Le Jour des morts, de Jean-Pierre Andrevon

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te présenter un recueil de nouvelles fantastiques écrites par un auteur français qui a énormément d’expérience.

Le Jour des morts, de Jean-Pierre Andrevon

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Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Malpertuis. Je remercie donc Christophe Thill de m’avoir donné le recueil !

Jean-Pierre Andrevon est un auteur français né en 1937. Son genre de prédilection est la science-fiction, comme le montrent ses romans Gandahar (1969), Le Travail du Furet (1983), ou encore Sukran (1990). Il a aussi écrit beaucoup de nouvelles, réunies dans différents recueils, comme Demain le monde, paru en 2013 aux éditions du Bélial’. Il se considère comme un écrivain engagé, notamment pour l’écologie. Il travaille également dans la presse en tant que critique de cinéma.

Le recueil dont je vais vous parler aujourd’hui, Le Jour des morts, a été publié en 2019 aux éditions Malpertuis. Il réunit des nouvelles fantastiques écrites par Jean-Pierre Andrevon, entre 1983 et 2013.

En voici la quatrième de couverture :

« Lecteur, toi qui viens de prendre en main ce livre, sais-tu quel jour nous sommes ?
Non, aujourd’hui n’est pas un jour ordinaire. C’est le Jour des morts. Celui où ils reviennent, nos chers disparus. Pour nous rendre visite.
Mais ne sois pas terrorisé. Il ne s’agit pas d’une invasion de zombies, juste d’un petit bonjour annuel. Seulement… sont-ils vraiment les bienvenus ?

Tout comme sont très dérangeants ces jeux entre la vie et la mort, entre le banal et le cauchemar, auxquels peuvent nous donner accès le tableau d’une morte qu’a réalisé un peintre amoureux, un attroupement de SDF quelque peu envahissants, un balcon et le drame qu’on y observe, un accident routier ouvrant la porte d’un autre monde, et même un simple séjour en vacances. Sea, sex and sun ? Ou tout simplement l’Enfer ? »

Mon analyse du recueil s’intéressera à la manière dont le surnaturel et l’étrange apparaissent dans les nouvelles. Comme à chaque fois que je traite d’un recueil, je vais tâcher de vous en donner une vision d’ensemble.

 

L’Analyse

 

Morts et étrangeté

 

Les récits du Jour des morts relèvent tous du fantastique, qui est défini par Tzvetan Todorov, théoricien de la littérature, auteur d’Introduction à la littérature fantastique, de la manière suivante :

« Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s’expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l’événement doit opter pour l’une des deux solutions possibles : ou bien il s’agit d’une illusion des sens, d’un produit de l’imagination et les lois du monde restent alors ce qu’elles sont ; ou bien l’événement a véritablement eu lieu, il est partie intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. […]. Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. »

Selon la définition de Todorov, les récits fantastiques présentent donc une ambiguïté entre une interprétation rationnelle du surnaturel, qui peut alors être expliqué, et une interprétation irrationnelle, qui donne le surnaturel pour ce qu’il est, c’est-à-dire un élément qui n’obéit pas aux lois telles que nous les connaissons.

Certains récits du recueil cultivent complètement cette ambiguïté, c’est-à-dire que l’auteur donne des clés de lecture qui peuvent servir à la fois pour une interprétation rationnelle ou surnaturelle, à l’instar du « Portrait du Marianne », qui traite de la relation ente un artiste et sa maîtresse, dont il a fait le portait, ou « Des Vacances gratuites », qui relate les vacances pour le moins étranges d’un jeune couple dans un complexe plus que douteux, avec à chaque fois une ambiguïté qui se dessine dans la chute des nouvelles et les explications qu’elles apportent. Cette ambiguïté peut également être rattachée à la manière dont le réel est perçu par les personnages.

On peut cependant noter que parfois, le surnaturel est complètement présent et ne tolère pas d’explication rationnelle, comme on peut le voir dans les récits qui mettent en scène des créatures non-humaines, tels que « Si nombreux ! » ou « Le Géant du froid ».

D’autres nouvelles traitent de figures « classiques » du fantastique, celle du revenant en tête, dans « Le Cimetière de Rocheberne », « Le Jour des morts », « Il suffit d’un rien », « Je rentre chez moi », ou encore « Poussière », qui mettent en scène des narrateurs morts parmi les vivants, ou des personnages capables d’entrer en contact avec l’au-delà.

Cependant, le revenant ne constitue pas une figure horrifique dans ces récits, mais un moyen d’interroger notre rapport à la mort, en montrant ce qu’il peut advenir de quelqu’un après sa disparition, de manière sentimentale et parfois philosophique, sans passer par les ressorts de l’horreur, qui s’appuierait sur des esprits qui hantent des lieux ou des zombies. En cela, « Le Jour des morts », la nouvelle qui donne son titre au recueil, s’avère particulièrement intéressante dans sa mise en scène du retour des morts à la vie familiale, ou même amoureuse. La nouvelle « Gardiens », quant à elle, mêle la figure du revenant à celle de l’ange gardien, atténuant ainsi fortement la connotation négative ou horrifique qu’on associe traditionnellement aux revenants.

Les morts décrits par l’auteur ne sont ainsi pas des sources de terreur, mais des sources de mélancolie, d’espoir et de réflexion pour les vivants.

On peut également noter que l’auteur mobilise ce qui semble être une figure de lamie, mais je ne vous donnerai pas le titre de la nouvelle pour éviter les spoils.

Certaines créatures décrites dans les nouvelles du Jour des morts ne sont en revanche pas forcément classiques, bien que certaines d’entre elles s’inspirent de figures mythologiques, à l’image du Géant décrit dans « Le Géant du froid », qui décrit la découverte d’un immense corps humanoïde long de plusieurs kilomètres au Danemark, ce qui n’est pas sans rappeler les Jotüns de la mythologie nordique. La nouvelle « Si nombreux ! » dépeint des mystérieux sans-abris qui n’en sont pas vraiment, ce qui pousse tout de même le lecteur à s’interroger sur leur humanité, et l’inhumanité de ceux qui les ignorent dans les rues.

Le climat surnaturel des récits du recueil s’ancre souvent autour des perceptions subjectives de leurs personnages narrateurs, puisque sur douze nouvelles, sept sont narrées à la première personne, tandis que les autres sont souvent contaminées par l’oralité des personnages qu’elles suivent, que l’on observe dans le cheminement de leurs pensées ou leurs adresses à eux-mêmes par exemple. Tous ces marqueurs de subjectivité et d’oralité, ajoutés au fait que l’auteur mentionne souvent le quotidien de ses personnages dont les professions et les vies respectives peuvent sembler banales, forment un contraste avec l’arrivée du surnaturel.

« Poussière » s’avère être un cas particulier, puisque sa narration s’opère à la deuxième personne du singulier, ce qui la rend immersive et accentue l’étrangeté et la mélancolie qui se dégagent de la nouvelle, qui traite de l’isolement d’une personne extrêmement seule et mourante.

Parfois, ce sont les perceptions et les rapports au temps des personnages qui causent l’étrangeté dans les récits. « Je rentre chez moi », « Poussière » et « Une enfant perdue », jouent sur une manière de percevoir le temps, soit qu’il se déroule à l’envers, soit qu’il soit accéléré pour refléter l’entièreté de la vie des personnages, soit que l’auteur joue sur un décalage qui permet de semer le doute sur l’identité du personnage narrateur. Toutes ces perturbations dans les perceptions des personnages permettent de créer et d’accentuer l’effet d’étrangeté.

 

Le mot de la fin

 

Le Jour des morts est un recueil de nouvelles fantastiques dans lesquelles Jean-Pierre Andrevon interroge notre rapport à la mort à travers la mise en scène de personnages de revenants ou de narrateurs qui les côtoient tant bien que mal. Un sentiment de mélancolie se dégage de ces relations malaisées entre vivants et morts.

L’étrangeté des nouvelles du recueil s’illustre bien souvent par le contraste créé entre les perceptions des personnages point de vue et l’irruption du surnaturel dans leurs vies souvent banales, et finissent bouleversés par les événements qu’ils vivent.

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