Les Souvenirs de la glace, de Steven Erikson

Salutations, lecteur. Dis-moi, tu avais aimé découvrir Le Livre des Martyrs avec Les Jardins de la lune ? Tu avais adoré Les Portes de la maison des morts ? Si c’est le cas, laisse-moi te parler du troisième volume de la série, j’ai nommé

Les Souvenirs de la glace, de Steven Erikson

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Introduction

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service presse. Je remercie donc les éditions Leha et plus particulièrement Julien Guerry pour l’envoi du roman. Ensuite, je tiens à rappeler que je vais parler du troisième tome d’une série. Je ne ferai donc pas ou peu de rappels sur l’univers malazéen, et si vous n’avez pas lu les deux premiers volumes du Livre des martyrs, vous risquez de vous faire spoiler certains éléments d’intrigue. Je vous invite donc à au moins lire mes articles sur les deux premiers volumes (ici et ici) pour ne pas être perdus.

Steven Erikson est un auteur de Fantasy canadien né en 1959. Il est archéologue et anthropologue de formation, et ces deux professions l’ont aidé dans ses récits. Ses récits, se sont d’abord les dix romans du Livre des Martyrs (Malazan Book of the Fallen, en VO, ou tout simplement Malazan, et anciennement Le Livre Malazéen des Glorieux défunts en VF), qui forment une gigantesque saga de Fantasy, qui est, selon certains critiques (que je ne démentirai pas), à placer aux côtés de George R. R. Martin et de Robin Hobb en termes de qualité, voire même au-dessus. Steven Erikson a également écrit d’autres œuvres se déroulant dans l’univers malazéen, avec des novellas, ou d’autres séries de romans tels que The Kharkanas Trilogy. Cet univers est également développé par son second créateur, qui est Ian Cameron Esslemont, dans la saga Malazan Empire, et dans la trilogie Path to Ascendancy. On peut également noter que Steven Erikson est également l’auteur de romans de SF, avec par exemple Rejoice, traduit en français par Patrick Couton sous le titre Réjouissez-vous et paru aux éditions L’Atalante.

En France, la saga Malazan Book of the Fallen a d’abord été traduite et publiée chez Buchet/Chastel pour le premier volume seulement, avant d’être reprise chez Calmann-Lévy qui s’est arrêté au second volume, qu’il avait d’ailleurs découpé en deux parties. La traduction la plus récente vient des éditions Leha, qui compte traduire et publier les dix volumes de la saga. Le premier volume de cette traduction, Les Jardins de la Lune, traduit par Emmanuel Chastellière, est paru en Mai 2018, tandis que le deuxième, Les Portes de la Maison des Morts, est paru en Novembre de la même année. Le troisième volume, Les Souvenirs de la glace, dont je vais vous parler aujourd’hui, est paru en Avril dernier et a été traduit par Nicolas Merrien, qui avait également travaillé sur le volume précédent.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Le continent ravagé de Genabackis a donné naissance à un nouvel empire terrifiant : le Domin de Pannion. Telle une marée de sang corrompu, il dévore ceux qui refusent de se soumettre à la sainte parole de son tyran fanatique. Pour l’affronter, l’Ost de Dujek Unbras et les Brûleurs de Ponts de Mésangeai et de Ganoes Paran devront forger une alliance avec leurs vieux ennemis : les forces du seigneur de guerre Caladan Rumin, les Tistes Andii d’Anomander Rake et les Rhivis des plaines.

Mais ce ne sont pas les seuls événements qui se trament. Les clans T’lan Imass se sont également réveillés, répondant à l’appel de l’antique rassemblement qui scellera leur destinée. Dans l’ombre, une infection se propage, corrompant les garennes, souillant la chair de Brûle, la Déesse Endormie elle-même. À Morn, une déchirure écarlate porte la trace du Chaos, promesse d’une effroyable renaissance. Et partout l’on raconte que le Dieu Estropié, désormais libéré de ses chaînes, chercherait à assouvir son impitoyable vengeance…

Mais les clans non-morts des T’lan Imass se sont également réveillés, répondant à un antique rassemblement ordonné par la première Jeteuse d’Os de chair et de sang à avoir vu le jour depuis plusieurs centaines de milliers d’années. Dans l’ombre, une force plus sombre et malveillante semble menacer le monde. Une infection se répand, corrompant les garennes, souillant la chair de Brûle, la déesse endormie elle-même.

À Morn, des tumulus profanés portent la marque du Chaos, promesse d’une effroyable renaissance. Et partout l’on raconte que le Dieu Estropié, désormais libéré de ses chaînes, chercherait à assouvir son impitoyable vengeance… »

Mon analyse traitera du développement de l’intrigue et de l’univers du roman, mais également de son sens de l’épique au sens large, ainsi que de l’évolution des personnages. En revanche, soyez prévenus, quelques spoils mineurs se sont peut-être glissés dans cette chronique.

L’Analyse

Intrigue et univers complexifiés

Les Souvenirs de la glace prend place sur le continent de Genabackis, après les événements des Jardins de la Lune à Pale et Darujhistan, qui ont entre autres créé une maison des Azaths dans la ville suite à la libération tumultueuse d’un Tyran Jaghut. Mais surtout, le roman se déroule littéralement en même temps que Les Portes de la Maison des Morts, c’est-à-dire que les trames scénaristiques des deux romans interagissent parfois ensemble, notamment à travers la mention des événements en cours sur le continent de Sept Cités, qui auront des conséquences sur les personnages des Souvenirs de la glace, qui ont déjà un grand nombre de tâches à accomplir.

En effet, les forces de l’empire malazéen, commandées par Dujek Unbras et son second Mésangeai, qui comprennent également les Brûleurs de Ponts menés par Ganoes Paran, ont été faussement déclarées hors-la-loi par l’impératrice Laseen afin qu’elles s’allient avec l’armée de Caladan Rumin, le Seigneur de Guerre, et les Tiste Andii d’Anomander Rake, qui se trouvaient être leurs ennemis jusqu’à présent sur le continent de Genabackis pour contrer la menace grandissante du Domin de Pannion. Cependant, Dujek et Mésangeai sont les seuls membres de l’armée malazéenne à savoir qu’ils ne sont pas véritablement des renégats, et la fragile alliance qu’ils vont former avec Rumin et Rake ne va reposer que sur leur ignorance de la vérité, sans oublier les intérêts personnels et les caractères forts des figures majeures de celle-ci. Ainsi, Dujek Unbras et Mésangeai vont devoir non seulement composer avec Caladan Rumin et Anomander Rake, des Ascendants âgés de plusieurs centaines de milliers d’années et porteurs d’une puissance incommensurable, mais ils vont avoir à faire avec Kallor, ancien roi et empereur vieux d’environ cent mille ans (je ne peux pas vous en dire plus), Renarde Argentée, une enfant Rhivie, réincarnation des mages malazéens, Frissombre, Loquevoile et Bellurdan, et qui se trouve également être une Jeteuse d’Os, c’est-à-dire une mage Imass vivante et pas non-morte, le mystérieux et truculent Kruppe de Darujhistan, et bien d’autres, tandis que d’autres personnages, tels que Ganoes Paran, vont se découvrir des capacités insoupçonnées. Ainsi, l’alliance formée par les malazéens avec leurs anciens ennemis va se révéler assez instable à cause des forces, mais surtout de la diversité d’intérêts qu’elle réunit.

Cette fameuse alliance prend forme afin de lutter contre un ennemi terrifiant, le Domin de Pannion et son Oracle, qui se sont implantés en Genabackis pour former un empire destructeur qui ravage toute forme de vie sur son passage, ce qui s’illustre notamment à travers l’une de ses forces armées, les Tenescowris, qui se nourrissent exclusivement de celles et ceux qu’ils massacrent, dans les villes qu’ils assiègent comme sur le champ de bataille. Certaines des femmes Tenescowris sont décrites comme se ruant sur des hommes à l’agonie pour récolter leur « Semence morte » et ainsi donner naissance à des « enfants de la Semence morte » (charmant, n’est-ce pas ?). Le Domin de Pannion est ainsi dépeint par Steven Erikson comme un rassemblement de fanatiques à l’état pur, extrêmement violents et brutaux, ce qu’on observe lors de certaines scènes particulièrement saisissantes et horribles lors du siège de Capustan, qui se trouve sur le trajet de l’armée de l’Oracle, ou dans le point de vue de Toc le Jeune, un soldat malazéen qui croisera sa route. L’alliance entre les malazéens et les Ascendants doit donc faire face à une armée et un chef monstrueux, malgré le fait que les Tenescowris soient des paysans poussés à agir de manière atroce par l’Oracle à cause d’un certain endoctrinement et du fait qu’aucun choix ne leur est laissé.

L’intrigue gagne donc en enjeux, puisqu’on a une opposition entre plusieurs factions puissantes et le Domin de Pannion, mais également en complexité et en niveaux. En effet, derrière les agissements de l’Oracle, on discerne l’action du Dieu Estropié, un dieu qui a été détruit par une assemblée de dieux et d’Ascendants cent mille ans auparavant et qui cherche à se venger du monde entier. Le Dieu Estropié revient donc sur le devant de la scène et met en place des plans qui le constituent comme l’antagoniste majeur de la série, puisqu’il met la magie et la vie elles-mêmes en danger en infectant la grande déesse Brûle, qui est garante du sort du monde, mais également les Garennes, qui sont la source de la magie. Les Anciens Dieux, tels que K’Rul ou Draconus, mais aussi d’autres divinités, comme Goule, le dieu la Mort, s’opposent à lui et à ses serviteurs, et s’immiscent donc dans la guerre contre le Domin de Pannion, par l’entremise plus ou moins subtile de certains personnages. Les agissements des dieux font donc monter les enjeux de l’intrigue des Souvenirs de la glace, en plus de lui faire gagner plusieurs niveaux, parce qu’au-delà d’un conflit politique et militaire humain, se dresse un conflit de niveau divin qui prend pour enjeu le devenir du monde et de la vie. Je tiens tout de même à préciser que l’intrigue reste malgré tout très peu manichéenne et schématique. La guerre entre le Domin de Pannion et l’alliance des malazéens avec Rumin et Rake ne peut pas se résumer à une opposition entre le Bien et le Mal, puisque les protagonistes sont tous loin d’avoir une conduite irréprochable (surtout si on prend en compte les intentions de certains d’entre eux), mais aussi et surtout parce que le récit décrit une guerre, et Steven Erikson insiste à plusieurs reprises sur le fait que rien n’est véritablement « beau » ou « bon » dans une guerre, quelles que soient les intentions qui la motivent. L’auteur insiste également sur l’importance du Jeu des Dragons (une sorte de tarot divinatoire avec les différents membres du panthéon, répartis en différentes Maison) pour les dieux et les Ascendants, notamment en mettant en scène la création d’une nouvelle Maison par le Dieu Estropié, la Maison des Chaînes.

L’intrigue du roman est donc complexe, et je vous conseille fortement de ne pas la suivre que d’un œil, parce qu’elle se ramifie assez fréquemment. En effet, certains membres de l’alliance suivent des objectifs annexes à la destruction du Domin de Pannion. Ainsi, Ben le Vif, le mage d’escouade proche des Brûleurs de Ponts va rapidement découvrir que les Garennes sont empoisonnées et chercher des moyens de parvenir à mobiliser sa magie, notamment en aidant les Barghasts, un peuple nomade non-humain réticent à s’allier avec les malazéens, à récupérer les corps physiques de leurs dieux, appelés « Esprits Fondateurs », qui se trouvent à Capustan, une ville en passe d’être envahie par le Domin de Pannion. Capustan, vers laquelle vont converger plusieurs personnages importants, notamment les gardes de caravane Grognard et Pierrie, qui accompagnent le mystérieux marchand Keruli, et au sein de laquelle se trouvent les Épées grises, un groupe de mercenaire consacrés au dieu Fener qui s’affaiblit de plus en plus, mais également Bauchelain et Korbal Broche, des nécromanciens puissants et plutôt truculents !

La densification de l’intrigue est donc due à une multiplication des personnages point de vue, dont on suit les déplacements et l’avancée des plans (Mésangeai, Ganoes Paran, Ben le Vif, Itkovian des Épées Grises, la caporale Piocheuse des Brûleurs de Ponts, Grognard, la déesse Dame Envie, Toc le Jeune…) en un grand nombre de lieux différents (la ville assiégée de Capustan est perçue par Grognard et Itkovian, l’alliance donne plusieurs points de vue disposés en des points de vue différents, le voyage de Dame Envie, les déboires de Toc le Jeune…). Cette multitude de points de vue et de lieux permet au lecteur de saisir la totalité des enjeux du récit et de constituer tous les fils de l’intrigue, ceux qui s’entremêlent dans la campagne contre le Domin de Pannion, mais également ceux qui vont au-delà, à l’image des pouvoirs développés par Ganoes Paran, les échos avec les événements des Portes de la Maison des Morts, les plans du Dieu Estropié, ou encore les agissements des T’lan Imass, qui laissent entrevoir des pistes pour les volumes suivants de la série.

L’auteur épaissit également l’univers de la série. On découvre beaucoup d’informations sur les dieux, notamment la raison du sommeil de Brûle, et ce que son réveil déclencherait, on voit en action l’une des quatre Races Fondatrices, les K’Chain Che’Malle, qui sont de grands reptiles bipèdes intelligents (qui a dit dinosaures ?), dont certains membres, les Chasseurs K’ell, ont des lames à la place des bras. Ce sont des créatures extrêmement puissantes, bien qu’on les observe à l’état de non-morts (je ne peux pas vous en dire plus sans vous spoiler). On en apprend également plus sur le rituel de Tellann des T’lan Imass, vis-à-vis desquels Renarde Argentée a un rôle à jouer. Ainsi, Steven Erikson développe son univers, et montre encore une fois de manière claire que les humains sont loin, très loin, d’être la seule espèce intelligente du monde, et qu’ils sont loin d’être la plus puissante. À noter que l’on apprend également comment les Brûleurs de Ponts se sont formés, et quelle part Ben le Vif et Kalam (l’assassin originaire de Sept-Cités) ont joué dans leur naissance, à travers un récit donné par Mésangeai.

Le sens de l’épique

Les combats et les batailles sont très bien décrits et riches en moments forts. Ainsi, le siège de Capustan est porteur de scènes à la fois violentes et dures, de par les exactions perpétrées par les armées du Domin de Pannion, mais également en moments de bravoure et en démonstrations de puissance, tout comme la bataille de Corail. L’accent est également mis sur les stratégies militaires employées par les malazéens, avec par exemple des descriptions des mouvements de troupes et des plans de bataille mis en œuvre par les différentes factions. On peut d’ailleurs observer que les malazéens tirent parti des « munitions moranthes », tels que les « brûleuses », les « craqueuses », les « jureuses », et les « aigrefines », qui sont en fait des explosifs à poudre capables de faire beaucoup de dégâts, en incendiant ou en détruisant des bâtiments entiers. La présence d’armes fonctionnant avec ce qui s’apparente à de la poudre et leur utilisation tactique par les Moranths et les malazéens ancre Le Livre des Martyrs dans une Fantasy qu’on peut qualifier de moderne, en plus de renforcer l’intensité de certaines scènes de bataille. La magie n’est pas non plus en reste dans Les Souvenirs de la glace, notamment lorsque Ben le Vif entre en action contre les mages du Domin de Pannion. J’ajouterai également que les combats entre les guerriers T’lan Imass et les K’Chain Che’Malle sont d’une grande intensité, notamment due au fait qu’ils opposent des guerriers non-morts surpuissants !

Si les combats sont impressionnants, certaines scènes se déroulant en dehors des affrontements ne sont pas en reste en termes de sens de l’épique et illustrent la véritable puissance (parfois insoupçonnée) des personnages, à l’instar de la « démonstration de magie » de Ben le Vif à Bauchelain et Korbal Broche à Capustan, ou beaucoup plus impressionnant, le fait que Kruppe puisse survivre sans aucune égratignure à une frappe du marteau de Caladan Rumin, alors qu’elle est capable de générer des montagnes. Steven Erikson montre donc que les apparences, tant physiques que comportementales ne font pas toujours tout, en donnant un physique et une attitude assez désavantageux à certains de ses personnages pour ensuite les confronter à d’autres, considérés comme incroyablement puissants. Ce procédé fonctionne particulièrement bien pour Kruppe, mais l’auteur l’utilise également pour les malazéens, qui gagnent le respect et l’amitié de personnages considérés comme divins, à l’image de Mésangeai, qui devient ami avec Anomander Rake et tisse une relation amoureuse avec Korlat, la commandante en second des Tiste Andii, ou Toc le Jeune, qui devient l’ami d’Outil, un T’lan Imass puissant, tout en piquant fortement l’intérêt de la puissante déesse Dame Envie.

Développements des personnages

Un grand nombre de personnages des Souvenirs de la glace sont développés et certains d’entre eux acquièrent une dimension insoupçonnée.

Ganoes Paran, capitaine des Brûleurs de Ponts, après avoir traversé la dimension interne à Dragnipur, l’épée appartenant à Anomander Rake et libéré les Molosses de l’Ombre qui s’y trouvaient, obtient des pouvoirs surnaturels et se trouve choisi pour être le Maître du Jeu des Dragons, c’est-à-dire le pouvoir de statuer sur les querelles que se livrent les dieux, en acceptant ou en refusant la création de la Maison des Chaînes du Dieu Estropié. Le capitaine Paran va aussi, d’une certaine façon, retrouver son aimée, Loquevoile, en partie réincarnée en Renarde Argentée, devoir se faire accepter des Brûleurs de Ponts, accepter ses pouvoirs et les responsabilités qui lui incombent, et faire face aux récits des événements des vies de ses deux sœurs, Tavore, devenue Adjointe de l’Impératrice, chargée de réprimer la révolte en Sept Cités, et Felisine, envoyée dans les mines d’Otataral. À travers ces relations et les événements qu’il va vivre (je ne vais évidemment pas vous parler de tout), Ganoes Paran va devenir un personnage plus actif et plus profond, qui dispose de pouvoirs proches de ceux d’un Ascendant.

Le lecteur observera au cours du récit que Mésangeai est considéré comme un véritable héros, reconnu des Ascendants Caladan Rumin et surtout Anomander Rake, dont il devient l’ami. Mésangeai noue également une liaison amoureuse avec Korlat, une Tiste Andii commandante en second du contingent de Rake. Leur relation s’avère touchante et marquée par le tragique, premièrement à cause des différences de longévité entre les deux personnages, puisque les Tiste Andii peuvent vivre des dizaines de milliers d’années, contrairement aux humains, mais aussi parce que Mésangeai cherche à se retirer des campagnes malazéennes, ce qui est contraire aux plans de l’Impératrice. Le personnage est également profondément marqué par les pouvoirs des Ascendants qu’il côtoie et des forces en jeu dans le conflit contre le Domin de Pannion et le Dieu Estropié, parce qu’il se rend compte qu’il est dépassé en tant qu’humain.

Les Brûleurs de Ponts sont également tous développés, notamment à travers l’explication de leurs surnoms (je vous laisse deviner d’où Orteil tire son surnom), mais aussi à travers des échanges assez truculents et bourrés d’humour. Piocheuse et Mêle sont particulièrement développées, et leurs interactions avec les autres Brûleurs de Ponts témoignent de leur réel attachement pour leurs compagnons d’armes. L’auteur met également l’accent sur leur bravoure, notamment lors de la bataille de Corail, où elles doivent affronter des K’Chain Che’Malle.

Je terminerai sur un florilège d’autres personnages dont les développements m’ont plu, avec Outil, qui gagne considérablement en humanité en se liant d’amitié avec Toc le Jeune, Toc le jeune lui-même, qui doit vivre des souffrances atroces, Itkovian des Épées Grises, qui doit faire face à la perte de son dieu, Caladan Rumin, qui possède le pouvoir de sauver Brûle mais à un prix immense, Grognard, qui doit supporter l’attention d’un dieu alors qu’il n’en veut pas, ou encore Renarde Argentée, qui porte en elle le destin de tous les T’lan Imass non-morts. Tous ces personnages (et bien d’autres) sont développés à travers des confrontations à des dilemmes, des souffrances, l’échec ou la réussite de leurs ambitions, qui les rendent très humains et profonds, avec des séquences très puissantes !

Le mot de la fin

Les Souvenirs de la glace est un roman marquant. Si vous aviez aimé Les Jardins de la Lune et Les Portes de la Maison des morts, je ne peux que vous conseiller de le lire. Il constitue un tournant dans la construction globale de l’intrigue du Livre des Martyrs dans son ensemble, à travers les échos narratifs qu’il construit avec d’autres romans du cycle et son intrigue qui met en jeu les premiers agissements de l’antagoniste de la série, le Dieu Estropié, par l’entremise du Domin de Pannion, un empire constitué de personnes fanatisées coupables de terribles exactions, à la tête duquel se trouve un Oracle doté de pouvoirs qui mettent en danger le continent entier de Genabackis.

Le récit se concentre donc sur la fragile alliance formée par les malazéens et leurs anciens ennemis, l’armée de Caladan Rumin et les Tiste Andii d’Anomander Rake, mais également d’autres fortes personnalités, avec lesquelles Mésangeai et Dujek Unbras, faussement déclarés hors la loi, vont devoir prendre garde et parvenir à lutter contre le Domin de Pannion. Cette alliance, tout comme le conflit dans son ensemble, va conduire à des développements de relations entre les personnages très intéressants, et permettre au lecteur d’en apprendre plus sur l’univers vaste de Steven Erikson. Les moments épiques ne sont pas en reste, avec des batailles et des démonstrations de puissance d’une grande intensité !

Bref, j’ai adoré ce roman, et j’attends la suite avec une grande impatience !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Symphonie, Herbefol (sur la VO), Charybde, Onos

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11 commentaires sur “Les Souvenirs de la glace, de Steven Erikson

  1. Certains trucs donnent envie, la démesure, l’évolution des personnages, et l’idée de créer de nouvelles cultures tout en nous expliquant enfin qui est cette Brûle (c’est que je commençais à me poser des questions, depuis le temps…), mais je crois que je vais passer mon tour pour cette fois. J’aime le boulot d’Erikson, mais j’ai été un peu barbouillé par sa surenchère de violence et de gore dans « Les Portes de la Maison des Morts ». Cela dit, ça m’a toujours l’air de très haute qualité !

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      1. On verra dans quelques années… Au fait, Toc le Jeune était pas censé être mort ?

        PS : J’ai remarqué un schéma récurrent dans les œuvres de dark fantasy (Le trône de fer, La compagnie noire, Le livre des martyrs) : les personnages, aussi sombres soient-ils, doivent se mettre à combattre une menace pire qu’eux, ou tout du moins plus dangereuse. Il y a quoi comme livres où ils sont condamnés à se battre véritablement contre eux-même ?

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      2. Non, il n’était pas mort, mais potentiellement en très mauvaise posture dans une Garenne du Chaos.
        Contre eux-mêmes au sens strict, je serais tenté de te recommander la série de L’Agent des ombres de Michel Robert, parce que le personnage principal se confronte à ce qui le hante, mais je ne sais pas si ça peut t’intéresser, après je ne suis pas un expert de la Dark Fantasy (je suis loin, très loin d’avoir tout lu !).

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