Trois Coracles cinglaient vers le couchant, d’Alex Nikolavitch

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman de Fantasy celtique, qui plonge dans une figure quelque peu oubliée du mythe arthurien, à savoir Uther Pendragon.

Trois Coracles cinglaient vers le couchant, d’Alex Nikolavitch

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Introduction

 

Alex Nikolavtich est un auteur et scénariste né en 1971. En parallèle de sa carrière d’écrivain, il exerce le métier de traducteur de comics depuis plusieurs années. On lui doit entre autres, les versions françaises de V pour Vendetta (celle de 2009), de Top 10, et plus récemment de Wolverine – Arme X, Black Magick, ou encore The Old Guard. Il a également scénarisé une BD biographique sur H. P. Lovecraft, intitulée Celui qui écrivait dans les ténèbres.

En tant qu’écrivain, Alex Nikolavitch a publié plusieurs nouvelles dans des anthologies des éditions Rivière Blanche, notamment dans les recueils Dimensions Paris (2018), Dimensions Super-Héros no 4 (2018), mais également dans des revues, telles que le deuxième numéro du Novelliste (2018), et plus anciennement dans le premier numéro de la revue Fiction relancée de 2005 à 2015 par les Moutons Électriques. Ces derniers sont les éditeurs de ses trois premiers romans, à savoir Eschaton (2016), L’Ile de Peter (2017), et Trois Coracles cinglaient vers le couchant, publié en Avril 2019. À noter que les trois romans disposent de couvertures magnifiques, créées par l’inimitable Melchior Ascaride.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Trois coracles cinglaient vers le couchant. À leur bord, Uther, un chef de guerre de l’île de Bretagne, et ses compagnons de toujours.

Leur destination, une île au bout de la mer, là où dit-on vivent les fées et les morts. Que va-t-il chercher si loin des terres habitées par les hommes ? Uther sait-il seulement qu’il va enfanter d’une légende destinée à traverser les siècles ? »

Mon analyse traitera de la manière dont le roman s’ancre dans une certaine Fantasy Historique, puis je parlerai du personnage d’Uther et de sa construction.

 

L’Analyse

 

Fantasy Historique, Celtique

 

Trois Coracles cinglaient vers le couchant se déroule à une époque se rapprochant du mythe en raison du fait qu’elle mobilise un certain nombre de personnages légendaires ou sur lesquels on dispose de peu de documentation historique, tels que Uther Pendragon, Ambrosius, Gordiern (aussi appelé Vortigern), Coel (le père de Uther) … On peut cependant rattacher la diégèse à l’époque de l’invasion de la Grande Bretagne par les Angles et les Saxons, alors que l’Empire romain se désintéresse peu à peu des Bretons et se retire de l’île de Bretagne et que les Gaëls et les Scots attaquent et pillent des villages, tandis que le christianisme commence tout juste à s’implanter. Le roman d’Alex Nikolavitch se déroule donc à une époque charnière, à la frontière du paganisme et du christianisme. L’idée du déclin de Rome est également assez présente, puisqu’on observe une confrontation entre les préjugés des personnages sur la grandeur de la Rome passée, celle qui a conquis la Bretagne, que Boudicca a tenté d’affronter, et qui a laissé des traces avec ses villes fortifiées et ses tactiques de combat, et son déclin, avec le fait que les évocations de la Rome contemporaine à la diégèse soient chargées de l’idée de chute. Ambrosius, surnommé « le dernier Romain », explique par exemple que Rome ne compte plus que quelques palais, qui ne sont entretenus que pour éviter leur éventuel effondrement. On observe donc un véritable décalage entre l’image que renvoie la Rome fantasmée par les Bretons et qu’est censée représenter Ambrosius, légat romain se trouvant sur leurs terres, et la Rome véritable, en véritable déclin. Le personnage d’Ambrosius possède lui aussi des préjugés à l’encontre d’Uther et de ses compagnons, notamment le Picte Brude, qu’il considère comme une sorte de barbare sauvage. Ces préjugés engendrent souvent des confrontations plus ou moins amicales et drôles entre les personnages, ce qui permet de montrer leurs points communs, malgré leurs différences civilisationnelles.

Les personnages du roman d’Alex Nikolavitch croient en leurs dieux. Ainsi, le surnaturel dépeint par le récit peut parfois relever des superstitions dues aux traditions des personnages, à l’instar d’autres romans prenant pour source la culture celtique, tels que Même pas mort de Jean-Philippe Jaworski, ou Boudicca de Jean-Laurent Del Socorro. Cependant, Trois Coracles cinglaient vers le couchant est également porteur de véritables éléments surnaturels, avec des métamorphoses, les visions engendrées par le mystérieux barde Cynddylan, mais également la relation d’Uther avec son épée, la Calibourne (ce terme est un autre nom désignant la légendaire épée Excalibur), sur laquelle je reviendrai plus bas. Notez d’ailleurs que le personnage de Cynddylan fait office de passerelle entre le monde des Hommes et le monde du surnaturel, celui des dieux et des fées, à l’image d’un certain Merlin. Alex Nikolavitch prend donc des libertés avec la légende arthurienne en mettant en scène ce barde doté de capacités surnaturelles, qui va servir de guide à Uther et ses compagnons au cours de leur périlleux voyage, au cours duquel il révélera toute son ambiguïté, ainsi que ses véritables capacités, dans leurs véritables capacités comme dans leur limites (je ne peux malheureusement pas vous en dire plus).

L’époque que dépeint Alex Nikolavitch, avec une Bretagne assaillie par les Gaëls, les Scots, les Angles, et les Saxons, qui forgeront plus tard l’identité de l’Angleterre en se mêlant avec plus ou moins de violence aux Bretons, qui doivent dans un premier temps lutter contre les invasions en retrouvant leur unité et leur identité pour pouvoir défendre leurs terres. Le lecteur pourra donc suivre des batailles des Bretons contre les peuples qui les envahissent, mais également des affrontements entre les Bretons eux-mêmes, puisque certains d’entre eux sont assez ambitieux pour se proclamer rois, à l’image de Gordiern, qu’Uther devra affronter parce qu’il se revendique roi des Bretons.

 

Uther meneur d’hommes, roi, et légende

 

La narration de Trois Coracles cinglaient vers le couchant est complètement centrée sur le personnage d’Uther. Le lecteur le découvre ainsi alors qu’il se trouve avec ses compagnons sur les « trois coracles », embarqué dans un voyage pour une destination inconnue, mais il ne tardera pas non plus à découvrir le passé du chef de guerre Breton. En effet, les chapitres du roman alternent entre le présent de la diégèse, avec le voyage d’Uther, et le passé, où l’on découvre la manière dont le personnage a trouvé la Calibourne et s’en est servi pour parvenir à fédérer son peuple contre les invasions et les dissensions internes qui le rongeaient, à cause de Gordiern notamment, mais également ses diverses rencontres avec ses futurs compagnons, qui sont riches en moments forts.

Les compagnons d’Uther, mais également les peuples qui le suivent lors de ses batailles contre Gordiern ou les envahisseurs, le perçoivent comme un héros et ont foi en lui. Cette foi en Uther s’observe à la fois dans les chapitres présents et passés. La plupart de ceux qui l’accompagnent le considèrent comme le défenseur, voire le sauveur de la Bretagne, grâce à ses capacités martiales mais aussi et surtout par la manière dont il fédère et rassemble les Hommes, ce que l’on observe dans l’épithète homérique souvent employé pour le qualifier, « Uther meneur d’hommes ». Ainsi, même lorsqu’il nourrit des projets qui peuvent paraître fous ou insensés, les compagnons d’Uther le suivent, même s’ils savent qu’ils se dirigent droit vers l’inconnu sur leurs frêles embarcations. Le voyage sur les coracles et ses conséquences vont également confronter Uther à sa propre légende, et va également interroger sa portée, ainsi que son héritage et sa succession. L’auteur joue ici avec le fait que le lecteur sache qui sera le successeur d’Uther, à l’inverse de son personnage, tout en marquant une nette distinction entre ce qui précède son voyage et ce qui le suit pour montrer la manière dont Uther devient une véritable légende vivante.

Je souhaiterais enfin m’arrêter sur la relation entre Uther et son épée, la Calibourne. En effet, son arme lui confère une puissance et une aura surnaturelles, qui lui permet de s’illustrer pendant les batailles et de fédérer les guerriers qui sont sous ses ordres en devenant un symbole de la Bretagne. La Calibourne possède cependant une part d’ambiguïté, parce que la plupart des personnages qui accompagnent Uther ou qui croisent sa route voient qu’elle est marquée par le surnaturel, et qu’elle semble choisir ses porteurs. Elle semble également capable de trahir son porteur. Uther tisse donc une relation plutôt intéressante avec la Calibourne, et l’aspect parfois surnaturel et ambigu de celle-ci peut vaguement rappeler les liens qu’entretient un certain albinos avec une certaine buveuse d’âmes !

 

Le mot de la fin

 

Trois Coracles cinglaient vers le couchant, troisième roman d’Alex Nikolavitch, explore un pan assez méconnu du mythe arthurien, à savoir l’histoire d’Uther Pendragon, père du roi Arthur, qui est ici dépeint comme le héros fédérateur d’un peuple Breton assailli par les Angles, les Saxons, les Gaëls et les Scots. L’héroïsme d’Uther s’observe à travers sa capacité à fédérer des hommes que parfois tout oppose en termes de culture et de civilisation, mais également à se confronter à la légende qu’il crée autant par ses faits d’armes et son port de la Calibourne, l’arme légendaire que son fils portera après lui !

J’ai aussi chroniqué d’autres romans d’Alex Nikolavitch, Les Canaux du Mitan

Vous pouvez également consulter les chroniques d’Outrelivres, Carolivre, Thomas Spok,

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