Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un recueil de nouvelles de Pascal Malosse, dont j’ai lu le premier roman il y a quelques temps.
Soleil Trompeur, de Pascal Malosse

Introduction
Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Malpertuis, que je remercie chaleureusement pour l’envoi du recueil !
Pascal Malosse est un auteur franco-polonais né en 1985. Ses recueils de nouvelles Contes de l’entre-deux et Contes de la vodka ont été respectivement publiés en 2014 et 2017, et son premier roman en 2018, Les Fenêtres de bronze, aux éditions Malpertuis,. Son troisième recueil de nouvelles, Soleil Trompeur, est paru en 2020 chez le même éditeur.
En voici la quatrième de couverture :
« Le radieux soleil des régions méditerranéennes. On s’imagine volontiers qu’il n’est que propice à la détente des esprits et au repos des corps. Pourtant ses doux rayons éclairent aussi, parfois, l’étrange et la terreur : mystères attirants, êtres insoupçonnés, lieux oubliés, méprises et retours troublants… Sous leur éclat, la logique ordinaire se désagrège au profit d’une autre, déroutante, qui ressemble souvent à celle du cauchemar. L’esprit s’égare dans les ruines antiques, les venelles des vieux villages, échoue sur les rives sauvages. Que ce soit dans les méandres de la médina ou parmi les vapeurs des thermes, le familier se met à nous inquiéter. »
Comme à chaque fois que je traite d’un recueil de nouvelles sur le blog, il s’agira davantage de vous donner une vision d’ensemble de son contenu que de traiter chaque nouvelle une par une. Cependant, étant donné que certains des récits regroupés dans Soleil Trompeur sont des nouvelles à chute, je vais parfois rester vague pour éviter de vous spoiler.
L’Analyse
L’étrangeté du Sud
Le recueil porte très bien son nom, puisque la totalité des récits se déroulent dans des lieux assimilés au Sud, de manière très large. Pascal Malosse prend en effet pour cadre l’Italie (« L’île morte », L’Assemblée », « Les Fantoches », « Jusqu’à la source », « La Musique de la montagne », « L’Enterrement », « Le Rêve du Botaniste »), l’Espagne (« Meurtre en chambre »), la Grèce (« La Folie d’Héraclès »), la Corse (« Souvenirs d’enfance »), le sud de la France (« Le Jeu », « L’Abime », « Erreur de classe »), le Moyen Orient (« La Fuite », « Erreur de classe », « Le Chantier »). Pascal Malosse intègre de l’étrange dans des environnements qui apparaissent ensoleillés, joyeux et volontiers idylliques, pour en montrer leurs aspects les plus sombres, à travers l’émergence de l’étrange, de la cruauté, qu’elle soit d’ordre individuel ou social. On observe également que l’auteur situe ses nouvelles à des époques différentes, avec par exemple la fin du 19ème avec « La Portraitiste », qui prend place pendant l’insurrection Bulgare, le début du 20ème avec « Le Jeu », l’Italie fasciste avec « Les Fantoches », l’époque contemporaine dans plusieurs nouvelles.
Pascal Malosse décrit également ce qu’on peut supposer être des époques dystopiques ou futures, avec « Voyage Organisé » et « La Cathédrale ». La première se déroule en effet dans un monde où les touristes provenant des classes populaires se font marquer, transporter et surveiller comme du bétail par leurs agences de voyage, qui leur font visiter des environnements insalubres, par opposition aux classes dominantes, libres d’aller où elles veulent et dont le corps n’est pas aliéné. « Voyage organisé » apparaît donc comme un récit dystopique. « La Cathédrale » décrit quant à elle un monde futuriste, où l’humanité semble en lien avec la Nature, ce qu’on observe dans le fait que le Dieu de la religion catholique est assimilé non plus à un père, mais à « Mère », ainsi que dans la manière dont les environnements naturels deviennent des lieux de cultes à ciel ouvert, mais sanctuarisés, englobant toutes les couches successives de spiritualité, des temples païens jusqu’à une gigantesque forêt, en passant par un sanctuaire capitaliste (oui oui). L’exploration de l’étrangeté du Sud passe donc par l’évocation de différents lieux, mais également de différentes époques qui permettent de montrer une multiplicité de cette étrangeté.
Pascal Malosse mobilise deux types de ressorts de l’étrange dans les récits de son recueil, l’un basé sur du surnaturel « pur », tandis que l’autre passe par les perceptions, distordues ou non, de ses personnages narrateurs.
En effet, certains récits appartiennent au genre du fantastique, puisque certains d’entre eux comportent des éléments surnaturels inexplicables qui surviennent au sein de leur diégèse, et que la fin ne résout pas. Par exemple, « Souvenirs d’enfance » et « L’enterrement » décrivent des fantômes, dont les intentions sont plus ou moins pacifiques pour les personnages en fonctions de leur lien avec eux. « Les Fantoches », « La Musique de la montagne », et « Le Rêve du botaniste » mettent en scène des créatures monstrueuses, notamment une araignée dévoreuse d’ondes, tandis que Jusqu’à la source montre une quête d’immortalité qui passe par une étrange fontaine de jouvence. Sans rentrer dans les détails, la nouvelle « Le Chantier » met également en scène une situation pour le moins surnaturelle.
D’autres récits s’appuient sur une forme d’étrangeté non surnaturelle, qui s’appuie sur la psychologie des personnages et leur perception plus ou moins altérée des personnages, ainsi que la cruauté qu’ils exercent ou qu’ils subissent. Cet effet d’étrangeté peut être résolu ou prolongé par les chutes des nouvelles par l’explication rationnelle qu’elles apportent (ou pas). Cette étrangeté non-surnaturelle se retrouve dans les nouvelles « L’île morte », qui met en scène un personnage qui cherche à s’isoler sur l’île de Trinari en Italie pour des raisons bien particulières, « La Fuite », « Rêve sans issue » et « L’Assemblée » décrivent des fuites d’environnements hautement anxiogènes. « Erreur de classe » montre également une forme de fuite à travers le voyage luxueux du jeune Aziz, mais le quiproquo qui la permet paraît particulièrement étrange. Au contraire, « L’Arme du crime » décrit une poursuite. « La Portraitiste » dépeint une montée croissante de l’angoisse dans un environnement clos, à travers sa forme épistolaire qui met l’accent sur les tensions grandissantes durant l’insurrection Bulgare. « La Folie d’Héraclès », « Meurtre en chambre » et « Le Chantier » jouent sur un effet de répétition plus ou moins macabre. On relève également que « La Folie d’Héraclès » et « L’Abîme » déploient leur étrangeté grâce à un dispositif métanarratif. En effet, les deux nouvelles représentent une mise en scène, théâtrale dans « La Folie d’Héraclès », cinématographique dans « L’Abîme ». Sans rentrer dans les détails, la première nouvelle est marquée par l’irruption cruelle et conjointe du mythe et du réel dans une tragédie antique, tandis que la seconde repose sur une mise en abîme du dispositif cinématographique et de l’acte plus ou moins actif de regarder un film. Ces deux dispositifs métanaratifs peuvent rappeler la manière dont Pascal Malosse dépeint un personnage écrivain dans Les Fenêtres de bronze. On retrouve d’ailleurs un personnage écrivain dans le recueil, avec la narratrice de « La Portraitiste ».
Les nouvelles du recueil sont majoritairement narrées à la première personne du singulier (à l’exception de « La Folie d’Héraclès »). Le point de vue interne enferme alors le lecteur dans une seule perception des événements, dont la fiabilité se trouve parfois mise en doute. Les personnages narrateurs se retrouvent ainsi parfois en proie à des accès de folie, ou nourrissent des obsessions qui poussent le lecteur à remettre en question les éléments qui lui sont donnés, notamment lors des chutes des récits, qui peuvent s’avérer cruelles et violentes. Ce sont ces chutes, couplées aux perceptions troublées des personnages narrateurs, qui confèrent aux récits un effet d’étrangeté qui ne repose pas forcément sur le surnaturel.
Les nouvelles de Soleil Trompeur abordent également des thématiques sociales, que Pascal Malosse articule à l’étrange. Ainsi, « Les Fantoches » traite de comment le fascisme italien s’installe et spoile le peuple de ses biens tout en le dépossédant de ses libertés individuelles et « La Portraitiste » montre comment la révolution peut changer ceux qui la font, pour le meilleur come pour le pire. « L’Assemblée » et « Le Chantier » traitent de la position sociale des femmes et des pressions qu’elles peuvent subir sur leur lieu de travail, « Erreur de classe » et « Voyage organisé » traitent de la différence entre les classes sociales et de la violence qui règne entre elles, tandis que « Souvenirs d’enfance », s’intéresse en filigrane à l’ingérence de la France dans ses anciennes colonies. L’auteur s’intéresse au milieu des arts, puisque « L’Abîme » décrit l’hypocrisie et l’entresoi à l’œuvre dans le monde du cinéma et de sa critique, « L’Enterrement » traite des relations entre les chorégraphes et leurs danseurs, et « La Folie d’Héraclès » met en scène l’obsession pour l’antiquité d’un metteur en scène grec.
Le mot de la fin
Avec le recueil Soleil Trompeur, Pascal Malosse met en scène des régions du Sud pour en démontrer l’étrangeté qui peut s’en dégager au-delà de leur aspect paradisiaque, à travers des nouvelles dont l’effet d’étrangeté repose sur le surnaturel, ou sur les perceptions altérées de leurs personnages narrateurs.
L’étrangeté et la cruauté qui se dégagent de ces récits permettent également à l’auteur de traiter thématiques sociales, telles que les violences de classe ou les problématiques liées aux domaines artistiques.
J’avais découvert Pascal Malosse avec Les Fenêtre de bronze, et j’ai été de poursuivre la lecture de cet auteur avec Soleil Trompeur !
pas ma tasse de thé!
J’aimeAimé par 1 personne
arf, dommage
J’aimeAimé par 1 personne