Le Dieu dans l’ombre, de Robin Hobb

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman fantastique d’une autrice que j’admire beaucoup.

Le Dieu dans l’ombre, de Robin Hobb

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Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions ActuSF, que je remercie pour l’envoi du roman !

Robin Hobb, ou Megan Lindholm, est une autrice américaine née en 1952. Elle a longtemps vécu en Alaska, notamment dans la ville de Fairbanks, avant son mariage. Elle est mondialement connue pour ses sagas de Fantasy telles que L’Assassin royal, Les Aventuriers de la mer, Le Soldat chamane ou encore Ki et Vanden.

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui, Le Dieu dans l’ombre, est originellement paru en 1991, et avait été traduit par Claudine Richetin pour les éditions Télémaque en 2004. Le roman a par la suite été repris au Livre de Poche en 2007, et en 2019 par les éditions ActuSF dans la collection Perles d’épice.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Evelyn a vingt-cinq ans, un époux, une belle famille et un enfant de cinq ans.

Quand elle était jeune fille, elle avait la compagnie des forêts de l’Alaska, de la poésie de la

nature et de Pan, un faune mystique.

Un jour, il disparut.

Elle n’aurait jamais cru que la créature irréelle surgirait à nouveau dans sa vie et agiterait en elle ces émotions fantasmatiques et sensuelles.

A mi-chemin entre la civilisation et la nature, sous le couvert des arbres glacés, Evelyn devra faire face à des choix terribles. Trouvera-t-elle son chemin dans l’ombre ? »

Mon analyse du roman traitera entre autres de l’aliénation d’Evelynn par son mari et sa belle-famille, et de la manière dont sa relation avec Pan lui permet de s’émanciper.

 

L’Analyse

 

Relation femme-faune ?

 

Le Dieu dans l’ombre se déroule en 1976, dans un univers donné pour réel. Le lecteur suit Evelyn, une jeune femme mariée avec un certain Tom Potter (rien à voir ce Potter-là) et un fils, Teddy. Le point de vue d’Evelynn nous est transmis à la première personne et au présent, ce qui nous de connaître le ressenti et le cheminement de la pensée d’Evelynn et de ses conflits intérieurs et extérieurs. En effet, Evelyn va être amenée à vivre avec son fils et son mari chez ses beaux-parents, les Potter, une riche famille d’exploitants et d’industriels agricoles, propriétaires terriens, dont les membres l’impressionnent de par leurs caractéristiques physiques et leurs caractères. Tom apparaît également comme le mari parfait, beau, sociable, et capable de s’adapter à toutes les situations. Evelynn pense d’abord être en bons rapports avec cette famille américaine moyenne, bourgeoise, mais bien vite, un conflit se déclare entre elle et eux, parce que les Potter n’acceptent pas sa personnalité, et également parce qu’ils sont intolérants, ce qu’on observe dans leurs discours racistes et sexistes. Une grande partie de ce conflit va se jouer dans les non-dits et les sous-entendus dans les discours des Potter, mais également dans les différences sociales entre Evelyn et sa belle-famille.

Robin Hobb met également en scène des flashbacks (ou analepses) qui nous dévoilent le passé d’Evelyn, notamment son enfance et son adolescence dans la ville de Fairbanks en Alaska, que l’autrice connaît bien puisqu’elle y a vécu. Ainsi, Evelyn était une enfant introvertie et solitaire, qui préférait arpenter la forêt plutôt que de rester chez elle avec ses nombreux frères et sœurs. Evelyn est ainsi caractérisée comme un personnage ayant des difficultés dans les relations humaines et la société, puisqu’on observe qu’elle ne se conforme pas aux normes, dans le milieu scolaire par exemple. La nature constitue dès lors une échappatoire pour elle, qui s’incarne dans son chien, Rinky, et dans un faune, c’est-à-dire une créature mi-homme mi-bouc, qu’elle est capable de voir, Pan. Ces chapitres qui traitent du passé d’Evelyn montrent également l’évolution de son langage et de sa pensée, qui va en opposition avec les normes sociales. On observe cette opposition aux normes lorsqu’elle s’oppose à ses professeurs en école privée catholique et à sa famille, qui cherchent à lui inculquer des valeurs sexistes sur ce qu’une femme adulte doit faire et être dans une société et ne comprennent pas qu’elle puisse les rejeter. Evelyn, par son refus des normes sexistes, finit par rejeter sa croissance, puisque la société qui l’entoure cherche à l’aliéner, à la conditionner à devenir un type de femme qu’elle ne veut pas être, et par se rattacher à l’irréel, incarné par Pan.

Le roman joue donc sur la tension de son personnage principal, tiraillé entre un modèle qu’on lui a imposé et qu’on cherche encore à lui inculquer, et ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire une femme libre, liée à la nature. L’autrice détaille donc les tensions entre Evelyn, sa belle-famille et son mari, qui la méprisent, d’une certaine façon, en lui montrant qu’elle est extrêmement différente d’eux de par ses origines sociales et sa façon d’être, puisque les femmes de la famille Potter sont soit des femmes au foyer effacées qui ne s’occupent que du ménage et de la cuisine toute la journée, à l’instar d’Ellie, ou des femmes élégantes qui ne s’intéressent qu’aux apparences, comme Steffie ou la mère de Tom, Maurrie, qui sont donc complètement à l’opposé d’Evelyn. Le récit révèle ainsi peu à peu une relation toxique entre Evelyn, sa belle-famille et son mari, qui la manipulent et la culpabilisent, en se liguant contre elle pour lui faire des reproches sur l’éducation de son fils, ou la manière dont elle s’occupe du foyer. Le conflit entre Evelyn et sa belle-famille est d’abord larvaire et se trouve surtout dans les non-dits et les sous-entendus, mais finit par prendre de plus en plus d’ampleur, pour finalement exploser à la suite d’un événement tragique.

Parallèlement à cette relation toxique, Robin Hobb s’intéresse aux liens qui unissent Evelyn à Pan, à travers l’exploration de leur passé commun, mais aussi l’amour latent entre les deux personnages lorsqu’ils se retrouvent. Le faune est ainsi décrit comme un tenant de la nature sauvage, par opposition aux Potter, qui l’ont domestiquée avec leurs travaux de ferme. La relation entre Pan et Evelyn va donc permettre à la jeune femme de plus ou moins s’émanciper (je ne peux pas vous en dire plus) en quittant le réel banal de l’Humanité standard pour rejoindre la nature mythique, incarnée par la figure du faune.

Pan est ainsi décrit à la fois comme une créature du réel, puisqu’il n’est pas une hallucination d’Evelyn, mais aussi comme une divinité, puisqu’il appartient à un peuple de créatures mythiques, dont la mémoire traverse les siècles.

L’autrice met également en question l’impossibilité de la relation entre Pan et Evelyn, à cause de l’animalité du faune et la proximité de la jeune femme avec l’Humanité standard, ce qui fait qu’ils n’ont pas les mêmes modes de vie. Cependant, sans plus rentrer dans les détails, leur relation apparaît complètement rattachée à la nature. La relation entre les deux personnages peut également être vue comme une interrogation du lien entre l’Homme et la Nature à travers l’incarnation de celle-ci dans une figure surnaturelle, celle du faune.

Je terminerai cette chronique en évoquant le style de l’autrice, qui rend hommage à la nature sauvage des États-Unis et du Canada avec des descriptions extrêmement riches de la faune et de la flore qu’on peut trouver dans les forêts, et qui témoignent également de la connaissance qu’à Evelyn du milieu naturel, dans lequel elle se sent bien mieux que parmi les Hommes.

 

Le mot de la fin

 

Le Dieu dans l’ombre traite du conflit entre Evelyn, une jeune femme, son mari, Tom, et sa belle-famille, qui rejettent sa manière de vivre et son éducation, en la prenant pour une sorte de sauvage parce qu’elle a grandi à proximité de la nature, en Alaska, et parce qu’elle ne se trouve pas dans les stéréotypes féminins.

Robin Hobb explore ainsi l’intériorité de son personnage principal, qui cherche à s’émanciper à travers son lien avec la nature et sa relation avec Pan, un faune qu’elle a connu dans son enfance.

J’ai trouvé ce roman très bien écrit !

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11 commentaires sur “Le Dieu dans l’ombre, de Robin Hobb

  1. J’aime beaucoup ton analyse du roman ! Il n’y a qu’un point sur lequel je serais en désaccord, c’est que (selon moi) on n’a jamais la preuve formelle que Pan n’est pas une hallucination d’Evelyn. Le seul autre personnage à jamais voir le faune, c’est sont fils, jeune et à l’imagination fertile, qui aurait très bien pu être affecté par les récits/délire de sa mère. Elle-même doute plus que son compte. Donc je pense que le doute est permis et même entretenu par l’autrice ! Moi, en tout cas, j’ai été incapable de trancher^^
    Pour tout le reste, je ne peux que te rejoindre. Je n’avais pas eu l’idée de qualifier la relation d’Evelyn avec les Potter comme une relation toxique mais tu as totalement raison ! Et je trouve que sa fuite vers la nature sauvage, après sa « domestication » par les Potter est une belle clef d’analyse 🙂

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  2. J’ai adoré ce roman . Je l’ai lu plusieurs fois à des moments différents de ma vie. Je ressentis toujours la même émotion ,pour moi la relation entre pan et Evelyne est une realité et pas un mythe.physiquement et mentalement je ressens encore et toujours au plus profond de moi Les mots et les phrases comme une réalité de vie. Son écriture est superbe … Merci a Megan lindholm

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