Le Dernier chant d’Orphée, de Robert Silverberg

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te présenter une novella de l’un des auteurs les plus révérés de l’imaginaire.

Le Dernier chant d’Orphée

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Introduction

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions ActuSF, que je remercie chaleureusement !

Robert Silverberg est un écrivain américain né en 1935. Il écrit principalement de la fantasy et de la science-fiction. Sa carrière est extrêmement prolifique, avec plus de 450 nouvelles et 90 romans. Il a reçu quatre fois le prix Hugo, cinq fois le Nebula, et neuf fois le prix Locus, qui sont les trois prix les plus importants dans la sphère de l’imaginaire américaine, et il a également reçu un prix Damon Knight Memorial Grand Master en 2003 pour l’ensemble de son œuvre.

Parmi ses œuvres les plus connues, on peut citer le cycle de Majipoor (1980-2013), Les Monades Urbaines (1971), ou encore Roma Aeterna (2003).

Le Dernier chant d’Orphée, dont je vais vous parler aujourd’hui, est une novella parue en 2008 et traduite en français Jacqueline Callier et Florence Dolisi et publiée aux éditions ActuSF en 2012 dans la collection « Perles d’Épice », axée sur les œuvres étrangères, avec une préface du traducteur Pierre-Paul Durastanti et un entretien de l’auteur avec Eric Holstein, auteur et cofondateur du site ActuSF. Le Dernier chant d’Orphée a été repris en Avril 2019 dans la collection Hélios des Indés de l’Imaginaire.

En voici la quatrième de couverture :

« On dit qu’il pouvait, par son chant, charmer les animaux et les arbres, sa voix fit chavirer les sirènes elles-mêmes. Mais son coeur appartenait à Eurydice, et lorsque la mort vint la lui ravir, Orphée se présenta aux portes des enfers, armé de sa seule lyre, afin de reprendre à Hadès l’âme de sa bien-aimée.

Robert Silverberg est l’un des derniers maîtres de la science-fiction américaine. Mais c’est dans la veine de Gilgamesh, Roi d’Ourouk que l’auteur des Monades Urbaines et du Cycle de Majipoor revient pour cette réécriture épique du mythe d’Orphée. »

Mon analyse traitera du jeu de l’auteur avec le matériau épique.

L’Analyse

Orphée, conteur et mythe

La novella de Robert Silverberg prend le parti de raconter le mythe d’Orphée à la première personne, en prenant le point de vue de son personnage principal, qui narre sa propre histoire, qu’il a plusieurs fois vécue (j’y reviendrai), avec un point de vue rétrospectif. Orphée retrace donc sa propre histoire, de sa naissance à sa mort, en passant par sa rencontre avec son aimée Eurydice, puis sa perte, pour ensuite traiter de son rôle dans la quête de Jason et des Argonautes consistant à obtenir la Toison d’Or, en passant par ses séjours en Égypte puis son voyage avec Ulysse en Hyperborée (non, pas celle-là). Robert Silverberg prend donc le parti de puiser dans le matériau mythique d’origine pour narrer d’autres aventures du poète légendaire. L’auteur s’amuse également avec les références mythologiques, en plaçant d’autres héros et demi-dieux sur la route d’Orphée, notamment lorsqu’il se joint aux Argonautes, parmi lesquels se trouvent Hercule, Castor et Pollux, Laërte (le père d’Ulysse), ou encore Atalante. Le voyage des Argonautes est l’occasion d’observer quelles relations ces héros entretiennent entre eux, mais aussi pour Robert Silverberg de faire allusion à d’autres mythes à travers des sous-entendus et des paroles parfois prophétiques, avec par exemple le fait que les Argonautes croisent Achille (héros de L’Illiade) alors qu’il n’est qu’un nouveau-né adopté par le centaure Chiron et qu’Orphée déclare qu’il sera célèbre une fois adulte, la mention du héros héros Thésée qui ne rejoint  pas les Argonautes, parce qu’il est « occupé à d’autres affaires », impliquant sans doute un minotaure, tandis que « Polyphème d’Arcadie » disparaît, appelé pour une autre « mission », impliquant sans doute également Ulysse.

Le récit emprunte au mythe sa mise en scène de héros, mais également sa construction sous forme de quêtes à accomplir (récupérer la Toison d’Or, s’échapper des Enfers sans regarder Eurydice…) et d’épreuves à accomplir, avec des traversées en mer et dans le désert et des affrontements nécessitant autant la force que la ruse, ainsi que l’utilisation d’une narration par épisodes, qui ne raconte que les événements les plus marquants ou les plus importants d’une longue quête, avec beaucoup d’ellipses et de moments passés sous silence par Orphée. Robert Silverberg met aussi en évidence la diversité des sources mythiques et des légendes qui entourent les héros de l’Antiquité, puisqu’Orphée évoque à de nombreuses reprises des rumeurs qui circulent autour de lui-même ou de ses compagnons, qu’il « n’infirme ni ne confirme », et en inventant également des événements mythiques, comme l’expédition d’Ulysse et d’Orphée en Hyperborée.

De par sa nature de demi-dieu, Orphée perçoit le temps différemment des mortels, et a ainsi conscience de sa destinée, puisqu’il revit son existence de manière cyclique, depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Cette vision cyclique du temps et de sa propre vie le conduit à un paradoxe : il sait absolument tout ce qu’il va vivre tout en découvrant les événements pour la première fois. Ce paradoxe, combiné au fait qu’il revit sa propre vie, lui permet d’affirmer que le destin des mortels est également prédéterminé, ce qui montre que le libre-arbitre n’existe pas plus pour un demi-dieu que pour eux. Sa nature de demi-dieu lui donne également conscience que sa vie a donné naissance à des légendes, qu’il « n’infirme ni ne confirme », ce qui témoigne du fait que même un demi-dieu ne peut contrôler ce qui circule à son sujet, et plus largement, que le flou qui entoure la mythologie et ses héros est conscient et entretenu par ses acteurs, d’une certaine façon, ce qui est une manière intéressante de montrer la perception que l’on peut avoir de la mythologie, notamment lorsqu’on la met en scène. L’auteur relève également les liens que partagent les héros et les dieux, qu’ils soient familiaux ou non en évoquant les nombreux fils de Poséidon, le fait que les Argonautes soient presque tous des demi-dieux, ou encore le fait qu’Orphée soit le cousin des sirènes, mais surtout en montrant les liens du poète légendaire avec les Muses et Appollon, qui lui a fait cadeau d’une lyre d’or semblable à la sienne à travers des scènes porteuses d’une grande puissance.

L’auteur fait également jouer un rôle au destin dans son récit, notamment au cours du voyage des Argonautes, qui sont tous prédestinés à accomplir une tâche donnée, ou à mourir lors d’une étape précise du voyage (je ne dévoilerai rien à ce sujet), à cause de malédictions ou du choix des Dieux, dont la volonté apparaît omniprésente et déterminante. Ainsi, le caractère inéluctable des événements est fréquemment rappelé par Orphée, qui met aussi en avant le caractère héroïque et les vertus de ses compagnons, mais aussi ses propres pouvoirs, qui lui permettent de captiver ses auditeurs grâce à sa lyre.

Le mot de la fin

Le Dernier chant d’Orphée est une novella qui raconte l’histoire d’Orphée, avec les épisodes fondamentaux de la vie du poète de légende, ainsi que d’autres inventés par l’auteur, Robert Silverberg, qui montre une grande connaissance de la mythologie et de la manière dont on peut l’exploiter. Grâce à ce récit, j’ai pu découvrir la plume de Robert Silverberg, et je compte bien explorer ses autres œuvres !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Boudicca, Ombrebones, Célindanaé, Elhyandra, Aelinel, Xapur, Acherontia, Moonlight Symphony

15 commentaires sur “Le Dernier chant d’Orphée, de Robert Silverberg

  1. Je l’ai lu hier, pas très emballée je dois avouer :/ il faut encore que je peaufine ma chronique mais je crois que ce n’était juste pas un roman fait pour moi. En tout cas, belle chronique bien documentée comme toujours 🙂

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