possèdent tous une certaine profondeur et ne sont pas monodimensionnels, même l’inénarrable Festen. Enfin, sachez que Black Bottom emprunte beaucoup au roman d’aventures et met en scène un grand nombre de péripéties et de course-poursuites, ce qui lui donne un rythme parfois effrénée, tout comme la fameuse danse des années 20 qui donne son titre au roman. 

 

Le mot de la fin

 

Black Bottom constitue une preuve qu’un roman peut à la fois réfléchir sur des thématiques sérieuses telles que l’art, tout en laissant une certaine place aux péripéties et à l’aventure. Philippe Curval décrit un monde futur pas si lointain, dans lequel l’art se débride de plus en plus et vient perturber notre bon goût, pour notre plus grand plaisir !

Vous pouvez également consulter la chronique de Lutin si vous souhaitez un deuxième avis sur le roman !

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