Cuits à point, d’Elodie Serrano

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman de Gaslamp Fantasy paru dans le cadre des Pépites de l’Imaginaire de 2020.

 

Cuits à point, d’Elodie Serrano

actusf237-2020

Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions ActuSF, que je remercie pour leur envoi du roman !

Elodie Serrano est une autrice française de science-fiction, de Fantasy et de fantastique née en 1989. Elle écrit des nouvelles et des romans. Son premier, Baleines Célestes, a été pubié chez Plume Blanche en 2018. Le Sort en est jeté, publié chez Malpertuis en 2017, est un recueil de nouvelles.

Son deuxième roman publié, Cuits à point, est paru dans la collection BadWolf d’ActuSF en Février 2020, dans le cadre des Pépites de l’Imaginaire des Indés de l’Imaginaire, aux côtés des Chevaliers du Tintamarre de Raphaël Bardas et Le Chant des Cavalières de Jeanne-Mariem Corrèze (dont je vous parlerai bientôt).

En voici la quatrième de couverture :

« Gauthier Guillet et Anna Cargali parcourent la France pour résoudre des mystères qui relèvent plus souvent d’arnaques que de véritables phénomènes surnaturels. Mais leur nouvelle affaire est d’un tout autre calibre : pourquoi la ville de Londres subit-elle une véritable canicule alors qu’on est en plein hiver et que le reste de l’Angleterre ploie sous la neige ? Se pourrait-il que cette fois des forces inexpliquées soient vraiment en jeu ? »

Dans mon analyse du roman, je m’intéresserai d’abord à la question générique du roman, puis aux personnages et à la manière dont ils subissent (ou non) les mœurs sociales de l’époque à laquelle ils vivent.

 

L’Analyse

 

Gaslamp Fantasy policière

 

Cuits à point se situe dans un monde alternatif qui se rapproche du début du 20ème européen et la fin de l’ère victorienne, tant en termes d’esthétique, de mœurs que de technologie, puisque le métro londonien et Big Ben se trouvent en pleine construction, alors que des dirigeables et des trains sillonnent ciel et terre pour rattacher les grandes villes. L’univers créé par Elodie Serrano est donc marqué par la révolution industrielle, sans présence de technologie rétrofuturiste. L’industrialisation et la période dans laquelle se situe le récit laisse donc une place importante à la rationalité, ce qu’on observe par le développement de sciences telles que la géologie, nécessaire pour la création du métro londonien, mais aussi par la prise de distance avec les croyances dans le surnaturel, perçu comme une arnaque explicable ou une affabulation complète de la part de ceux qui s’y intéressent.

Pourtant, l’autrice fait survenir le surnaturel magique dans cette société rationnelle. En effet, le merveilleux intervient dans Cuits à point sous forme de magie et de créatures merveilleuses, incarnés respectivement par une sorcière, Liana, mais également par un élément crucial dont je tairai la nature pour ne pas vous spoiler. Cuits à point, avec ces éléments magiques, s’ancre alors dans le genre de la Fantasy. Plus précisément, la combinaison de la Fantasy avec un cadre industriel situe le roman d’Elodie Serrano dans la Gaslamp Fantasy, un sous-genre de la Fantasy qui combine Fantasy et esthétique victorienne et/ou rétrofuturisme steampunk, à l’instar du Sang du dragon d’Anthony Ryan. En France, le genre est présent aux romans d’Adrien Tomas, notamment La Maison des mages, Engrenages et sortilèges et Vaisseau d’Arcane, à paraître prochainement.

On peut également souligner que le passé mythique de la Grande Bretagne, évoqué à travers le personnage de Merlin, est rendu existant par l’autrice dans sa diégèse, ce qui nous permet de noter que la Fantasy française s’intéresse de près au folklore arthurien, à travers son évocation des figures de la légende sous un prisme historique, comme le fait Alex Nikolavitch dans Trois Coracles cinglaient vers le couchant, ou dans sa réintégration dans un univers d’Arcanepunk, à la manière de Nicolas Texier dans Opération Sabines et Opération Jabberwock.

Le roman d’Elodie Serrano s’ancre donc dans la Gaslamp Fantasy, ce qui lui confère une dose d’originalité !

 

Personnages et mœurs sociales

 

Les personnages principaux du récit sont des « démystificateurs », c’est-à-dire des enquêteurs chargés de résoudre des mystères liés au surnaturel, tels que des apparitions. Parmi les démystificateurs semblent se distinguer deux postures, l’une postulant l’existence du surnaturel, à l’image de l’anglais Anton Lloyd, et l’autre le rejetant pour rationnaliser à l’extrême, comme le fait le français Gauthier Guillet. Certains démystificateurs se situent quant à eux entre ces deux postures, à l’instar d’Anna Cargali, partenaire de Gauthier Guillet. Elodie Serrano décrit donc une opposition entre une pensée rationaliste, symbole de la foi en la science du 19ème siècle et la croyance dans le surnaturel, qui peut évoquer l’ésotérisme présent à cette époque. Cette opposition permet également d’observer une distinction entre un surnaturel merveilleux, puisqu’Anton Lloyd est convaincu qu’une créature magique réchauffe Londres, et un surnaturel scientifique, qu’on constate dans le fait que Gauthier pense que c’est une machine qui est responsable des hausses de température.

Le récit d’Elodie Serrano confronte donc ces démystificateurs à un mystère, le réchauffement climatique de Londres, dont les températures s’avèrent estivales en plein mois de février. Gauthier, Anna, Anton, et sa nièce Maggie doivent alors déterminer les raisons de ce réchauffement, en évaluant si ses causes sont surnaturelles ou non, ce qui cause des débats houleux parmi les enquêteurs, et les conduit jusque dans les souterrains du futur métro londonien. Au-delà de la dénonciation des comportements sexistes, les relations entre les personnages du roman d’Elodie Serrano sont souvent porteuses de comique, avec les vannes que s’échangent les personnages, ou leurs commentaires sur la situation dans laquelle ils plongent Londres une fois qu’ils découvrent la cause de son réchauffement.

Les relations entre les personnages sont souvent placées sous le signe du conflit, entre Anton et Gauthier sur les questions du surnaturel et de la magie, mais aussi entre Anna et Gauthier. L’enquêteur français adopte en effet un comportement sexiste, qui invisibilise complètement le travail de son associée, dont il cherche à masquer le statut de démystificatrice à part entière par la manière dont il la considère, c’est-à-dire comme un faire-valoir de son propre travail et de ses déductions. De la même manière, l’autrice montre l’étendue des comportements sexistes de la société dans laquelle ses personnages évoluent. Ces comportements tendent à invisibiliser la parole des femmes, et Anna doit alors batailler pour se faire entendre et être remarquée en tant que démystificatrice, et non comme « simple » partenaire de Gauthier.

 

Le mot de la fin

 

Cuits à point est un roman de Gaslamp Fantasy qui confronte le surnaturel magique à des conjectures rationnelles.

Elodie Serrano met en effet en scène une Londres victorienne assaillie par un problème de réchauffement climatique, sur lequel des démystificateurs sont chargés d’enquêter pour en trouver la source. La dynamique des personnages mise en place par l’autrice témoigne alors des différentes manières d’interpréter le surnaturel, mais aussi de montrer les comportements sexistes invisibilisant les femmes, notamment adoptés par Gauthier, qui décrédibilise sa partenaire Anna, qui doit lutter pour se faire entendre.

Vous pouvez également consulter les chroniques de Boudicca, Célindanaé, La Geekosophe, Dup, Fantasy à la carte, Dreambookeuse, Symphonie, Anouchka

17 commentaires sur “Cuits à point, d’Elodie Serrano

  1. Moi aussi j’ai apprécié la dynamique des personnages grâce à des échanges croustillants. J’ai trouvé que l’autrice se débrouillait très bien avec la thématique de l’invisibilisation des femmes sans lourdeur.
    Existe-t-il un équivalent français du terme « gaslamp fantasy » ?

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  2. Merci pour le petit ping, je ne savais pas que tu l’avais lu aussi (tu lis tellement de choses). Tu soulignes très justement ce que l’autrice a cherché à démontrer dans son roman même si tu ne donnes pas trop ton avis 😉

    Aimé par 1 personne

    1. De rien pour le lien 🙂 !
      Mon but en tant que blogueur est rarement de donner mon avis, je suis dans l’ensemble très bon public de la majorité des textes que je lis, c’est pour ça que j’aime moyennement donner mon avis ^^ » » . Je préfère essayer d’analyser les textes 🙂 .

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