Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler du premier roman d’un auteur de fantastique que je découvre.
Les Fenêtres de bronze, de Pascal Malosse
Introduction
Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Malpertuis. Je remercie donc Christophe Thill de m’avoir donné le roman !
Pascal Malosse est un auteur franco-polonais né en 1985. Ses recueils de nouvelles Contes de l’entre-deux et Contes de la vodka ont été respectivement publiés en 2014 et 2017 aux éditions Malpertuis. Cette même maison d’édition a également publié son premier roman en 2018, Les Fenêtres de bronze, dont je vais vous parler aujourd’hui.
Voici la quatrième de couverture du roman :
« Des pages volantes. Des pages déchirées, couvertes d’une écriture bizarre, tombant dans la rue du haut des bâtisses parisiennes comme des feuilles d’automne. Théo, pendant son service de garçon de café, remarque, ramasse et assemble cette curieuse lettre. Une jeune femme s’y confie, raconte qu’elle a toujours vécu recluse dans un vaste appartement, sans voir personne, sans autre compagnie que celle des livres et des tableaux. Fiction, canular… ou authentique appel à l’aide ?
En dépit du bon sens, Théo décide de mener sa propre enquête. Parviendra-t-il à percer le mystère terrible et ancien qui se cache derrière les fenêtres de bronze ? »
Mon analyse du roman examinera les personnages du récit et leurs relations, ainsi que la manière dont l’auteur met en scène l’objet textuel. Cette chronique va sans doute spoiler quelques éléments mineurs de l’intrigue du roman. Rassurez-vous, je ne vais pas non plus complètement rentrer dans les détails !
L’Analyse
Des personnages liés par des textes
Les Fenêtres de Bronze met en scène plusieurs récits enchâssés, c’est-à-dire des histoires insérées dans un cadre narratif. Ce cadre narratif est constitué par Théo, un garçon de café parisien, qui retrouve les pages d’un manuscrit qu’il lit et retranscrit. Théo s’aperçoit rapidement que ce mystérieux texte émane d’une autrice, appelée Elisa, et va se lancer sur ses traces. En effet, le personnage est fasciné par le récit, mais également par son autrice à cause de leurs invraisemblances respectives, qui heurtent sa crédulité et le poussent à interroger leur réalité. En effet, Elisa se décrit comme enfermée et isolée depuis de nombreuses années dans un appartement, sans aucun contact humain. La fascination de Théo pour Elisa et son récit peut ainsi être comparée à l’attrait qu’exerce un texte sur son lecteur, à travers le récit que son auteur dépeint. Pascal Malosse joue ainsi avec son personnage, qui cherche à retrouver une autrice qui l’a captivé grâce à ses écrits, et qui va affronter l’horreur afin de pouvoir l’observer. L’auteur joue également à la fois avec l’horizon d’attentes de Théo, son personnage, et celui de son lecteur concernant l’apparence physique d’Elisa. Le garçon de café apparaît comme un personnage banal de prime abord, que le récit d’Elisa va confronter à l’horreur.
L’autre personnage principal du roman, Elisa, vit seule dans un appartement. Cet isolement presque total fait qu’elle est complètement coupée du reste du monde. Afin de comprendre le monde et de couper court à sa solitude, elle a donc lu l’intégralité de sa bibliothèque, et tente d’écrire son histoire. Elisa perçoit et raisonne ainsi sur le monde à la lumière de ses lectures, qui la guident dans son écriture et orientent sa perception du monde. Elle apparaît donc comme un personnage écrivain et un personnage lecteur, qui se fait des idées sur le monde réel à partir de la littérature, comme une certaine Madame Bovary. Mais là où le personnage de Flaubert se berce d’illusions sur le monde à cause de ses lectures, Elisa est maintenue dans une sorte de prison dorée par ses geôliers. La littérature, et la lecture de manière générale lui permettent ainsi de s’évader et de vivre hors des murs. Elisa est donc aliénée, c’est-à-dire dépossédée de son identité et de son humanité, par son environnement et ses geôliers. L’aliénation du personnage s’observe également dan le fait qu’elle ne possède pas le langage oral. En effet, Elisa sait lire et écrire mais elle ne parle que très difficilement à cause de son isolement total qui ne l’a pas fait rencontrer d’autres personnes, ce qui fait qu’elle n’a pas complètement accès au langage et ne connaît pas tous les usages de la société. Elle est donc littéralement coupée du monde parce qu’elle est enfermée dans son appartement, mais aussi parce qu’elle est déshumanisée à cause de la manière dont elle agit, et parce qu’elle ne possède pas la parole.
Sans rentrer dans les détails, Elisa finira toutefois par être projetée dans le monde. Ce contact avec la réalité, symbolisé par la ville de Paris décrite par les yeux naïfs du personnage, va frapper Elisa à cause de la différence entre la littérature et le réel. Elle va ainsi découvrir l’horreur du comportement humain, parce que la plupart des gens vont lui être hostiles et refuser toute tentative de contact. Elisa apparaît donc comme un personnage qui n’est pas à sa place à la fois dans l’enfermement et à l’extérieur, à cause de la folie de ses geôliers qui l’ont coupée du monde et empêchée de vivre, et celle de l’être humain, qui refuse qu’elle vive en société. Elisa subit par conséquent une folie humaine qui vise à la déshumaniser, la transformant en animal en cage, alors que ses écrits et ses pensées montrent qu’elle est clairement humaine, puisqu’elle pense et qu’elle est dotée d’une sensibilité et de sentiments.
Pascal Malosse joue ainsi avec l’objet textuel et la littérature, française comme polonaise, en détaillant les auteurs auxquels Elisa a accès dans la bibliothèque de son appartement, à l’instar d’Agatha Christie, Voltaire, Edgar Allan Poe, Sienkiewicz ou encore Mickiewiecz. L’auteur montre ainsi ce que chaque auteur apporte à son personnage, à commencer par l’évasion et l’apprentissage du langage écrit. Il joue également avec le récit en y imbriquant le contenu des écrits d’Elisa, ainsi que l’histoire des Radziwiscy, une mystérieuse famille noble polonaise extrêmement influente en Pologne et en Europe, qui possède une importance capitale dans le récit. L’écrit au sens strict joue donc un rôle majeur dans le roman, puisque Théo et Elisa sont liés par les textes de cette dernière. Elisa est donc un personnage qui est forgé par l’écrit, en plus d’agir grâce au texte. L’auteur joue également avec son lecteur, qui comprend implicitement, grâce au récit d’Elisa et à celui des Radziwiscy, l’horreur dans laquelle vit le personnage enfermé, bien avant que Théo n’en saisisse le sens véritable. L’ironie dramatique et l’implicite participent activement à l’horreur et à l’ambiance du récit.
Sans rentrer dans les détails, Théo va être engagé chez les Radziwiscy, qu’il pense liés à l’enfermement d’Elisa et qui vivent dans un manoir ancré dans une atmosphère inquiétante, notamment à cause des membres de la famille, Catherine, Pierre, et son père, qui cachent de terribles secrets. Le contact entre Théo et les Radziwiscy va faire basculer le récit dans l’horreur, mais pas une horreur surnaturelle. L’auteur montre la cruauté et la monstruosité des comportements humains marqués par leurs croyances plus ou moins impies et leurs superstitions, le tout dans une ambiance de huis-clos, avec le manoir de la famille, qui apparaît fermé sur le monde extérieur et donc propice à l’horreur.
Le mot de la fin
Les Fenêtres de bronze est un roman qui décrit l’isolement, l’enfermement et l’aliénation complète d’un personnage féminin, Elisa, qui tente de se construire à travers la littérature et l’écriture, qui lui permettent d’échapper à son cruel destin. Pascal Malosse dépeint ainsi, à travers le rapport du reste de l’Humanité à son personnage, une horreur des comportements, et des traditions familiales superstitieuses et mortelles, dans lesquelle Théo, garçon de café parisien, va s’engouffrer après avoir lu les textes d’Elisa, qu’il va tenter de sauver. La lecture et la littérature sont ainsi décrites comme des objets salvateurs pour l’individu, qui lui permettent d’accéder au langage et à une forme d’humanité, alors qu’il est réifié.
Ce roman a été une bonne découverte !
Vous pouvez également consulter les chroniques de Yuyine, Un Bouquin sinon rien
Une réflexion très intéressante sur ce roman. Bravo!
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Merci beaucoup ! 🙂
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