I am vampire, de Romain Ternaux

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman qui traite de la figure du vampire avec un humour noir, trash et gore.

 

I am vampire, de Romain Ternaux

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Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Aux Forges de Vulcain, que je remercie chaleureusement pour leur envoi !

Romain Ternaux est un auteur français né en 1987. Son éditeur rattache ses romans à la Bizarro fiction, qui est un genre littéraire que l’on peut intégrer dans les transfictions, qui, selon Francis Berthelot, sont des récits qui se situent entre la littérature dite générale et la littérature de genre. La Bizarro fiction peut se définir par son utilisation de la satire et du grotesque dans les récits dans lesquels elle s’inscrit.

I am vampire, paru en Octobre 2019 chez les Forges de Vulcain, est le cinquième roman de Romain Ternaux, après Spartacus, Histoire d’un loser devenu gouru, Croisade Apocalyptique et Success story, coécrit avec Johann Zarca.

En voici la quatrième de couverture :

« Artiste-peintre misanthrope, misogyne et libidineux en manque de reconnaissance, Bertrand vit au crochet de son ami Yann, un rond-de-cuir de l’armée qu’il méprise. En proie à des accès de violence, il se découvre des pouvoirs extraordinaires. Serait-il en train de devenir un vampire ? »

Mon analyse portera sur le personnage narrateur du roman et sa tonalité trash.

 

L’Analyse

 

I am vampire, mise à distance de l’art et satire du vampire

 

Le roman de Romain Ternaux nous fait suivre Bertrand, un peintre au chômage qui vit en profitant des finances de son ami Yann, qui est militaire. L’auteur dresse une opposition entre les deux personnages, qui se méprisent mutuellement. Ainsi, Yann méprise Bertrand parce qu’il ne travaille pas, tandis que Bertrand méprise Yann parce qu’il est archiviste à l’armée et se vante d’être un militaire accompli alors qu’il ne fait rien de véritablement martial, et se croit supérieur à lui, qui est supposément un immense artiste.

Cependant, Bertrand dépend financièrement de Yann, et se comporte donc de manière hypocrite avec lui pour pouvoir manger à sa faim, ce qui fait de lui une sorte de parasite vivant au crochet de quelqu’un qu’il ne supporte pas pour survivre.

Le personnage dépeint par Romain Ternaux est absolument détestable, assez cynique, puisqu’il perçoit les autres comme des moyens de se nourrir ou de gagner en prestige, misanthrope parce qu’il ne supporte pas la plupart des présences humaines, et enfin misogyne et obsédé sexuel, parce qu’il considère les femmes uniquement pour leur physique et le plaisir sexuel qu’elles peuvent lui apporter.

Bertrand apparaît alors comme une satire d’artiste maudit et snobé par son temps, ce qu’il croit sincèrement être, alors que c’est un artiste qui semble raté, qui ne dispose d’aucune reconnaissance, qui rejette la société mais incarne certains de ses travers, et se trouve poursuivi par ses démons.

Romain Ternaux fait de ce personnage détestable le narrateur de son roman, et le dote d’une voix narrative au ton très trash, avec un humour assez corrosif et très cru. On retrouve ainsi dans le parler de Bertrand beaucoup de langage familier, d’insultes, de même que le style de l’auteur, qui s’adapte donc à la crudité du ton et à l’antipathie de son personnage.

Le point de vue interne de Bertrand permet alors à l’auteur de retranscrire toutes les horreurs que peut penser son personnage, notamment lorsqu’il fait des rencontres, lorsqu’il exprime son point de vue sur le monde, ou même lorsqu’il commente les actes de violences qu’il commet. Le personnage principal d’I am vampire est donc un anti-héros complètement antipathique, mais très drôle lorsqu’on apprécie l’humour noir, omniprésent dans les pensées de Bertrand, et dans la manière dont l’auteur les met ironiquement à distance.

Le point de vue interne nous renseigne également aussi sur la manière dont le personnage se perçoit lui-même, mais aussi sur le rapport qu’il entretient avec le monde en tant qu’artiste. Bertrand est en effet extrêmement imbu de lui-même, et considère avec beaucoup de mépris la plupart des gens, qu’il insulte intérieurement en raison de leur physique, leur classe sociale, ou même leurs goûts artistiques. Il pense en effet que personne ne comprend son art, que l’auteur décrit comme vraisemblablement abominable (non pas qualitativement, mais visuellement), avec des scènes extrêmement violentes, gores ou sexuelles (ou les trois à la fois), d’orgies et de torture, qui peuvent rappeler des tableaux comme ceux de Francis Bacon, par exemple.

En tant que peintre, Bertrand se place donc du côté de l’art comme choc visuel, comme violence à exprimer aux yeux de ses spectateurs. Le problème est que son art se trouve bien trop violent et provoque des réactions de dégoût extrême chez ceux qui voient ses tableaux, puisqu’ils vomissent ou sont véritablement horrifiés par ce qu’ils voient.

Bertrand est ainsi un artiste qui n’est pas reconnu par ses pairs ou la société, mais il est aussi et surtout un vampire, et ce n’est pas un spoil parce que c’est littéralement le titre du roman, et ensuite parce qu’on peut l’observer dans les actes du personnage.

En effet, Romain Ternaux joue avec l’ironie dramatique, parce que le lecteur connaît la véritable nature de Bertrand, mais pas le personnage, qui l’ignore totalement. La fiabilité de sa narration est alors grandement compromise, puisqu’il n’a pas conscience que les crimes qu’il commet sont dus à son goût du sang en tant que vampire.

L’auteur donne énormément d’indices correspondant aux stéréotypes associés aux vampires chez le personnage et dans ses actes, à savoir leur goût pour le sang, qu’on observe chez Bertrand parce qu’il saute à la gorge des personnes qu’il rencontre et qu’il n’apprécie pas et aime la viande rouge au point d’en remplir son frigo, leur faiblesse face à l’ail, la fascination qu’ils exercent sur autrui, ou encore le fait qu’il craigne le soleil et vive majoritairement la nuit…

Romain Ternaux joue donc avec le cliché du vampire en le plaçant dans le contexte quotidien contemporain d’un artiste méprisant et misanthrope, rendu paranoïaque à cause des crimes qu’il commet en tant que vampire, dont il ne se rappelle que par les traces de violence sur son propre corps et les récits qu’on lui en dresse, qui font qu’il est recherché par les autorités, ainsi que des personnes s’intéressant de très près à sa nature. Les crimes que commet Bertrand sont d’ailleurs très sanglants, l’auteur les décrits en employant une imagerie cinématographique de films de série B qui déborde d’hémoglobine, et sont abondamment commentés avec humour (noir) par son personnage.

Cependant, et sans rentrer dans les détails, l’ironie dramatique va finir par frapper Bertrand dans un moment crucial, parce que sa véritable nature va lui causer un choc, et une montagne de mésaventures, parce que ses pouvoirs attirent l’attention de personnes peu scrupuleuses.

Le vampire qu’est Bertrand se situe donc à la fois loin du canon établi par les vampires tels que le Dracula de Bram Stoker, ou ceux de Twilight de Stéphanie Meyer, parce qu’il n’apparaît pas du tout comme un personnage noble, fascinant ou positif dans tous les sens du terme, mais aussi parce que Romain Ternaux tend à rationnaliser quelque peu les pouvoirs de son personnage, mais je ne peux pas vous en dire plus.

I am vampire, à travers son personnage principal, charge également contre l’art contemporain, En effet, Bertrand rejette complètement l’art contemporain qui descend de Marcel Duchamp (l’initiateur du « ready made », une pratique artistique qui consiste à détourner des objets du quotidien pour en faire des œuvres d’arts), qu’il considère comme des imposteurs ou même des « dégénérés », mais qui se fait tout de même acheter par des galeristes sans beaucoup de scrupules, parce que son objectif est la reconnaissance à tout prix, même si elle passe par un milieu qu’il n’apprécie pas et qui le rejette. Le roman met ainsi en scène de l’humour sur l’art contemporain et les performances artistiques qui lui sont rattachées, à travers des parodies qui les ramènent à leur côté absurde et sexuel.

 

Le mot de la fin

 

I am vampire est un roman centré sur la figure de Bertrand, un peintre qui n’a aucune reconnaissance, à cause de la violence de ses tableaux et des réactions de dégoût qu’ils suscitent chez ceux qui les observent.

Romain Ternaux prend le parti de rendre son personnage principal complètement détestable. Le lecteur connaît ses pensées grâce à une narration au point de vue interne, et observe la misanthropie, la misogynie et le besoin de gloire artistique de Bertrand, tant dans ses actes que dans son for intérieur, ce qui fait de lui une sorte de satire d’artiste raté, qui conspue le monde de l’art et la société dans laquelle il vit, avec un humour noir corrosif et trash.

Cependant, Bertrand n’est pas seulement une parodie d’artiste, il est également un vampire qui s’ignore. Il commet ainsi des crimes sanglants dont il ne se rappelle pas la plupart du temps, ce qui permet à l’auteur de jouer avec les stéréotypes associés aux vampires pour jouer avec l’ignorance de son personnage.

I am vampire est un roman bourré d’humour noir, qui dresse une satire des figures d’artistes maudits et des vampires, que j’ai beaucoup apprécié.

Vous pouvez également consulter les chroniques de Lorkhan

Si vous cherchez un roman qui met aussi à distance la figure du vampire contemporain, je vous recommande Entends la nuit de Catherine Dufour. Si ce sont les réflexions autour de l’art contemporain dans l’imaginaire qui vous intéressent, lisez Black Bottom de Philippe Curval. Enfin, si c’est de l’humour noir complètement débridé que vous voulez lire et que vous aimez le cyberpunk, alors sautez sur BonheurTM et VieTM de Jean Baret.

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