Les Affinités, de Robert Charles Wilson

Salutations, lecteur. Je t’ai parlé il y a peu de ma découverte de Robert Charles Wilson avec Bios. Eh bien figure toi que pendant que je lisais ce roman, j’ai découvert l’une des autres œuvres de l’auteur, à savoir

Les Affinités

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Introduction

Robert Charles Wilson est un auteur de science-fiction canadien né en 1953 aux États-Unis. Il est actif depuis les années 1980, et a obtenu des prix comme la Philip K. Dick en 1995 pour Mysterium, ou encore le Prix Hugo en 2006 pour Spin, premier roman de la trilogie du même nom pour laquelle beaucoup de lecteurs le connaissent.

Les Affinités est paru en 2015 en VO et a été traduit par Gilles Goullet pour la collection Lunes d’Encre des éditions Denoël en 2016. Le roman est également disponible au format poche dans la collection Folio SF de Gallimard depuis 2018.

Voici la quatrième de couverture des Affinités :

« Adam Fisk s’est installé à Toronto pour suivre des études de graphisme que lui finance sa grand-mère. Là, il s’est inscrit à un programme payant pour déterminer à laquelle des vingt-deux Affinités il appartient. Adam est un Tau, une des cinq plus importantes de ces nouvelles familles sociales théorisées par le chercheur Meir Klein. Quand la grand-mère d’Adam, diminuée par une attaque, est placée dans une maison de retraite, le jeune homme n’a plus les moyens de suivre ses études. Mais être un Tau confère des avantages qu’il va vite découvrir : travail rémunérateur, opportunités sexuelles, vie sociale pleine et satisfaisante. Tout est trop beau, trop facile. Tout va très vite pour Adam… et il en est de même pour le reste du monde, car le modèle social des Affinités est en train de s’imposer. Malheureusement, dans l’histoire de l’Humanité, aucun changement radical ne s’est fait sans violence. »

Mon analyse du roman portera sur la manière dont le lecteur peut observer les changements qui s’opèrent dans le monde dépeint par le roman à travers le regard d’une subjectivité forte, celle du personnage principal, Adam Fisk.

 

L’Analyse

 

Adam Fisk, regard sur une société en mutation

 

Les Affinités est narré à la première personne, à travers le point de vue rétrospectif d’Adam Fisk. Tout le récit est axé autour de ce personnage-narrateur, et son point de vue est le seul dont le lecteur disposera dans tout le roman, alors que des changements s’opèrent dans la société sur le plan mondial, avec l’apparition des Affinités qui entraînent une reconfiguration du champ social. Le lecteur percevra donc ces changements de la société et du monde à travers le regard d’un seul personnage, qui les traverse et les vit de manière plutôt intense et directe, puisque l’émergence des Affinités va complètement changer sa vie. Le point de vue rétrospectif d’Adam s’observe à travers des remarques qui font usage du futur proche et de temps composés qui permettent d’observer que le personnage a un certain recul sur son vécu, ce qui ajoute de l’humour ou de l’ironie assez amère à certaines situations.

Le lecteur observe ainsi les changements qui ont lieu dans le monde à travers leurs répercussions dans la vie d’Adam, et l’évolution de celle-ci. Le récit suit ainsi une structure en trois parties, que l’on peut comprendre comme la vie d’Adam avant les Affinités, puis ce qu’il vit lorsqu’il s’intègre pleinement à Tau, et enfin, la manière dont il voit le système des Affinités profondément ébranlé et remis en question. Les changements ayant lieu dans le monde affectent ainsi tous Adam de manière plus ou moins directe, et nous permettent d’observer la manière dont il les vit.

Adam est en effet un personnage assez banal, au sens qu’il appartient au début du roman à une Humanité standard, sans véritables traits particuliers. Mais tout bascule pour lui lorsqu’il découvre qu’il fait partie de l’Affinité Tau, alors que sa grand-mère, qui finançait ses études à Toronto et dont il était très proche, vient de mourir. Adam doit alors retourner dans sa ville natale de Schuyler et y est confronté à sa famille, qui refuse de le voir continuer ses études de graphisme et qui est dépeinte comme profondément intolérante. Le père et le frère d’Adam sont ainsi marqués par leur conservatisme crasse et presque caricatural, puisqu’ils sont obsédés par une certaine vision de la « normalité » et tiennent des propos racistes, homophobes, méprisants envers les classes sociales moins aisées que la leur, ce qui les rend détestables de par ce qu’ils font subir à leur entourage. Après son test d’Affinité qui lui permet de découvrir qu’il est un Tau, il intègre une « tranche », c’est-à-dire un regroupement de plusieurs Taus, dont Amanda Mehta, Damian Levay, Trevor Holst, Lisa Wei, ou encore Loretta Sitter, qui finissent par constituer sa nouvelle famille, qui lu permet de se sentir pleinement intégré dans un milieu, qui fait lui-même partie d’une communauté plus vaste, dont font partie les personnages secondaires du roman qui sont intéressants dans les liens qu’ils tissent avec Adam et la manière dont ils se rattachent à Tau. Ainsi, Damian et Amanda cherchent à faire de Tau une entité économique, culturelle et politique, par exemple. À travers le personnage d’Adam, qui est nouvel arrivant dans sa tranche, le lecteur comprend que les Affinités permettent de regrouper des individus capables d’une coopération extrêmement poussée et efficace, et d’une compréhension mutuelle parfaite ou presque, qui est même qualifiée de « télépathie de tranche ». Ainsi, les Taus forment un gigantesque réseau d’entraide et de coopération, au sein duquel Adam va s’intégrer et découvrir une véritable utopie. Le point de vue interne permet au lecteur d’observer directement des scènes extrêmement touchantes de la vie d’Adam parmi les Taus, mais également des moments teintés d’ironie, à cause du point de vue rétrospectif.

Le climat utopique qui se développe au sein des Affinités va cependant être vite contesté et battu en brèche. En effet, les Affinités, ou du moins les recherches qui ont permis de les identifier, sont la propriété d’une grande entreprise, InterAlia, qui refuse que les algorithmes et la procédure de test d’Affinités soient rendus publics par leur découvreur, Meir Klein, ce qui va créer des conflits entre les Affinités et InterAlia. De plus, l’apparition des Affinités va engendrer une véritable fracture sociale, entre ceux qui appartiennent à l’une des vingt-deux Affinités, et ceux qui n’en font pas partie, et qui sont qualifiés de « brides ». Cette fracture va faire naître des clichés sur les différentes Affinités (les Taus sont des fumeurs de cannabis, les Hets sont obsédés par la hiérarchie, les Kaph font des orgies sexuelles…), et engendrer des idées reçues sur ce qu’elles sont. Ces idées reçues vont ainsi être relayées par les personnages qu’Adam va rencontrer en dehors de son Affinité, qui croient par exemple que Tau est un « club de rencontres » ou une « secte », alors que ce n’est pas le cas, bien que certains comportements puissent rapprocher les Affinités de ces idées reçues (j’y reviendrai plus bas). La rupture entre l’Humanité standard et celle des Affinités va ainsi s’observer dans les conflits entre Tau et InterAlia, puis entre Tau et le gouvernement et d’autres Affinités. Tout n’est donc pas rose pour les groupes de personnes qui sont favorisées par la « téléodynamique sociale » qui a engendré les Affinités.

Le monde dépeint par Robert Charles Wilson est donc très semblable au nôtre, à la différence que les Affinités parviennent à la fois à réunir et diviser l’Humanité. Ce paradoxe s’illustre notamment dans l’union qui caractérise les personnages issus des Affinités comme Tau, qui agissent de manière très empathique même lorsqu’ils viennent de se rencontrer, et leur attitude vis-à-vis des « non-Taus », qui va de l’indifférence à l’hostilité complète, comme on peut l’observer dans la fracture entre Adam et sa famille ou les autres personnages qu’il croise et qui n’appartiennent pas à son Affinité, qui devient omniprésente dans sa vie, ce qu’on peut voir dans les nombreuses répétitions de l’adjectif « tau » pour qualifier les autres membres de son Affinité. Ceux qui n’appartiennent pas aux Affinités sont donc d’une certaine manière discriminés par l’entre-soi total qu’elles véhiculent et qui peut évoquer un climat sectaire. Le roman de Robert Charles Wilson confronte donc une Humanité standard à de nouveaux réseaux de coopération, qui forment presque des ethnies possédant le pouvoir de changer le monde (vous avez dit peuple élu ?). La dernière partie des Affinités explore ainsi l’étendue de l’impact de ces groupes sur la société, mais également leurs limites.

 

Le mot de la fin

 

Les Affinités est le deuxième roman de Robert Charles Wilson que j’ai lu. Il y met en scène un monde en proie à une fracture sociale induite par l’apparition de nouveaux groupes sociaux permettant une coopération et une empathie entre individus bien plus efficaces, les Affinités. Les bouleversements, positifs comme négatifs, causés par les Affinités sont dépeints à travers le regard du personnage d’Adam Fisk, dont la vie change brusquement lorsqu’il découvre qu’il fait partie de l’Affinité Tau, qui va devenir sa nouvelle famille et une vision de société utopique, jusqu’à ce qu’elle se fasse rattraper par ses limites et son impact sur le monde. Le personnage d’Adam permet alors au lecteur de vivre les changements de la société à travers son seul vécu, avant, pendant, et après les Affinités.

Vous pouvez également consulter les chroniques de EmOtionS, Lutin, BlackWolf, Lord Arsenik, Le Chien critique, Célindanaé, Yogo, Tachan, Xapur,

7 commentaires sur “Les Affinités, de Robert Charles Wilson

  1. Il y a toujours de bonnes idées chez Wilson mais j’avoue que ce roman est loin d’être mon préféré chez lui. Je lui préfère sa trilogie Spin avec laquelle je l’ai découvert et surtout l’excellentissime Chronolithes que je te recommande si tu ne les as pas lus 😉

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