Le Dieu oiseau, d’Aurélie Wellenstein

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman de Dark Fantasy d’une autrice dont j’apprécie la plume.

Le Dieu Oiseau, d’Aurélie Wellenstein


Introduction

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Pocket Imaginaire. Je remercie chaleureusement Laure Peduzzi pour l’envoi du roman !

Aurélie Wellenstein est une autrice de science-fiction et de Fantasy française née en 1980. Ses romans sont souvent marqués par une ambiance sombre et une cruauté marquée envers leurs personnages, ce qu’on peut par exemple observer dans Le Roi des fauves paru en 2015 chez Scrinéo, et avec lequel j’ai découvert l’autrice.

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui, Le Dieu oiseau, a été publié en 2018 aux éditions Scrinéo, et a été repris en 2020 au format poche par la collection Imaginaire des éditions Pocket.

En voici la quatrième de couverture :

« Une île. Dix clans. Tous les dix ans, une compétition détermine quel clan va dominer l’île pour la décennie à venir. Les perdants subiront la tradition du « banquet » : une journée d’orgie où les vainqueurs peuvent disposer de leurs adversaires. Il y a dix ans, Faolan, fils d’un chef du clan déchu, a assisté au massacre de sa famille. Sauvé par le fils du chef victorieux, Torok, il est depuis lors son esclave et doit subir ses fantaisies perverses. Enfin la nouvelle compétition est sur le point de commencer. L’occasion tant attendue par Faolan pour prendre sa revanche. Aura-t-elle le goût du sang ? »

Mon analyse du roman s’intéressera d’abord à la violence déployée par le roman, notamment dans son aspect sociétal, avant de traiter plus particulièrement du personnage de Faolan.


L’Analyse


Dark Fantasy, violence rituelle


Aurélie Wellenstein décrit dans Le Dieu Oiseau un univers sombre et violent. Génériquement, il s’agit de Dark Fantasy d’inspiration native américaine, ce qu’on peut déduire à travers les descriptions des rituels, de la religion et des bâtiments, tels que des pyramides, des dieux à formes animales, et des figures totems attribuées à chaque camp (les huîtres, les vautours…) mais également des sacrifices humains très codifiés. L’autrice décrit des scènes extrêmement violentes, avec entre autres de la torture, des sacrifices humains, du cannibalisme, des démembrements… Je ne recommanderais donc pas le roman aux âmes les plus sensibles., d’autant que ces scènes sont décrites de manière crue et du point de vue des victimes des violences ou de ceux qui les observent, ce qui leur donne un aspect horrifique assez marqué.

Cet aspect horrifique se trouve renforcé par le fait qu’on suive un personnage, Faolan, ravagé par les violences qu’il a subies, mais également par celles qu’il perpètre de plus en plus, à mesure qu’il passe de l’état de victime à celui de bourreau. A travers le regard du même personnage, l’autrice montre donc l’aspect ambivalent de la violence qui peut être endurée mais également utilisée, ce qui marque le passage de Faolan de personnage passif à personnage actif, mais également la brutalité du monde décrit dans le roman.  

La société décrite par Aurélie Wellenstein est ainsi fondée sur une violence socialement et religieusement ritualisée. En effet, tous les dix ans, les différents clans de l’île doivent désigner un champion au moyen d’épreuves mortelles, afin qu’il participe à une quête sur l’île du dieu Mahoké. Avant de partir sur l’île, le champion désigne un sacrifice, dont il dévore le cœur (oui oui) au cours d’un sacrifice rituel.  Cette quête consiste à récupérer un artefact, « l’Œuf d’or », qui éloigne les Ténèbres, c’est-à-dire la désolation et la famine, de l’île et permet à ses occupants de survivre. Lors de cette compétition, les champions peuvent s’entretuer, à la loyale ou non, lors de combats ou en utilisant des pièges plus ou moins ignobles, comme en témoigne le fait que certains d’entre eux voient leur crâne rongé par des vers, par exemple.

Le champion victorieux, qui ramène l’Œuf d’or fait de son clan la puissance dominante de l’île pour les dix prochaines années, ce qui leur permet d’imposer un impôt et de s’accaparer les ressources des autres clans, telles que le bétail et l’agriculture, en plus de pouvoir réduire en esclavage des membres des autres tribus. Le champion qui ramène l’Œuf d’or organise également un banquet sanglant, au cours duquel son clan se repaît littéralement des tribus perdantes, puisqu’il organise des massacres dans la population des autres clans, dont les membres sont torturés avant d’être cuits et dévorés, les différentes parties de leurs corps distribuées aux vainqueurs. Ces banquets suscitent alors la crainte et attisent les haines à l’intérieur des clans, à cause des traumatismes qu’ils engendrent, puisque des enfants voient leurs familles se faire massacrer sans rien pouvoir faire et cherchent à se venger. Les objectifs de Faolan, d’Aracela, et d’Izel, dont les familles se sont faites massacrer et dévorer lors du banquet qui précède la diégèse, décrit en détail au cours d’analepses.  

La ritualisation de la violence, mais également sa perpétuation, légitimée par la religion, enferme ainsi la population de l’île dans un cycle perpétuel qui aliène ses habitants, et les conduit à perpétrer toujours plus d’horreurs, notamment parce qu’ils cherchent à se venger, comme en témoigne l’exemple de Faolan, qui veut venger son clan massacré par la famille de son maître, Torok, afin de faire lui endurer les souffrances qu’il a subies.

On peut également noter que la violence autour de la quête dépossède la population de l’île de son histoire, puisqu’elle est légitimée par un motif religieux. En effet, le culte du dieu oiseau justifie la misère dans laquelle vit le peuple de l’île par une faute originelle qui aurait supposément offensé les dieux, qui les auraient chassés de l’île aux oiseaux pour les condamner à une vie plus rude (Qui a parlé du Jardin d’Eden ?). Les épreuves de la Quête, mais également le banquet, ont alors pour but d’expier ce péché originel dans le sang. Aurélie Wellenstein traite alors de l’enfermement d’une société dans une violence religieuse et cyclique, institutionalisée par les prêtres de Mahoke, qui organisent les rituels et garantissent leur bon déroulement. L’autrice met donc en scène le cloisonnement d’une société totalement aliénée par ses rites religieux et la violence qu’ils entraînent.

Faolan, victime, bourreau



Le Dieu oiseau nous fait suivre Faolan, dont la famille a été massacrée lors du dernier banquet, dix ans auparavant. Il a cependant survécu, bien malgré lui, parce que Torok, fils du champion vainqueur, a décidé de faire de lui son esclave, mais également la victime de son sadisme. Depuis lors, Faolan a enduré des violences et des tortures, puisqu’il s’est fait battre, fouetter, séquestrer, intoxiquer, et manipuler par son maître, complètement sadique et avide de violence. Il apparaît donc comme un personnage profondément traumatisé, triplement aliéné par son passé, avec premièrement une enfance heureuse et brisée par le banquet qu’il essaie d’effacer, les violences que Torok lui fait subir, et sa santé mentale, qui se dégrade continuellement. Il se détache alors de ses émotions pour ne plus subir les sévices de front, mais cela le conduit à une insensibilité dangereuse, qui le conduit progressivement au sadisme et à la résurgence de ses traumatismes. Sans rentrer dans les détails, Faolan est littéralement hanté par son passé et par ses actes et souffre de visions qui le détruisent peu à peu.

C’est donc un personnage brisé, qui cherche à se venger de son maître et de son clan en ramenant l’Œuf d’or pour organiser un banquet lors duquel il massacrerait ses ennemis. Par sa vengeance, Faolan cherche également à dépasser son maître en participant et en remportant la quête à sa place, mais aussi à le surpasser dans la violence. Son désir de liberté est alors associé à un désir de vengeance sanglante, puisqu’après avoir été torturé pendant de longues années, il prend plaisir à infliger des sévices à ses adversaires, comme en témoignent plusieurs descriptions qui montrent la naissance et l’affirmation de penchants sadiques.

On peut affirmer que ces pulsions naissent sous l’influence de Torok, qui a en grande partie brisé son esprit, lui a donné goût à l’usage de la violence, mais aussi à cause d’un processus d’identification à son maître. La quête de liberté de Faolan est donc en grande partie entravée par l’influence néfaste de son tortionnaire, même après la mort de celui-ci. Sans rentrer dans les détails, on l’observe lorsque Faolan se trouve sur l’île aux oiseaux pendant la quête.

Le roman d’Aurelie Wellenstein dépeint alors une tension individuelle, mais aussi sociale, entre la perpétuation de la violence et la possibilité de liberté. En effet, Faolan (et les autres champions, d’une certaine manière) dispose du pouvoir d’interrompre le cycle de la violence entre les clans, et celui de le continuer, grâce au pouvoir décisionnel qu’il acquiert grâce à l’ Œuf d’or, qui lui confère une autorité politique qui égale même celles des prêtres du dieu oiseau. Les dialogues entre les champions et la fin du récit le montrent, puisque les personnages s’interrogent sur la nécessité de se venger des clans qui les ont opprimés, et la possibilité d’instaurer une paix durable sur l’île, comme on le remarque lorsque Faolan affronte Quetzal.  Cette tension se remarque également dans les interactions entre Faolan et les autres personnages, notamment Izel et Aracela, constamment placées sous le signe d’une ambiguïté et d’une dérivation possible vers le meurtre.

On peut d’ailleurs noter que ces deux personnages représentent deux possibilités de rédemption pour le personnage, Aracela parce qu’elle appartient au même clan que lui, et qu’à travers elle, il pourrait le réintégrer, et Izel, parce qu’elle témoigne d’une possible paix relationnelle pour le personnage, ce qui lui permettrait de dépasser la relation profondément toxique qu’il a entretenues avec Torok. Les personnages secondaires sont également développés, notamment Izel et Aracela, qui sont chacune individualisées, avec des objectifs qui leur sont propres.

Le mot de la fin



Le Dieu oiseau est un roman de Dark Fantasy dans lequel Aurélie Wellenstein décrit une société rongée par un cycle de violence religieuse institutionnalisée, qui conduit des clans vivant sur une île à s’entretuer pour littéralement s’entredévorer.

Le récit montre comment Faolan, victime de son maître et tortionnaire Torok, se heurte à ce système de violence, qui le brise et le remodèle en un personnage capable d’interroger la manière dont il est possible de s’en libérer.

Vous pouvez également consulter les chroniques d’Amanda, Boudicca, Aelinel, Blackwolf, Dup, Elhyandra, Tachan, Dreambookeuse, Yuyine

11 commentaires sur “Le Dieu oiseau, d’Aurélie Wellenstein

  1. J’avais entendu parler de ce livre et je savais que l’autrice n’était pas une tendre avec ses personnages, mais c’est pire que ce que je pensais, haha ! Mais je vais quand même tenter le coup, ça semble en valoir la peine.
    Chouette blog en tout cas ! Je vais rester un peu dans le coin si tu permets 🙂

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