A l’état de nature, de Damon Knight

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’une nouvelle de SF à tendance écologique.

À l’état de nature, de Damon Knight


Introduction


Damon Knight est un écrivain et critique américain de science-fiction né en 1920 et mort en 2002. Il a fait partie du groupe de Futurians, une communauté de fans, d’éditeurs et d’auteurs de science-fiction qui comptait notamment Isaac Asimov, James Blish (Semailles humaines) ou encore Frederik Pohl (Planète à gogos, coécrit avec Cyril M. Kornbluth), et a été le premier président de l’organisation Science Fiction and Fantasy Writers of America, qu’il a fondée. Il est également le créateur du prix Nebula, considéré comme l’un des prix les plus prestigieux du monde de l’imaginaire anglophone, avec le Locus et le Hugo.

Il a donc eu une grande influence sur la communauté des littératures de l’imaginaire anglophone.

La nouvelle dont je vais vous parler aujourd’hui, À l’état de nature, est à l’origine parue dans la revue Galaxy Science-Fiction en 1954, et a été traduite en français dans la revue française Galaxie la même année. Les éditions du Passager Clandestin ont réédité la nouvelle dans la collection Dyschroniques, dans une traduction de Xavier Kemmlein.

En voici la quatrième de couverture :

« 2064. Trente ans plus tôt, le monde moderne, électrique, industriel et mécanique, a bien failli disparaître. Seules 22 mégacités sont parvenues à préserver, coûte que coûte, ce mode de vie. Face à elles ? Les Bourbeux ! Une civilisation rurale et tribale dont les techniques sont issues d’une coopération avec la nature. Lorsque le grand New York vient à manquer de métaux, ses dirigeants envoient un émissaire à la Campagne, pour troquer ses gadgets sophistiqués contre des matières premières. Damon Knight, dans ce récit truculent de 1954, nous dit que l’avenir de l’humanité -et de la nature dont elle dépend- passe par une relation symbiotique entre les deux. Une sortie d’utopie à rebours de certaines idées où la modernité se construit dans un équilibre fragile entre science et nature. »

Dans mon analyse de cette nouvelle, je traiterai de la manière dont Damon Knight décrit une société utopique et écologique.

L’Analyse


Utopie science-fictive et écologique


Le récit de Damon Knight se déroule aux États-Unis, en 2064, soit un siècle dans le futur de l’auteur. La société industrielle, hypertechnologique et urbaine des « Villes » a été mise à mal par une guerre contre les « Bourbeux », terme raciste et suintant le mépris de classe et surtout l’ignorance, qui désigne les habitants des « Campagnes ». L’usage des majuscules pour désigner des espaces de vie marque l’importance qu’ils ont pris dans le monde de Damon Knight, mais permet également de marquer leur altérité par rapport aux villes et aux campagnes que nous connaissons.

Les Villes ont été mises en mal, mais pensent avoir gagné la guerre, alors qu’en vérité, elles se « pris une bonne raclée ». En effet, elles manquent de plus en plus de métaux pour alimenter produire et réparer leurs machines, tels que les « aérobarges » qui leur permettent de transporter des hommes et du matériel. Cet épuisement des ressources les conduit à chercher des métaux sur les territoires des Bourbeux qui leur sont hostiles.

La nouvelle prend donc le point de vue d’un acteur de « cinéréel », Alvah Gustad, envoyé par le Grand New-York négocier des accords commerciaux auprès de la population de la Campagne, en lui vendant des technologies en échange de métaux. Il est aussi chargé d’informer les autorités sur la vie des Bourbeux et leur organisation sociale. Son attitude peut être qualifiée de colonisatrice, puisqu’il a pour ambition de « civiliser » les populations de la Campagne.

Alvah Gustad apparaît donc comme un personnage de naïf à qui les Bourbeux tels que B. J. et Bither vont expliquer le fonctionnement de leur société, à laquelle il va se heurter. En effet, Gustad est un faux naïf, conditionné physiquement et psychiquement à rejeter la Campagne, ce qu’on remarque dans le fait que l’odeur de ses interlocuteurs l’incommode, et qu’il ne peut pas manger la même nourriture que les Bourbeux, qui le rend malade. On remarque donc que le personnage est aliéné par la Ville, et doit apprendre à vivre à la Campagne grâce à l’aide de B. J. et de Bither.

La technologie des Bourbeux s’oppose à celle des Villes. En effet, ces dernières se focalisent sur les technologies industrielles, tandis que les habitants des Campagnes se spécialisent en biologie et en génétique, ce qui leur permet de créer des espèces animales et végétales, avec par exemple des insectes « métalophages », des plantes qu’ils cultivent pour littéralement faire pousser leurs maisons, leurs meubles, et même exploiter des mines (oui oui).

« Attends un peu », dit Alvah, confus. « Ça sert à quoi, une pousse de maison ? »

« Bah, à faire pousser une maison, bien sûr », répondit la brune. Elle lui tendit une autre fiole d’œufs. « Des coprophages. »

La rousse avait un sac translucide rempli de billes noires. « Des arbres utilitaires ».

« Un convertisseur d’ordures ».

« Ça, ça fait pousser un lit. Et ces trucs, ce sont des buissons à chaises. »

Le regard ignorant de Gustad se teinte ici d’étonnement devant les manipulations génétiques que les Bourbeux, supposément moins évolues technologiquement, ont réussi à accomplir. Leurs progrès en biologie s’opposent donc à la mécanique industrielle des Villes, qui se trouve alors surpassée, ce que la fin du récit montre, lorsque les deux factions s’opposent lors d’un conflit ouvert.

Damon Knight décrit un monde futur où le rapport à la Nature devient un clivage social. Il est ainsi marqué par une volonté d’exploitation dans le cas des Villes qui veulent du métal, mais aussi conquérir les autres Villes et massacrer les Bourbeux. À l’inverse, les habitants des Campagnes cherchent à vivre en harmonie avec la Nature. Leurs avancées en biologie et les modifications génétiques leur permettent alors de se passer de l’industrie et de son exploitation chronophage et aliénante de l’être humain. L’harmonie avec la nature signifie donc, chez les Bourbeux, la fin de la société capitaliste.

L’auteur met donc en scène une société écologique et utopique, au sein de laquelle le retour à la terre ne signifie pas régression technologique, mais progression sans les technologies industrielles classiques. À ce titre, on peut considérer comme un précurseur d’Ecotopia d’Ernest Callenbach, paru vingt ans plus tard. On remarque d’ailleurs que les deux auteurs utilisent le même procédé de mise en scène, qui consiste à mettre en scène un personnage ignorant auquel on apprend le fonctionnement de la société dans laquelle il s’intègre.

Le mot de la fin


À l’état de nature est une nouvelle de science-fiction de Damon Knight, dans laquelle l’auteur met en scène deux sociétés opposées, celles des Villes et des Campagnes. Les premières déclinent à cause de leur manque de ressources, tandis que les secondes deviennent de plus en plus puissantes. La Ville de New-York décide alors d’envoyer Alvan Gustad chez les « Bourbeux » pour s’accaparer leurs métaux.

Cependant, Gustad va être forcé d’observer que la société de la Campagne vit en harmonie avec la Nature et constitue une utopie, grâce aux modifications génétiques apportées aux plantes et aux insectes, qui évitent aux individus d’avoir à travailler.

Si vous aimez les thématiques écologiques et les utopies, je vous recommande la lecture de cette nouvelle !

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2 commentaires sur “A l’état de nature, de Damon Knight

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