Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un manga de SF spatiale et sentimentale.
Nos temps contraires, Je ne te laisserai pas mourir (tome 1) de Gin Toriko et Senta Nakazawa

Introduction
Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Akata, que je remercie pour l’envoi du manga !
Gin Toriko est une mangaka japonaise. Elle a découvert le manga tardivement, avec le shojo de science-fiction Gondwana de Takako Yamazaki. Avec l’aide de Senta Nakazawa pour les décors, elle a scénarisé et dessiné Nos temps contraires, je ne te laisserai pas mourir, le manga dont je vais vous parler aujourd’hui.
En voici la quatrième de couverture :
« « Je voulais seulement revoir la Terre… »
L’humanité, ne pouvant plus vivre sur Terre, s’est réfugiée dans l’espace, cloîtrée dans des « Cocoons ». Arata, Tara, Caesar et Louis sont des enfants précieux : des « néotènes », ces êtres qui, malgré leur apparence prépubère, possèdent la maturité d’adultes. Leurs corps se sont adaptés à la vie dans l’espace et, à ce titre, ils incarnent l’espoir et l’avenir de la race humaine.
Quand un jour, ces quatre-là rencontrent une mystérieuse femme aux longs cheveux verts, atteinte de la « maladie de Daphné », leurs destins basculent à jamais… »
Dans mon analyse du manga, je traiterai d’abord de l’univers futuriste et transhumain déployé par les autrices, avant de m’intéresser aux personnages et à la question de l’amour.
L’Analyse
Univers futuriste et transhumain, utopie ou dystopie ?
Gin Toriko et Senta Nakazawa dépeignent un univers futuriste. L’humanité a quitté la Terre, devenue inhabitable, pour vivre dans l’espace. Les populations vivent dans des « Cocoons », c’est-à-dire des stations spatiales représentant des états-nations et portant des noms de capitales, avec Tokyo pour le Japon, New Delhi pour l’Inde, New York pour les Etats-Unis, par exemple. Le manga mobilise ici un topos classique de la science-fiction, à savoir l’abandon de la Terre par l’humanité pour l’espace, présent par exemple dans Semiosisde Sue Burke, Vers les étoilesde Mary Robinette Kowal, Upside Down de Richard Canal, ou plus canoniquement, de Fondationd’Isaac Asimov. Cependant, contrairement à ces œuvres, la po Cette vie dans les stations spatiales conduit à une transformation profonde de la société, dont les codes sont profondément remaniés, ce qu’on observe dans les interactions entre les personnages.
En effet, les relations sociales très strictement encadrées, selon une morale qui vise à mettre en avant des questions pragmatiques comme le mariage, la reproduction, pour réprimer certains sentiments, notamment l’amour, et empêcher certains comportements, comme le harcèlement sexuel. La société décrite par Gin Toriko et Senta Nakazawa apparaît donc plus égalitaire et moins patriarcale, puisque les personnages masculins ont conscience du tort que peuvent causer certains de leurs comportements, ce qu’on observe dans les interactions entre Caesar, Arata et Tara. Cependant, les codes et la morale de leur société ont tendance à dévaloriser le sentiment amoureux, considéré comme immoral et indécent, au point que les mariages d’amour peuvent surprendre. Le mariage est alors compris comme un « engagement officiel », tandis que l’amour apparaît « immoral ». Le fait d’aimer se trouve alors remis en question par les règles sociales, qui affirment que les individus soient rattachés par des contrats, des engagements, plutôt que par des sentiments, afin de préserver les gènes. Les conjoints sont donc considérés comme des partenaires (« partenaire secondaire » ou « tertiaire », qui est choisi pour la « procréation », « Kissing Partner »…) qui sont engagés par des contrats. On peut d’ailleurs noter que les questions morales sont particulièrement surveillées, puisque les « Cocoons » regorgent de « caméras de surveillance » qui analysent les propos tenus par les individus qui y vivent, pour veiller au maintien de ce que le système considère comme des bonnes mœurs. On peut aussi noter que Louis, qui est artiste, doit également surveiller sa production artistique pour ne pas attirer l’attention des autorités. Cette société surveillance peut évoquer un certain nombre de dystopies, parmi lesquelles le roman d’un certain George Orwell. Cela peut également rappeler l’anime comique Shimoneta (adapté du ligh-novel du même nom), qui se déroule au sein d’une société japonaise qui a banni toutes les grossièretés et les contenus considérés comme licencieux au nom de la morale et de la pudeur, au point que la jeunesse ne sait plus exactement ce qu’est le sentiment amoureux. La société dépeinte dans Nos temps contraires s’avère donc restrictive, mais certaines zones moins rigides subsistent, à l’image du Kyoto Cocoon, où des fêtes nocturnes ont lieu.
Le manga présente également des conflits politiques et d’intérêts, puisqu’on remarque par exemple que le père de Louis finance la campagne électorale du père de Caesar. Les Néotènes sont donc issus de familles dominantes socialement, et perpétuent leur prestige social par leur statut. On remarque donc que les relations entre les personnages sont influencées par leurs familles, qui tirent parti des liens entre leur progéniture.
La question de passation des gènes est notamment présente chez les Néotènes, des êtres humains modifiés, adaptés à la vie dans l’espace et dotés dune longévité largement supérieure à celle l’humanité standard. La reproduction des Néotènes constitue alors un enjeu de taille dans la société, puisqu’ils incarnent littéralement l’avenir de l’humanité. Cependant, la pression sociale qu’on leur donne les met mal à l’aise, parce qu’ils ont du mal à exprimer ce qu’ils ressentent les uns pour les autres, mais aussi parce qu’ils cherchent à être libres (j’y reviendrai). Les Néotènes, de par leur génome modifié, sont des transhumains, c’est-à-dire des êtres humains améliorés, dont les caractéristiques s’éloignent de l’humanité standard, de la même manière que peuvent l’être d’autres personnages de science-fiction, comme ceux de Vision Aveugle de Peter Watts. De plus, les Néotènes sont observés en permanence par les êtres humains standards, qui les starifient et les fétichisent, puisqu’ils ont des fans qui échangent sur les réseaux sociaux, passent à la télévision et sont épiés dans leur vie quotidienne. Arata, Caesar, Tara et Louis doivent alors apprendre à vivre sans faire trop de vagues, parce que le regard des autres les dépossède d’eux-mêmes. Ainsi, malgré leurs gènes améliorés, les Néotènes apparaissent aliénés par la société dans laquelle ils vivent à cause des pressions qu’ils subissent.
Personnages et question amoureuses
Nos temps contraires nous fait suivre quatre personnages principaux, à savoir Arata, Tara, Caesar, et Louis. Chacun d’entre eux est doté d’un caractère différent. En effetn, Louis est un artiste assez exubérant, sentimental et remet en question les codes moraux de la société, Caesar est extraverti et direct dans ses propos tandis qu’Arata est plutôt calme et réservé, et Tara est assez timide. Leurs caractères respectifs permettent de les individualiser et de les singulariser.
Le manga explore les relations entre ces personnages, qui sont perçus comme exceptionnels par l’humanité standard, dont ils incarnent d’ailleurs le futur, mais aussi la manière dont ils se confrontent aux codes sociaux. On l’observe dans leur rencontre avec Gion, jeune femme atteinte du syndrome de Daphné, c’est-à-dire que ses cellules ont muté pour devenir capables de réaliser la photosynthèse, ce qui ne lui permet de se nourrir que d’eau et de lumière. Leur rencontre avec Gion, dont Louis tombe amoureux, permet de montrer comment la morale de leur société peut influencer leur perception des sentiments, mais aussi le choix du « partenaire », puisqu’il est mal vu que Louis choisisse une personne qui n’est pas de sa classe sociale, pas Néotène, et atteinte d’une maladie. Louis se révolte alors contre les codes sociaux de son monde, qui l’empêchent d’aimer la personne de son choix.
Sans rentrer dans les détails, Gin Toriko et Senta Nakazawa traitent alors de la question du sentiment amoureux, d’abord à travers la relation entre Louis et Gion, qui transgresse les normes sociales établies dans les Cocoons, mais également ceux de Tara, qui aime l’un des personnages et qui souffre du fait que l’amour soit considéré comme indécent. Les personnages apparaissent donc dépossédés d’eux-mêmes, parce qu’ils ne peuvent pas exprimer leurs sentiments dans une société qui les réprime, ce qui entraîne une tragédie particulièrement violente.
Le mot de la fin
Nos temps contraires : je ne te laisserai pas mourir de Gin Toriko et Senta Nakazawa est un manga de science-fiction qui explore les relations entre des personnages transhumains, les Néotènes, qui incarnent le futur de l’espèce humaine qui a quitté une Terre dévastée pour vivre dans l’espace.
Ces Néotènes, Arata, Caeasar, Tara et Louis, vivent dans une société qui a redéfini les relations sociales, notamment amoureuses. Le sentiment amoureux est en effet considéré comme indécent et immoral, et la formation des couples est envisagée selon un mode uniquement contractuel et procréatif. Les personnages se confrontent alors aux codes de leur société lorsque l’un d’entre eux tombe amoureux de Gion, une jeune femme atteinte d’une maladie qui transforme son corps pour qu’il réalise de la photosynthèse. Cette relation transgressive montre alors les failles de la société dystopique des « Cocoons », mais aussi l’aliénation des personnages.
Si vous êtes intéressés par les mangas de SF, je vous invite à lire Nos temps contraires !
Vous pouvez également consulter les chroniques de Tachan, Ombrebones
Merci pour le lien 🙂 j’ai eu une très belle surprise avec ce manga, je ne sais pas si tu as lu le tome 2 mais il est très bien aussi. J’ai hâte de découvrir vers où ça nous emmène.
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De rien pour le lien 🙂 . Il faudra que je lise la suite, je n’ai pas encore lu le tome 2.
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Depuis l’avis de Chut maman lit sur ce manga je me le suis noté dans ma liste d’envies. Tu confirmes cet intérêt!
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Haha, cool ! 🙂 J’espère qu’il te plaira !
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