Interview de S. T. Joshi

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de te proposer une interview de S. T. Joshi, spécialiste mondial de H. P. Lovecraft et entre autres auteur de la biographie Je suis Providence, parue récemment chez ActuSF.

L’article que vous lisez actuellement est la traduction de l’interview originale, que vous pouvez également consulter. Vous pouvez me signaler mes erreurs de traduction en commentaire si vous en voyez, je ne suis absolument pas infaillible et vos commentaires me permettront de m’améliorer !

Je vous rappelle que vous pouvez retrouver toutes les autres interviews en suivant ce tag, mais aussi dans la catégorie « Interview » dans le menu du blog.

Je remercie très chaleureusement S. T. Joshi d’avoir répondu à mes questions, et sur ce, je lui laisse la parole !

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Interview de S. T. Joshi

 

Marc : Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

S. T. Joshi : Je suis S. T. Joshi, né en 1958. Je suis né en Inde mais je suis arrivé aux États-Unis lorsque j’avais 5 ans. Je suis un spécialiste de premier plan sur H. P. Lovecraft et j’ai établi des éditions corrigées de ses recueils de fiction, ainsi que ses essais, sa poésie et ses lettres. J’ai également fait des travaux scientifiques à propos d’autres auteurs de fantastique, comprenant Lord Dunsany, Ambrose Bierce, Arthur Machen et Ramsey Campbell. J’ai également travaillé sur le journaliste américain H. L. Mencken. Parmi mes études biographiques et critiques, on peut citer The Weird Tale (1990), The Modern Weird Tale (2001), I Am Providence: The Life and Times of H. P. Lovecraft (2010), and Unutterable Horror: A History of Supernatural Fiction (2012).

 

Marc : Quand avez-vous découvert H. P. Lovecraft ? Quel a été votre premier contact avec son œuvre ?

S. T. Joshi : Je devais avoir 13 ou 14 ans lorsque j’ai lu Lovecraft pour la première fois. Je suis tombé sur une petite anthologie de poche intitulée 11 Great Horror Stories (1969), éditée par Betty Owen. Elle contenait « L’Abomination de Dunwich ». Je me rappelle de l’atmosphère obsédante de la Nouvelle-Angleterre de cette nouvelle, très différente de ce que je connaissais, puisque ma famille s’était installée dans le Midwest (l’Illinois, et plus tard l’Indiana) des États-Unis. Plus tard, j’ai trouvé les volumes de récits de Lovecraft publiés par Arkham House en bibliothèque, et je suis devenu fasciné à la fois par son œuvre et par sa vie. J’ai étudié à l’Université Brown principalement pour étudier Lovecraft : je savais que ses manuscrits se trouvaient dans la bibliothèque qui s’y trouvait, et je voulais aussi m’imprégner de l’atmosphère de sa ville de naissance, Providence, dans l’état du Rhode Island. Les six années que j’ai passé à Providence ont changé ma vie et on fait de moi l’auteur et le savant que je suis aujourd’hui.

 

Marc : Pourquoi avez-vous décidé d’étudier Lovecraft, ainsi que d’autres auteurs d’horreur du début du 20ème siècle, tels que Ambrose Bierce, Algernon Blackwood, Lord Dunsany or Arthur Machen ?

S. T. Joshi : Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Lovecraft, dans les années 1970, très peu de travaux scientifiques avaient été faits sur lui, mais un nouveau groupe de savants émergeait et l’étudiait de manière bien plus profonde qu’auparavant. Le leader de ce groupe était Dirk W. Mosig, qui était professeur en Georgie. Il est rapidement devenu mon mentor, m’aidant à comprendre la complexité de la fiction de Lovecraft et l’intérêt d’étudier sa vie et sa perspective philosophique. Grâce à Lovecraft lui-même, je me suis intéressé à d’autres auteurs de fantastique qui l’ont influencé, tels que Edgar Allan Poe, Arthur Machen, Lord Dunsany, Algernon Blackwood, et d’autres. J’ai aussi constaté qu’il est extrêmement important de replacer Lovecraft dans le contexte de son époque, à la fois dans l’histoire du fantastique et dans l’histoire politique, culturelle et sociale des États-Unis au cours de sa vie.

 

Marc : Quelle a été votre approche académique de la fiction de Lovecraft et des autres auteurs d’horreur surnaturelle lorsque vous les avez étudiés en tant qu’universitaire ?

S. T. Joshi : À l’université Brown, je n’ai pas largement étudié la littérature anglaise ou américaine. Au lieu de cela, je suis devenu fasciné par les littératures grecque et romaine, mais aussi par l’histoire ancienne et la philosophie. Cet intérêt a été initialement déclenché par Lovecraft lui-même, parce qu’il était attiré par ces domaines, et que je voulais savoir quelle signification ils avaient pour lui. L’étude de la littérature classique repose sur une lecture attentive du texte, appelée lecture attentive, aussi bien que sur le contexte historique dans lequel il a été écrit. J’ai utilisé ces mêmes principes pour étudier Lovecraft et d’autres auteurs, et j’ai toujours trouvé que c’était une bonne manière d’approcher leurs œuvres.

 

Marc : Vous êtes considéré comme un spécialiste du fantastique et de l’horreur. Comment ces littératures sont-elles perçues aux États-Unis ? Comment définiriez-vous le public américain de Lovecraft ? Est-ce qu’il a évolué ?

S. T. Joshi : Pendant des siècles aux États-Unis, le fantastique et l’horreur n’étaient pas considérées comme de la véritable littérature. Ces genres étaient vus comme de la littérature « d’évasion » écrites pour la masse populaire, que l’on distinguait de la littérature du réalisme social et d’autres formes d’art « plus élevées ». Cette attitude était particulièrement répandue à l’époque de Lovecraft, quand les Modernistes ((T. S. Eliot, Ezra Pound, James Joyce, etc.) ont défendu le réalisme et méprisé la fantasy et la fiction surnaturelle. Par conséquent, Lovecraft et d’autres auteurs ont dû faire à un grand nombre de préjugés de la part de ce courant littéraire. Cela s’est aggravé à cause du fait que les récits de Lovecraft ont été premièrement publiés dans des magazines pulps tels que Weird Tales. Mais au cours des dernières décennies, il y a eu une véritable révolution dans notre compréhension de la valeur de ce genre de littérature. La science-fiction est devenue « respectable » en premier, dans les années 1960, et l’horreur et le fantastique l’ont suivie peu après. J’espère que j’ai un peu d’influence en démontrant comment Lovecraft lui-même peut être perçu comme de la « haute » littérature, compte tenu de son attention méticuleuse portée au langage, les conceptions profondes et sous-jacentes de ses récits, ainsi que d’autres facteurs. Dans le même temps, Lovecraft est devenu un auteur immensément populaire, et son œuvre est maintenant adaptée au cinéma, en comics, en jeux-vidéos, et dans beaucoup d’autres médias. Il n’y a pratiquement aucun écrivain dans l’ensemble de la littérature mondiale qui s’adresse à un lectorat aussi divers que Lovecraft.

 

Marc : Comment est-ce que la littérature fantastique est perçue par les universitaires américains ? Comment est-ce qu’ils perçoivent Lovecraft, Dunasy, Blackwood ou Machen ?

S. T. Joshi : Les universitaires américains ont reconnu à contrecœur Lovecraft comme un auteur important, d’une certaine manière. Quand un volume de ses récits est paru dans la Library of America (en 2005), qui publie les auteurs de premier plan dans toute la littérature américaine, la plupart des critiques ont fait bon accueil à son inclusion, mais d’autres se sont plaints que Lovecraft ne méritait pas d’être publié par un éditeur aussi prestigieux. Aujourd’hui encore, on trouve encore des universitaires pour questionner la grandeur d’Edgar Allan Poe, et l’université consacre très peu d’attention Dunsany, Blackwood, ou Machen. Même Ambrose Bierce n’a d’intérêt que pour les universitaires qu’à cause de son implication dans la guerre de Sécession et ses écrits sur ce conflit. Par conséquent, les universitaires américains ont encore du chemin à parcourir avant de pouvoir apprécier la littérature de l’étrange !

 

Marc : Vous avez établi les éditions critiques et définitives de la fiction de Lovecraft. Pourriez-vous décrire la manière dont vous avez procédé pour établir le corpus lovecraftien de ces éditions critiques ?

S. T. Joshi : Lorsque je suis allé à l’université Brown en 1976 et que j’ai commencé à examiner les manuscrits des récits de Lovecraft qui se trouvaient en bibliothèque, j’ai été consterné par l’étendue des erreurs, typographiques et autres, dont étaient remplies les éditions standard d’Arkham House. La formation que je recevais alors en littérature classique m’a fait réaliser que je devais vérifier les sources de ces erreurs en étudiant chaque publication de chaque récit pour déterminer la manière dont ces erreurs s’étaient glissées dans le texte. Cela m’a pris des années pour préparer des éditions corrigées des récits de Lovecraft. Ensuite j’ai contacté Arkham House, et nous nous sommes finalement mis d’accord pour que mes textes servent de base pour de nouvelles éditions, qui sont parues en 3 volumes entre 1984 et 1986. Ces textes ont été utilisés dans beaucoup d’autres éditions, dont ma version annotée chez Penguin, celle de la Library of America, et ailleurs. Récemment j’ai publié Lovecraft’s Complete Fiction: A Variorum Edition, en 4 volumes, dans lequel je donne toutes les variations textuelles des récits de Lovecraft.

 

Marc : Dans Je suis Providence, votre biographie de Lovecraft, vous avez démystifié des légendes à son propos, par exemple son manque de compétence et d’interactions sociales. Est-ce que ces mythes persistent encore aujourd’hui ? Et si oui, pourquoi ?

S. T. Joshi : Lorsque j’ai étudié la vie de Lovecraft, j’ai découvert que certains mythes entourant Lovecraft ont été d’une certaine manière encouragés par l’auteur lui-même. C’était lui qui aimait se penser comme un « vieil homme » écrivant seulement la nuit et dormant le jour, et qui était un « reclus » sortant rarement de chez lui, etc. Je pense que Lovecraft a encouragé ces mythes parce qu’il les trouvait amusants, mais ils ont été saisis par les critiques postérieurs pour le décrire comme un excentrique dont l’œuvre ne méritait pas d’attention. Je trouve que certains de ces mythes sont encore répandus, bien que je croie que beaucoup d’entre eux aient été vaincus définitivement. Et pourtant, c’est difficile de les empêcher de les voir renaître à des endroits inattendus, c’est un peu comme avec les « fake news » !

 

Marc : Comment le public américain perçoit Lovecraft et son œuvre aujourd’hui ? Est-ce que vous diriez que sa personnalité et ses récits sont une source de controverse ? Par exemple, comment est-ce que le public perçoit son racisme, qui peut parfois être vu dans son œuvre ?

S. T. Joshi : Bien que Lovecraft soit populaire aux États-Unis et à travers le monde, et qu’il soit lu de plus en plus largement, la croyance dans le fait que Lovecraft était un « odieux raciste » a un effet dommageable sur sa réputation. Cette croyance est souvent encouragée par des personnes qui ont une faible estime de l’auteur et qui saisissent ce défaut dans son caractère pour discréditer son œuvre dans son ensemble. Ces personnes ne sont pas intéressées par le fait de comprendre véritablement pourquoi Lovecraft avait ces opinions, ou quelles circonstances historiques ou personnelles l’ont mené à les avoir. Elles utilisent simplement le racisme comme un gourdin pour taper sur la tête de Lovecraft. Moi-même, en tant que personne de couleur, je n’ai jamais ressenti comme une insulte le racisme de Lovecraft et j’ai toujours cru qu’il était le résultat malencontreux de son vécu et de la culture dans laquelle il vivait. Son racisme affecte relativement peu ses plus grandes œuvres de fiction.

 

Marc : Quelle est votre récit de Lovecraft favori ? Quel est celui que vous aimez le moins ?

S. T. Joshi : J’ai toujours vu Les Montagnes hallucinées comme sa plus grande œuvre de fiction. Sa conclusion, quand le personnage humain rencontre le monstrueux shoggoth, me frappe comme l’un des passages les plus glaçants de l’histoire de la littérature. Cependant, c’est un texte assez difficile à lire, et un lecteur novice ne devrait peut-être pas commencer avec celui-ci. L’une des nouvelles de Lovecraft que j’aime le moins est « L’Horreur à Red Hook », pas principalement parce que c’est un récit raciste, mais plutôt parce qu’elle mobilise toute sortes de motifs rebattus de la littérature surnaturelle, et parce qu’elle est en fait très confuse et incohérente en tant qu’œuvre.

 

Marc : Comment vous expliquez l’énorme quantité de correspondance que Lovecraft a écrite pendant sa vie, et quel rôle vous lui attribuez dans son œuvre ? Vous écrivez dans Je suis Providence que Lovecraft pourrait être plus connu pour ses lettres à l’avenir que pour sa fiction aujourd’hui. Pourquoi ?

S. T. Joshi : Lovecraft utilisait la correspondance comme une forme de socialisation : c’était sa manière de communiquer avec des personnes qu’il trouvait intéressantes. Il n’y avait simplement pas beaucoup de gens à Providence qui partageaient ses vues ou ses intérêts, et par conséquent il a dû les trouver à travers le pays. Je pense aussi qu’il y avait une part d’autisme en Lovecraft, en cela qu’il semblait incapable de s’empêcher d’écrire des lettres immenses à de relatifs étrangers à propos des aspects les plus intimes de sa vie et de ses croyances. Mais ces lettres, écrites avec panache et une incroyable élégance, sont de discussions tellement fascinantes de philosophie, de littérature, de culture, et de tant d’autres sujets qu’elles en deviennent des œuvres littéraires à part entière. Elles révèlent l’entièreté du caractère et de la pensée de Lovecraft, alors que ses récits et poèmes n’en donnent que certains aspects.

 

Marc : Dans Je suis Providence, vous citez des documents tels que les publications journalistiques amateur de Lovecraft, sa correspondance, mais aussi ses bulletins scolaires et médicaux. Avez-vous eu du mal à trouver ces documents ?

S. T. Joshi : C’est une chance que j’ai étudié Lovecraft pendant environ vingt ans avant de véritablement commencer l’écriture de Je suis Providence. Je l’ai écrit entre 1993 et 1995. Une version abrégée, H. P. Lovecraft: A Life, est paru en 1996, et la version complète a été publiée en 2010. Pendant ces années, j’ai rassemblé beaucoup de documents dont j’avais besoin pour écrire la biographie. Mais tout de même, j’ai dû faire un travail considérable pour retrouver les autres documents. Mais la difficulté majeure n’était en fait pas de trouver les documents, mais de coordonner cet immense corpus d’informations afin de faire un portrait cohérent de Lovecraft depuis le début de sa vie jusqu’à sa fin.

 

Marc : Vous êtes actuellement en train de travailler sur une édition complète des lettres de Lovecraft. Comment vous décririez ce travail ? Que peut nous apprendre la correspondance de Lovecraft sur lui ?

S. T. Joshi : Mon édition de la correspondance de Lovecraft, en collaboration avec David E. Schultz, présentera chaque lettre survivante de Lovecraft dans une forme non-abrégée, et avec des annotations adaptées. Cette édition remplira au moins 25 volumes (il y a peut-être des lettres que je n’ai pas encore trouvées !). Lorsqu’elle sera complète, cette édition présentera le portrait le plus complet possible de Lovecraft en tant qu’homme, écrivain, et penseur. Les volumes sont arrangés de manière à ce que toutes les lettres à un seul correspondant sont présentées dans une séquence, de sorte que le lecteur puisse mesurer le développement de ses relations avec ce correspondant au fil du temps. Il est fascinant de voir comment Lovecraft adaptes ses lettres à ses correspondants, toujours en prenant intérêt à ce qu’ils ont à dire. Chaque lettre donne un peu d’informations dont nous n’avions pas connaissance auparavant, et ce corpus jettera les bases d’une bonne compréhension du reste de son œuvre.

 

Marc : Comment définiriez-vous l’influence de Lovecraft sur la littérature d’horreur, de science-fiction et de fantasy, ainsi que sur d’autres formes d’arts tels que la peinture, avec par exemple H. R. Giger ?

S. T. Joshi : L’influence de Lovecraft sur la littérature ultérieure est immense et grandit continuellement. Initialement, il n’a influencé qu’un petit nombre d’auteurs (beaucoup d’entre eux étaient ses collègues) qui ont écrit des « récits du mythe de Cthulhu », en imitation de ses propres récits. Beaucoup de ces imitations manquaient assez d’imagination et étaient stéréotypées, mais aujourd’hui nous avons des auteurs, de Ramsey Campbell à Caitlín R. Kiernan, en passant par Jonathan Thomas, qui écrivent des récits qui puisent profondément dans l’essence de la fiction lovecraftienne (sa perspective « cosmique », sa fascination pour les paysages étranges, son intérêt pour la dégénérescence, etc.) pour créer des récits qui possèdent une valeur esthétique en tant que tels. L’influence de Lovecraft sur la science-fiction n’a pas encore été bien examinée, mais il a laissé sa marque sur des auteurs tels que Arthur C. Clarke, Philip K. Dick, et d’autres. Aujourd’hui, des éléments lovecraftiens peuvent être trouvés dans beaucoup de films, même ceux qui ne sont pas explicitement des adaptations des récits de Lovecraft. Alien (sorti en 1979 et sur lequel Giger a travaillé) est sans aucun doute l’un des plus puissants films lovecraftiens jamais faits, et bien d’autres peuvent être cités. Lovecraft a effectivement influencé un large éventail de peintres, et a même laissé sa marque sur le heavy metal !

 

Marc : Vous avez publié les anthologies Black Wings of Cthulhu, qui regroupent des récits inspirés par l’œuvre de Lovecraft. Pouvez-vous nous parler de votre processus de sélection de ces récits ? Est-ce que vous aviez ouvert des appels à textes, ou est-ce que des auteurs vous ont contacté ? D’après vous, en quoi les récits de Black Wings of Cthulhu se démarquent des autres textes et auteurs qui descendent de Lovecraft tels qu’August Derleth ? Est-ce que vous avez lu des récits lovecraftiens français ?

S. T. Joshi : En 2008, j’ai écrit un traité intitulé The Rise and Fall of the Cthulhu Mythos, dans lequel j’examinais à la fois les récits de Lovecraft du « mythe de Cthulhu » et ceux d’autres auteurs. Je m’attendais à ce que les œuvres des imitateurs de Lovecraft soient uniformément médiocres, mais à ma grande surprise, j’ai trouvé certains d’entre eux assez bons. J’avais à l’époque pris contact avec les principaux auteurs de littérature fantastique et horrifique, y compris Caitlín R. Kiernan et Ramsey Campbell. Ensuite, j’ai contacté 20 d’entre eux et je leur ai demandé d’écrire des récits « lovecraftiens ». Pas des nouvelles imitant mécaniquement celles de Lovecraft, mais qui utilisaient les conceptions présentes chez lui comment un tremplin pour des récits qui exprimaient le point de vue de l’auteur. J’ai été extrêmement satisfait de recevoir des nouvelles exceptionnelles de Kiernan, Jonathan Thomas, Laird Barron, W. H. Pugmire, et de beaucoup d’autres pour le premier volume de Black Wings. Je ne souhaitais pas avoir une politique de soumissions ouvertes, parce que je ne voulais pas lire des centaines de textes d’auteurs que je ne connaissais pas. À la place, j’ai spécifiquement demandé à des écrivains de m’envoyer une contribution. Au fil des ans j’ai étendu mes contacts pour inclure des auteurs tels que Steve Rasnic Tem, Nancy Kilpatrick, John Reppion, et beaucoup d’autres. Après six volumes d’anthologies Black Wings, je fais une petite pause, mais j’ai fini d’éditer une anthologie intitulée His Own Most Fantastic Creation, qui inclut des récits prenant Lovecraft ou une figure lui ressemblant en tant que personnage. Ce volume sortira en 2020 chez PS Publishing.

 

Marc : Est-ce que vous avez des anecdotes concernant vos recherches sur Lovecraft ou d’autres auteurs d’horreur ? Quels sont meilleurs souvenirs en tant qu’universitaire ?

S. T. Joshi : Beaucoup de gens sont surpris de voir combien j’ai fait au fil des ans, avec plusieurs éditions des écrits de Lovecraft et d’autres auteurs, des études critiques et biographiques, des essais, des revues, etc, mais une grande partie du travail de base de cette édition a été fait tôt dans ma carrière. Lorsque je poursuivais un doctorat à Princeton entre 1982 et 1984, j’ai trouvé que la bibliothèque de l’université contenait un grand nombre de périodiques britanniques et américains, et j’ai donc photocopié une énorme quantité de récits, d’essais et d’autres œuvres de Machen, Dunsany, et d’autres auteurs. Lorsque je travaillais pour une maison d’édition à New York, Chelsea House, entre 1984 et 1995, j’ai souvent fait des recherches personnelles « sur le temps de l’entreprise », en allant à la New York Public Library pour chercher des documents relatifs à Ambrose Bierce, au poète George Sterling, et d’autres auteurs. Parfois la recherche reste en sommeil dans mes dossiers pendant des décennies, jusqu’à ce que je trouve soudainement l’opportunité d’en faire usage. Cela explique pourquoi je semble capable d’écrire un ouvrage dans un laps de temps assez court. En fait, je préfère faire les recherches pour un volume plus que l’écriture proprement dite du même volume. Je suis extrêmement chanceux de pouvoir faire ce travail à temps plein. Je fais en effet exactement ce que je veux faire dans ma vie.

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