L’Histoire de la Fantasy (4/5) : Le cas français

Salutations, lecteur. Après avoir interrogé la modernité de la Fantasy, il est temps de parler de la situation du genre en France, mais aussi de la manière dont les auteurs français s’en sont emparés. Comme les autres articles de cette série, il est dédié aux personnes qui m’ont aidé pour les corrections.

 

L’Histoire de la Fantasy : Le cas français

 

Introduction

 

La série d’articles « L’Histoire de la Fantasy » traite de l’histoire littéraire du genre. Cette quatrième partie va s’intéresser à la manière dont la Fantasy s’est développée et modernisée en France au cours de ces dernières années.  À ce titre, je tiens à préciser que cet article, comme les autres parties de cette série, va présenter des pistes de réflexion et des idées sans doute encore en germe, qui seront plus développées par la suite. Par conséquent, si vous souhaitez en discuter, ou si des détails manquent selon vous, n’hésitez pas à commenter.

Je tiens également à préciser que ces articles sont en partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France et la Saison de la Fantasy qu’elle organise pour faire découvrir le genre au public, en traitant de son histoire et de son aspect transmédiatique et protéiforme. Je vous invite d’ailleurs à consulter le site consacré à la Fantasy mis en ligne par la BNF, qui vous permettra de découvrir le genre de manière ludique.

La Fantasy est un genre littéraire dans lequel le surnaturel est présent sous la forme de créatures inventées et de magie, acceptés comme une norme, et dont les récits se déroulent au sein de mondes alternatifs, c’est-à-dire des mondes qui diffèrent du nôtre par leur géographie, leur histoire, les peuples qui vivent en leur sein, et le surnaturel que l’on peut y trouver. Le genre a été popularisé auprès du grand public par les œuvres de J. R. R. Tolkien (Le Seigneur des anneaux, 1954-1955, 2001-2003 pour son adaptation), Georges R. R. Martin (Le Trône de fer, 2011-2019), et J. K. Rowling (Harry Potter, 2001-2011) et leurs adaptations cinématographiques ou télévisuelles, mais aussi par les jeux-vidéos comme The Elder Scrolls : Skyrim (Bethesda, 2011), The Witcher (CD Projekt, 2007-2015), Dragon Quest (Square Enix, 1986-2017) ou encore Final Fantasy (Square Enix, 1987-2016).

Aujourd’hui, on connaît donc la Fantasy de manière plus ou moins directe, à travers sa forme transmédiatique, au cinéma, à la télévision ou dans les jeux-vidéos. Cependant, son pendant littéraire contemporain peut être assez méconnu du public, surtout lorsqu’on parle de sa réception et de sa construction dans notre pays. C’est pourquoi cet article s’intéressera au rapport qu’entretient la France avec la Fantasy.

 

La Fantasy en France

 

Il est d’abord important de souligner que si la Fantasy s’est développée en langue française durant les dernières décennies, elle n’en reste pas moins un genre majoritairement défini dans l’anglosphère puis importé en France.

C’est donc par le biais des traductions des œuvres de langue anglaise (mais pas seulement), que le public français a d’abord été mis en contact avec la Fantasy, au cours de la seconde moitié du 20ème siècle. À cette époque, la Fantasy est en plein essor aux Etats-Unis, au même titre que la science-fiction ou le fantastique. Les œuvres des trois genres de l’imaginaire sont donc traduites au sein des mêmes collections et des mêmes structures, ce qui a pu alimenter une confusion entre les trois genres de l’imaginaire. Ainsi, la Fantasy a longtemps été (et continue parfois d’être) confondue avec le Fantastique, mais aussi avec la SF.

Les premières traductions d’œuvres de Fantasy paraissent donc à la toute fin des années 1960 et durant les années 1970, tant chez des éditeurs généralistes, à l’image de Christian Bourgois, qui publie la version française du Seigneur des anneaux entre 1972 et 1973, traduite par Francis Ledoux, qu’au sein de structures spécialisées, qui apparaissent à cette époque. En effet, la collection Présence du Futur (1954-2000) de Denoël publie les romans de Roger Zelazny, comme Seigneur de Lumière traduit par Claude Saunier en 1974, ou le cycle des Princes d’ambre, entre 1975 et 1993, dans une traduction réalisée par Roland Delouya, Ronald Blunden, Bruno Martin, Philippe R. Hupp, Jean-Pierre Pugi et Luc Carissimo, ou encore le roman La Fille du roi des elfes de Lord Dunsany (1878-1957) en 1976 dans une traduction d’Odile Pidoux. D’autres auteurs anciens, tels Clark Ashton Smith et Robert E. Howard, sont traduits pour les Nouvelles Editions Oswald et leur collection Fantastique, SF, Aventure (1979-1989), dans des traductions d’Yves Le Brun, Dominique Mols, France-Marie Watkins, Françoise Levie, Jean Marigny et François Truchaud.

OPTA, avec la collection Aventures Fantastiques (1968-1986), devient le premier éditeur français de Michael Moorcock, avec Elric le nécromancien, qui paraît en 1969 dans une traduction de Frank Straschitz, de Fritz Leiber avec Le Cycle des épées en 1970, traduit par Jacques de Tersac, Le Sorcier de Terremer d’Ursula Le Guin en 1977, dans une version française de Philippe R. Hupp. La collection Club du livre d’Anticipation (1965-1987) du même éditeur traduit également une partie de La Ballade de Pern d’Anne McCaffrey, avec Le Vol du dragon en 1969, traduit par Simone Hillig, mais aussi les deux premiers volumes du Dit de la terre plate de Tanith Lee, avec Le Maître des ténèbres et le Maître de la mort en 1981 et 1982, dans une traduction de E. C. L. Meistermann.

Les romans d’Anne Mc Caffrey, d’Ursula Le Guin, de Fritz Leiber et de Michael Moorcock seront par la suite repris au format poche dans les collections Pocket SF (1977) et J’ai Lu Science-Fiction (1970). Ces collections de poche accueilleront également d’autres récits de Fantasy inédits jusqu’alors en France. Jirel de Joiry de Catherine Lucille Moore est par exemple publié chez J’ai Lu en en 1974 dans une traduction de George H. Gallet, de même que Cugel l’astucieux de Jack Vance en 1976 avec une traduction française réalisée par Paul Alpérine. Pocket SF accueille quant à elle L’Enfant tombé de nulle part de Roger Zelazny en 1980 dans une traduction de Jean Bailhache, ainsi que la suite de La Ballade de Pern.

On peut noter que les auteurs anciens comme les contemporains de l’époque sont traduits au même moment en langue française.

Aujourd’hui, les traductions se poursuivent au sein de nombreuses maisons d’édition, qui publient des auteurs contemporains, des écrivains méconnus en France, mais aussi des rééditions intégrales de cycles ou d’auteurs importants. Dans cette dernière catégorie, on peut souligner le travail des éditions Mnémos avec Clark Ashton Smith, celui de Denoël avec les intégrales de Kane de Karl Edward Wagner, ou encore les éditions Callidor, qui se consacrent à l’édition de textes anciens et méconnus du public français, tels que E. R. Eddison, Hope Mirrlees, ou encore André Lichtenberger.

Mais qu’en est-il de la Fantasy Française ?

 

La Fantasy française

 

Tout d’abord, il faut comprendre que la Fantasy française a une histoire très récente, c’est-à-dire que les premiers récits qui peuvent lui être rattachés datent des années 1960, avec Les Dieux Verts (1961) de Nathalie Henneberg (1910-1977). Par la suite, une première vague de romans de Fantasy est publiée entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980. Sous l’araignée du Sud de Dominique Roche et Charles Nightingale paraît en 1978 chez Robert Laffont. Il est suivi par Khanaor (1983) de Francis Berthelot (1946) et Le Jeu de la trame (1986-1988) de Bruno Lecigne (1957) et Sylviane Corgiat (1955). Khanaor traite de thématiques écologiques en mettant en scène les catastrophes naturelles qui s’abattent sur une île dont les habitants s’entredéchirent. Le Jeu de la trame dépeint la quête de Keido pour retrouver les trente-neuf cartes magiques du Jeu de la trame, qu’il cherche à utiliser pour ressusciter sa sœur morte à cause de leurs amours incestueux. Les cartes qui donnent leur nom au cycle, de par les pouvoirs qu’elles confèrent à leurs détenteurs et les descriptions, forment un système de magie qui prend forme au sein d’un univers inspiré par le Japon médiéval. À cette première vague s’ajoute Les Jardins statuaires (1982) de Jacques Abeille, publié à l’époque dans une maison d’édition généraliste, Flammarion, mais qui correspond à la définition de la Fantasy.

Il est également possible, de manière rétrospective, de rattacher des romans plus anciens à la Fantasy française, à l’image des Centaures (1904) d’André Lichtenberger (1870-1940), qui détaille un conflit entre des peuples mythiques, les faunes, les centaures et les tritons,  et une humanité décidée à les exterminer, ce qui souligne le fait que le conflit entre l’Homme et les créatures surnaturelles est présent dès les origines.

 

La Fantasy française apparaît donc bien plus jeune que sa congénère de l’anglosphère. Elle est aussi partiellement coupée de la tradition du genre, d’abord parce qu’elle n’en est pas à l’origine, et ensuite parce qu’elle n’en a pas constitué le canon ou la modernité, contrairement aux auteurs de l’anglosphère. Les États-Unis disposent à ce titre d’un contexte culturel bien plus favorable à l’essor de la Fantasy. Par exemple, la pratique du JDR y est plus répandue et plus acceptée qu’en France, malgré le fait que plusieurs auteurs de Fantasy français soient rôlistes, à l’image de Jean-Philippe Jaworski, Fabien Cerutti, ou Grégory Da Rosa.     La Fantasy française est donc jeune, voire très jeune lorsqu’on prend en compte son émergence première dans Sous l’araignée du Sud, Khanaor et Le Jeu de la trame. Cette différence d’implantation dans le paysage culturel doit absolument être prise en compte lorsqu’on analyse des œuvres de Fantasy française et qu’on cherche à les comparer à des œuvres de l’anglosphère.

L’Histoire de la Fantasy française commence donc dans les années 1980, avec des récits rattachés au genre. Puis, à la fin des années 1990, les éditions Mnémos (1996) sont créées, et décident de publier des auteurs de Fantasy française. Les premiers auteurs de cette deuxième vague de la Fantasy française sont Mathieu Gaborit (Les Crépusculaires, 1995-1996), Laurent Kloetzer (Mémoire Vagabonde, 1997, La Voie du Cygne, 1999), Sabrina Calvo (Délius, une chanson d’été, 1997), Pierre Grimbert (Le Secret de Ji, 1996-1997) et Fabrice Colin (Arcadia, 1998).

Plus tard, dans la première moitié des années 2000, d’autres auteurs français se lancent en Fantasy chez Mnémos, avec Johan Heliot (Reconquérants, 2001, Faërie Hackers, 2003), Thomas Day et Ugo Bellagamba (Le Double corps du roi, 2003), et Michel Robert (L’Agent des ombres 2004-2016), par. Durant cette période, plusieurs autres maisons publiant des auteurs et autrices français s’illustrent.  Par exemple, Nestiveqnen (1994), publie la série Quand les dieux buvaient (2001-2007) de Catherine Dufour et Le Cœur d’Amarantha (2004-2006) de Charlotte Bousquet, l’Atalante (1989)  L’Enjomineur de Pierre Bordage (2004-2006), Bragelonne (2000)  les cycles Wielstadt (2001-2004), Le Paris des merveilles (2003-2015), et Les Lames du cardinal (2007-2010) de Pierre Pevel, L’Oxymore (1999-2006) avec La Sève et le givre (2002) de Léa Silhol ou encore les Moutons Électriques (2004) avec Janua Vera (2007) puis Gagner la guerre (2009) de Jean-Philippe Jaworski.

Cette vague de la Fantasy française des années 2000 est porteuse d’œuvres qui s’éloignent parfois des codes classiques. Ainsi, Faërie Hackers mêle Fantasy et cyberpunk, Délius et Arcadia dépeignent des mondes dotés d’une atmosphère victorienne, Le Double corps du roi montre une technomagie, Reconquérants et Le Paris des merveilles se situent dans des univers de Fantasy uchronique, tandis que Quand les dieux buvaient s’inscrit le registre comique de la même manière que Terry Pratchett. D’autres récits s’inspirent de traditions plus classiques du genre, à l’image de L’Agent des ombres de Michel Robert et son univers de Dark Fantasy se rapprochant du multivers de Michael Moorcock, avec de l’humour noir ravageur et des combats extrêmement bien mis en scène. Le cycle des Crépusculaires de Mathieu Gaborit, dépeint quant à lui le destin funeste du jeune Agone de Rochonde, parti étudier dans une école de magie assez inhabituelle.

Les années 2010, qui viennent de se terminer, ont vu arriver un grand nombre de nouveaux auteurs et autrices, mais aussi la confirmation d’écrivains déjà présents auparavant. Ils publient au sein de maisons d’édition variées, notamment les Indés de l’Imaginaire, à savoir Mnémos, ActuSF (2003) et Les Moutons Electriques, mais aussi l’Atalante, Critic (2009), Le Bélial’ (1996), Leha (2017), Albin Michel Imaginaire (2018), Scrinéo (2005)…

On peut observer que les auteurs de Fantasy s’inscrivent dans des sous-genres extrêmement divers et lui confèrent ainsi une grande diversité, en important en France des courants classiques comme modernes.

La Sword and Sorcery est ainsi représentée dans l’hexagone par Thomas Geha, avec Des Sorciers et des hommes (2018) et Patrick Moran, dans ses romans La Crécerelle (2018) et Les Six Cauchemars (2020). Ces récits mettent en scène des personnages d’anti-héros sombres, soit par leur passé dans le cas du personnage éponyme de La Crécerelle, soit par leur cynisme dans celui de Hent Guer et Pic Caram chez Thomas Geha. Les deux auteurs s’inscrivent toutefois dans deux traditions différentes de la sword and sorcery. Patrick Moran reprend le topos du personnage maudit que l’on trouve chez Michael Moorcock dans le cycle d’Elric par exemple. Thomas Geha semble plutôt se situer dans la tradition établie par Fritz Leiber dans Le Cycle des épées (1970-1988), dans lequel il raconte les aventures truculentes du guerrier Fafhrd et du sorcier surnommé le Souricier Gris. Les deux auteurs modernisent cependant le genre en intégrant un système de magie. En effet, Pic Caram est capable de voir et manipuler des « rubans » qui constituent la force vitale d’une personne, tandis que la Crécerelle pratique une « thaumaturgie » lui permettant de manipuler les organismes vivants et les univers parallèles, en échange d’un tribut plus ou moins lourd en hémoglobine.

La Fantasy orientale est représentée par Charlotte Bousquet dans Les Masques d’Azr’Khila (2018), Estelle Faye dans Porcelaine : La légende du tigre et de la tisseuse (2013), Ariel Holzl avec Lames Vives : Obédience (2019), Car je suis légion (2005) de Xavier Mauméjean, ou encore Or et nuit (2015) de Mathieu Rivero. Les romans de Charlotte Bousquet, de Mathieu Rivero et d’Ariel Holzl se situent dans des univers inspirés par Les Milles et une nuits et les mythes arabes, Car Je suis légion mobilise la Babylone antique dans le cadre d’une enquête policière, et Porcelaine met en scène la Chine du 3ème siècle.

La Fantasy historique s’illustre dans les récits de Jean-Laurent Socorro, Royaume de vents et de colères (2015) et Boudicca (2017), de Fabien Cerutti dans le cycle du Bâtard de Kosigan (2014-2018), d’Estelle Faye dans La Voie des oracles (2014-2016), de Jean-Philippe Jaworski dans Les Rois du monde (2013-2020), d’Alex Nikolavitch avec Trois coracles cinglaient vers le couchant (2019), ou encore de Thomas Spok dans Uter Pandragon (2018). On peut noter que les auteurs mettent en scène des périodes diverses de l’Histoire, puisque Les Rois du monde traitent des personnages légendaires celtiques Ambigatos et Bellovesos dans la France du 6ème siècle avant notre ère, tandis que La Voie des oracles traite de la Gaule celtique devenue romaine au 5ème siècle. Les celtes sont également mis à l’honneur dans Boudicca, dans lequel l’auteur entend donner une « biographie onirique » à la reine bretonne Boudicca, qui s’est rebellée contre l’envahisseur romain. Alex Nikolavitch et Thomas Spok se sont quant à eux intéressés aux prémices du mythe arthurien, en interrogeant la figure d’Uther Pendragon. Trois coracles cinglaient vers le couchant retrace ainsi la vie du père d’Arthur alors que la Bretagne est envahie par les Angles et les Saxons, tandis que le roman de Thomas Spok sépare la figure de la légende en deux personnages rivaux, Uter et Pandragon. Fabien Cerutti décrit un 14ème siècle médiéval alternatif doté de créatures surnaturelles, telles que des elfes ou des Aes Sidhes, mystérieusement disparues à l’aube du 20ème siècle. L’auteur met respectivement en scène à ces deux époques le mercenaire Pierre Cordwain de Kosigan et son descendant Kergaël, et explore la manière dont le merveilleux a pu être évincé du monde.

La Fantasy française s’ancre également dans les courants les plus modernes du genre, à savoir la Fantasy à poudre, l’Arcanepunk, la Fantasy post-apocalyptique et la Gaslamp Fantasy, comme je l’ai montré dans mon article précédent, qui traitait de la modernité du genre. J’en profite d’ailleurs pour ajouter Le Paris des merveilles de Pierre Pevel aux œuvres de Gaslamp Fantasy, avec ses créatures féériques dans le Paris de la Belle Époque.

La Fantasy à poudre est ainsi représentée en France par Emmanuel Chastellière dans L’Empire du Léopard (2018) et La Piste des cendres (2020), qui mettent en scène la colonisation d’un continent par des puissances industrielles disposant d’armes à feu. Chevauche-Brumes (2019) de Thibaud Latil-Nicolas dépeint des armes à feu primitives, à savoir les haquebutes, ancêtres des arquebuses et pistolets à rouet. Christian Léourier, dans Diseur de mots (2019), décrit l’emploi de fusils, associés à une culture monothéiste, et par conséquent, à un ordre nouveau du monde, opposé aux tenants d’une culture polythéiste, au sein d’un monde inspiré par les cultures nordiques et bouddhistes. Deux romans récents, Les Chevaliers du Tintamarre (2020) de Raphaël Bardas et Le Chant des cavalières (2020) de Jeanne Mariem Corrèze, décrivent également des armes à feu, ce qui permet à leurs auteurs d’ancrer leurs récits dans des univers postmédiévaux.

L’article sur la modernité de la Fantasy évoquait également le genre de l’Arcanepunk, au sein duquel s’illustrent les romans de Nicolas Texier, Opération Sabines (2018) et Opération Jabberwock (2019), ainsi que Dans l’ombre de Paris (2019) de Morgan of Glencoe. Les récits de Nicolas Texier prennent en effet place dans des années 1930, alternatives et uchroniques, où la magie est en passe d’être remplacée par la technologie, à la suite d’un « Grand Désenchantement ». Le roman de Morgan of Glencoe mobilise quant à lui l’Arcanepunk pour traiter de thématiques contemporaines, telles que le racisme et le sexisme systémiques à travers la confrontation entre les fées et un système politique dystopique au sein d’un 20ème siècle qui se termine. Lames vives : Obédience d’Ariel Holzl peut être rattaché à l’Arcanepunk. En effet, l’auteur rationnalise des procédés surnaturels assimilables à de la magie en les rattachant à des « essaims » de nanites contrôlées par des personnages considérés comme des mages. La combinaison entre magie et technologie rattache ainsi l’univers du roman à l’Arcanepunk. Le cycle d’Alamänder (2017-2018) d’Alexis Flamand peut également s’ancrer dans l’Arcanepunk, dans la manière dont il mêle les surnaturels science-fictif et merveilleux, notamment avec la « programmagie », un système de magie basé sur des instructions logiques similaires à la programmation informatique.

La Fantasy post-apocalyptique est représentée en France par Lionel Davoust et son cycle des Dieux Sauvages (commencé en 2017). En effet, l’auteur met en scène une lutte fratricide entre les dieux Wer et Aska dans un monde supposément médiéval, où l’on peut cependant trouver des ruines de « l’artech », une technomagie extrêmement avancée, avec par exemple des exosquelettes de combat et des machines permettant de faire muter des êtres vivants en monstres biomécaniques. Cette technomagie est alors utilisée par le dieu Aska pour envahir le royaume de la Rhovelle, royaume du dieu Wer, qui ne peut que difficilement résister à cause de l’écart technologique qui oppose son armée à celle du Prophète Ganner.

 

Ainsi, si la Fantasy française est bien plus jeune que sa consœur anglophone, elle apparaît diversifiée, parce qu’elle s’illustre dans un grand nombre de courants. Les années 2000 et 2010 lui ont permis de prendre son envol et de s’affirmer. Si, comme Lloyd Chéry, on peut s’interroge sur le fait que la Fantasy française se vend mal, force est de reconnaître qu’elle est en pleine construction, de son canon comme de sa modernité !

J’espère que cet article vous aura permis d’y voir plus clair concernant la Fantasy française et la position du genre en France. Dans le prochain et dernier article de « L’Histoire de la Fantasy », je m’attaquerai à certains clichés sur le genre.

12 commentaires sur “L’Histoire de la Fantasy (4/5) : Le cas français

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