Le Dompteur d’avalanches, de Margot Delorme

Salutations, lecteur. Connais-tu la Rentrée de la fantasy française ? Non ? Dans ce cas, laisse-moi t’expliquer ce que c’est, tout en présentant l’un des romans de cet événement.

Le Dompteur d’avalanches, de Margot Delorme

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Introduction

Étant donné qu’il s’agit d’un premier roman, et par extension d’une jeune autrice, je ne donnerai pas beaucoup de détails biographiques (ou bibliographiques) dans cette introduction.

Margot Delorme est une autrice de Fantasy française, qui travaille comme bibliothécaire en Haute-Savoie.

Son premier roman, Le Dompteur d’avalanches, a été publié en ce mois de Septembre 2018 chez les Moutons Électriques, à l’occasion de la Rentrée de la fantasy française.

La Rentrée de la fantasy française est une opération conjointe des éditeurs des Indés de l’Imaginaire (ActuSF, Mnémos, et les Moutons Électriques) à l’occasion de la rentrée littéraire, pour créer une sorte de contrepoint en littérature de genre à une avalanche de littérature dite générale. Les Indés y présentent des romans et des auteurs marquants, ou des nouveaux auteurs.

Vous aurez donc compris que cette année, chez les Moutons Électriques, c’est Margot Delorme et son roman qui sont à l’honneur, servis par une couverture et des illustrations sublimes de Melchior Ascaride, que je salue au passage, parce que son travail sur les couvertures et les illustrations est tout simplement incroyable.

Voici la quatrième de couverture du Dompteur d’avalanches :

« Ditto, quatorze ans, tient lieu de guide à des excursionnistes venus des plaines. Un jour, lors de l’attaque d’un monstre des cimes, il se découvre un don pour déclencher avalanches, coulées et crues. Un don puissant. Or les écouleurs sont craints et haïs par les montagnards. Bientôt, Ditto se retrouve dans la peau d’un paria et contraint à la fuite. En compagnie d’amis inattendus, il va demander son aide à la Lorlaïe, la nymphe du grand glacier. Mais le marché que lui propose cette dernière lui paraît inacceptable… »

Le lecteur suit donc Ditto, un jeune « écouleur », dans ses aventures pour maîtriser ses pouvoirs et échapper à la Lorlaïe.

Dans mon analyse, je m’intéresserai à l’imaginaire montagnard développé par l’autrice, puis j’interrogerai les propos qui tendent à donner une tonalité jeunesse au roman. Je tiens ici à préciser que le but de cette partie de la chronique ne sera en aucun cas d’attaquer ou de tacler d’autres membres de la blogosphère, ni de décrédibiliser leurs propos. Je vais simplement m’appuyer sur certaines des chroniques que j’ai vues passer, pour en expliquer (et justifier) le point de vue, mais également, lui apporter des nuances. Il ne s’agit donc vraiment pas d’attaquer ou de moquer. Sur ce, nous pouvons commencer.

L’Analyse

Un imaginaire montagnard plutôt original

Margot Delorme met en scène son roman dans un décor montagnard qui emprunte énormément à la Haute-Savoie, autant dans son imaginaire que dans sa géographie. En effet, la montagne est omniprésente, avec ses ses cols, ses a-pics, ses ravins et gouffres, ses forêts, ses lacs, son altitude… Ce décor est servi par une langue affinée et précise sur les termes botaniques ou montagnards ou alpinistes, puisque l’autrice emploie des noms bien particuliers d’espèces végétales, ce qui donne des descriptions assez touffues et précises. Cela créé un décor assez original, puisque la montagne n’est pas souvent (à ma connaissance du moins) explorée en tant qu’environnement dans la fantasy, mais est plus représentée comme un point de passage.

Le système de magie créé par l’autrice, l’Ardeur, apparaît comme étant plutôt classique. Chaque porteur de cette magie, appelé Ardent, possède un pouvoir plus ou moins puissant et qui entre dans certaines catégories qui possèdent des noms précis, avec les « écouleurs » qui peuvent contrôler les fluides, les « boute-en-pousse » qui peuvent « accélérer le métabolisme des plantes » ou encore les « toxiques » qui rendent malades leurs adversaires. L’originalité de l’Ardeur réside dans le fait que d’une part, certains pouvoirs sont présentés comme plutôt enfantins alors qu’ils peuvent se révéler très dangereux (oui, quelqu’un dont le pouvoir est de déclencher des démangeaisons peut être dangereux, si les démangeaisons qu’il suscite provoquent des plaies profondes), et d’autre part, on trouve des animaux qui possèdent l’Ardeur (caracals, blaireaux, marmottes…), ce qui les rend à la fois magiques et magiciens. Ensuite, certains Ardents, les Incandescents, sont tellement puissants qu’ils peuvent modifier la trame de la réalité, tandis que d’autres, les Renifleurs et les Lancinants, sont des renégats qui cherchent à « éteindre » les autres Ardents par la torture, et sont aidés par des « inquisiteurs ». Dans Le Dompteur d’avalanches, la magie est donc perçue comme un problème à éradiquer (ou résoudre, puisque l’Ardeur peut être « éteinte »), les Ardents sont totalement exclus de l’humanité, on peut l’observer lorsque Ditto est rejeté hors de son village et n’est plus traité comme un être humain. On peut également voir que l’Ardeur est grandement liée à la Nature, puisque l’Ardeur permet de manipuler les éléments (plantes, vent, foudre, liquides…). La Surnature est donc liée à la Nature dans cet univers.

Les créatures surnaturelles présentes dans le roman sont plutôt originales et empruntent en partie au folklore savoyard, avec les « feys aux gros seins » par exemple, mais également les « goblinoux » (leur nom peut paraître mignons, mais ces créatures ne le sont pas du tout), la Lorlaïe, les « nuages-nouilles », les « pattes-molles »… Ces créatures sont souvent monstrueuses et grotesques, avec un aspect repoussant (vous verrez par vous-mêmes), et apportent une dose d’originalité au roman.

Enfin, l’univers de Margot Delorme est plutôt étoffé pour celui d’un premier roman, avec des Dieux, les Onze, qui possèdent chacun une fonction, un douzième Dieu aux intentions malfaisantes, ainsi qu’une géographie fournie, avec des lieux et des continents inexplorés (« la mer Pourpre », « Scarabombille »…) que le lecteur aura peut-être l’occasion de visiter dans une éventuelle suite ?

Une tonalité jeunesse ?

Je l’ai déjà précisé dans l’introduction, mais je vais tout de même le redire ici, cette partie va s’appuyer sur des propos tenus par d’autres blogueurs, pour parfois les appuyer, et parfois les nuancer. Il ne s’agit pas d’attaquer bêtement leurs propos ou leurs chroniques. Chacun a le droit de penser et de dire ce qu’il veut, et ce n’est pas moi qui vais proclamer le contraire. Il va simplement s’agir d’expliquer ou de nuancer leur propos pour appuyer le mien, voilà tout. Je me répète, ne voyez pas ici une attaque ou un clash (que ce soit envers les blogueurs ou même l’autrice), ce n’est pas mon intention. En tout cas, n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de cette manière de procéder, cela m’intéresse beaucoup.

Cette précision étant faite, voici les chroniques sur lesquelles je vais quelque peu m’appuyer, celles de Blackwolf, ainsi que celle de Lhotseshar (vous pouvez également consulter celle de Fantasy à la Carte, tant qu’on y est), qui disent que le roman est orienté pour un public jeune, ou de jeunes adultes (ce que je suis, d’ailleurs, donc peut-être suis-je un poil biaisé?).

Le Dompteur d’avalanches peut en effet être perçu comme un récit orienté pour la jeunesse, de par sa structure. Je m’explique. Le roman est un récit initiatique, dans lequel un jeune garçon sans histoire, Ditto, se découvre des pouvoirs magiques (l’Ardeur) et doit passer par plusieurs épreuves (confrontations avec le « dragon-cristal », les villageois, les « goblinoux »…) pour parvenir à maîtriser son don et découvrir le monde (celui des Ardents, des Puissances et des Dieux, mais aussi le monde tout court). C’est ce que la narration établit dès les premiers chapitres, et c’est un motif que l’on retrouve dans beaucoup de récits jeunesse ou YA, un personnage assez jeune découvre qu’il possède un grand pouvoir et qui va apprendre à ses dépends « qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » (Oncle Ben dans Spider Man), et non pas « de tout faire sauter » (Veigar boss de fin, dans League of Legends). L’intrigue est donc plutôt classique et rappelle effectivement un récit initiatique pour la jeunesse, mais classique ne veut pas dire « mauvais » et personnellement, je trouve que l’intrigue est bien menée et efficace. Ensuite, je trouve que le roman possède, par certains aspects, quelques subtilités qui font qu’il peut être effectivement lu par un public jeune, mais aussi par des adultes, à condition qu’ils sachent à quoi s’attendre.

Parmi les subtilités qu’on peut relever, certaines tournures de phrases et certains mots sont plutôt recherchés et spécifiques (les termes de botaniques, notamment) dans certaines descriptions, ce qui fait que le style de l’autrice (que je ne dénigre pas, bien au contraire) peuvent ne pas convenir à un lectorat jeune ou peu habitué à la lecture, et peut-être plus à une lecture d’adulte à enfant (ou jeune adolescent) dans le cas d’un public jeune. Le style de Margot Delorme peut en effet rappeler celui des contes merveilleux des siècles précédents, et pas celui des romans jeunesse d’aujourd’hui, et selon moi, c’est ce qui fait son charme, mais également ce qui peut laisser penser que son roman est destiné à la jeunesse.

Enfin, je dirai que les thèmes abordés par le roman peuvent convenir à la fois convenir à un lectorat jeune et adulte, parce que l’autrice n’infantilise pas son public. Les thèmes de l’exclusion (les Ardents sont pourchassés, une distinction s’opère entre eux et les « gens normaux), le vivre ensemble ( les Ardents se regroupent entre eux et essaient de faire face aux autres, en obéissant à des Principes), et même la vie animale ( avec l’Ardeur, des animaux peuvent parler aux humains et penser, et peuvent donc échanger avec eux et même les guider, comme le font Étincelle le caracal ou Fureteur la marmotte) sont traités sur le mode du conte, de manière sous-jacente, sans prendre le lecteur de haut.

Le style et la tonalité du Dompteur d’avalanches peuvent donc être rapprochés du conte, ce qui fait qu’il peut convenir à un public jeune, mais également à un public adulte, même si je comprends que certains aient pu être surpris et n’aient pas aimé. J’ajouterai enfin que le lecteur adulte (ou attentif) saura repérer quelques touches d’ironie se moquant du jeune Ditto glissées dans les dialogues ou dans les descriptions, ainsi que deux références assez drôles au Seigneur des anneaux de Tolkien.

Le mot de la fin

Pour ma part, vous l’aurez sans doute compris, j’ai apprécié Le Dompteur d’avalanches. Margot Delorme signe un premier roman doté d’un univers et d’un style plutôt touffus, avec de l’originalité, qui parviennent à donner du volume et de l’intérêt à une intrigue pourtant classique. Espérons qu’avec cette Rentrée de la Fantasy, son roman trouve un public, parce qu’il le mérite !

Vous pouvez aussi consulter les chroniques de Dreambookeuse, Célindanaé, Phébusa, Nevertwhere

9 commentaires sur “Le Dompteur d’avalanches, de Margot Delorme

  1. J’aime beaucoup les subtilités que tu as apporté à cette critiques noatment sur le public cible, plutôt YA. Comme toi, je ne pense pas que classique est un synonyme de mauvais, c’est juste… classique, quelque chose dont on aura plus ou moins l’habitude.

    Merci!

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  2. Bon, tu as réhaussé l’avis que j’avais de la bête, mais malgré tout, je préfère investir dans un livre que je sais que je vais apprécier. Ici, comme je l’ai dis sur d’autres Blog, même si le Worldbuilding a l’air sympa tout comme le bestiaire, j’ai peur que cela ne soit pas suffisant pour m’accrocher réellement. Merci pour ta chronique toujours si complète !

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