Interview de Morgan of Glencoe – 2

Interview de Morgan Of Glencoe – 2


Marc : Même si c’est la deuxième fois que tu passes par ici, peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaîtraient pas ?

Morgan of Glencoe : Bien sûr ! Demàt, moi c’est Morgan of Glencoe, phoque stellaire à paillettes de mon état, Bretonne ascendant sauvage, et accessoirement autrice-compostrice-concertiste-streameuse parce qu’avoir un seul boulot c’est pas assez pour mon cerveau, je crois. Sinon je suis accro au thé, j’ai 2 chatons trop mignons pour leur propre bien et je suis une indécrottable rôliste. Viendez me voir sur Twitch je fais l’émission la plus douce et destressante du Twitchgame France : je joue de la harpe celtique en buvant du thé et en câlinant des chatons.


Marc : As-tu toujours voulu devenir écrivaine ? Qu’est-ce qui t’a amenée à l’écriture, et aux genres de l’imaginaire en particulier ?

Morgan of Glencoe : À dire vrai, j’ai tout simplement toujours écrit. À partir du moment où j’ai su écrire une phrase complète, j’ai écrit des histoires. Et avant, je contais des histoires. Je viens d’une tradition où le conte, le mythe ont une très grande place… Oui bon, je viens de la forêt de Brocéliande, quoi ! Quand à l’imaginaire… Un jour, j’avais plus rien à lire et j’ai emprunté le Seigneur des Anneaux à la bibliothèque du village. Et j’étais fichue, ok ? Voilà. Et ensuite j’ai rencontré Elfquest et j’étais encore plus fichue, et puis à la Croisée des Mondes et ça s’est emballé. Et ensuite, j’ai rencontré le JDR et là… Là, j’étais définitivement perdu pour la littérature générale.


Marc : Tu es aussi une grande amatrice de jeux de mots, ayant même détrôné un certain Alex Nikolavitch aux Utopiales. Pourquoi est-ce que tu aimes les jeux de mots ?

Morgan of Glencoe : Oh oui, j’aime les jeux de mots d’amour !!! J’ai ma ceinture officielle de champion.ne des auteurices français.e de jeux de mots & calembours, c’est très officiel cette bêtise XD

Pourquoi ? En vrai… parce que c’est la seule catégorie d’humour qui ne fait de mal à personne, ou alors faut vraiment, vraiment chercher à faire du mal à quelqu’un. Enfant, j’avais énormément de mal à comprendre l’humour de la plupart des gens. Moi, je voyais quelqu’un se faire mal ou se prendre une enclume sur la tête, je riais pas… je pleurais. Autant dire que l’humour Tom & Jerry, pour moi, c’était terrifiant. Et quand en grandissant j’ai commencé à avoir droit aux blagues sexistes, racistes, validistes, et prétendument « un peu vraies quand même, heeeein mais c’est pour rire » ben… ça m’a toujours laissæ de marbre. Je veux dire, les gens sont des gens ! Se moquer des puissants en haut de leur trône, qui ne sont toujours assis que sur leur cul, je veux bien, mais… mais des gens qui souffrent déjà au quotidien, qu’on n’écoute pas et qu’on décrédibilise sans cesse ? Pas mon plan, non. Pas avec moi. Je suis pas des gens qui tirent sur l’ambulance. Peut-être que j’ai « pas » d’humour, en tout cas, j’ai pas l’humour qui se moque des gens qui souffrent. Et j’ai souffert qu’on utilise l’argument de l’humour « pas/mal compris » pour me harceler, m’ôter toute légitimité d’être et d’exister, et me réduire à moins que rien. L’humour, il a servi à m’exclure pendant des années. Je refuse de faire subir ça à qui que ce soit. Parce que non seulement on vous tape dessus, mais en plus on prétend que c’est faux et on vous ôte le droit de répondre coup pour coup.

Alors j’ai les jeux de mots. C’est tellement plus puissant, et plus drôle ! Déjà parce que le jeu de mot, tu peux l’expliquer qu’il est encore drôle. Même, des fois, l’expliquer et voir l’autre comprendre d’un coup et avoir cette lueur de fierté dans les yeux qui hurle « j’ai compris ! » c’est tellement rigolo et jouissif à la fois ! Et ça prend pas les gens de haut, parce que se faire expliquer un jeu de mot, ça arrive à tout le monde, tout le temps, et au pire, quoi ? On apprend un nouveau mot, et c’est encore plus chouette ! En plus, c’est justement reprendre le pouvoir sur une langue dont trop de gens se trouvent dépossédés, faute de moyens dans les écoles, faute de possibilité culturelles, faute de tant de choses… Rire avec le jeu de mot, c’est retrouver le goût de sa propre langue, et se ré-émerveiller des infinies possibilités qu’elle nous offre d’exprimer nos pensées, nos rêves, nos émotions… J’aime le jeu de mot parce qu’il nous force à réfléchir, parce qu’il nous défie à écouter les choses sous un angle nouveau, parce qu’il inclut tout le monde dans l’éclat de rire qui le suit, et que si quelqu’un n’a pas eu le temps ou la possibilité de comprendre, on peut encore lui expliquer sans le rabaisser ou l’humilier… et il pourrait bien nous prendre à revers à la prochaine phrase, en plus !


Marc : Lors de notre dernière interview, seul Dans l’ombre de Paris, premier tome de ta pentalogie La Dernière Geste, était paru. Deux ans plus tard, les deux volumes suivants, L’Héritage du rail et Ordalie, sont sortis. Comment s’est déroulée l’écriture de ces deux romans ? Est-ce que tu as des anecdotes à partager ? Comment s’est déroulé leur processus éditorial ?

Morgan of Glencoe : Alors. Principalement, l’écriture s’est déroulée avec mon chat Tygra sur les genoux. C’est le plus âgé de mes bébés chatons, il a 10 ans, et plus ça va, plus il est pot de glue. Donc j’ai écris la moitié de Dans l’Ombre de Paris avec lui sur moi, dans diverses positions mais la favorite est le « panier de jambes » aka moi assise en tailleur sur mon fauteuil de bureau et lui lové au milieu, et pour L’Héritage et Ordalie on est sur les 3/4 de l’écriture avec gluage félin.

Aussi, ce n’est qu’avec la sortie d’Ordalie que mon avance d’écriture s’est achevée. Quand j’ai sorti Dans l’Ombre de Paris, j’étais en train de corriger l’Héritage du Rail. Quand j’ai sorti l’Héritage, j’avais 2/3 d’Ordalie. Quand j’ai sorti Ordalie… j’avais 1/10 de Lys de Guerre. Il faut dire que les tomes grossissent : 800 000 signes pour DOP, 830 000 pour HDR, 925 000 pour ODL… vous le voyez arriver, le million ? Parce que moi oui, et vitesse grand V encore ! Plus ça va, plus c’est complexe, mine de rien !


Marc : Il y a deux ans, tu disais que Dans l’ombre de Paris et L’Héritage du rail constituaient la première
partie de La Dernière Geste, tandis qu’Ordalie en est la deuxième, avant la conclusion des deux derniers tomes. Est-ce que ta pentalogie est toujours structurée de cette manière à l’heure actuelle ? Pourquoi proposer un pivot narratif en un seul volume ?

Morgan of Glencoe : Heu, sans doute parce que ça me semblait narrativement cohérent XD Et donc oui, c’est toujours structuré pareil, j’ai fini chacun de mes tomes exactement où j’avais prévu de les finir dans la trame narrative générale sur laquelle je me base. Et puis, Ordalie est le chant qui possède un contrechant, donc il n’est pas vraiment « en un seul volume ». Disons qu’il y a Ordalie, le tome de Yuri, et le contrechant (qui n’a qu’un working title pour le moment maiiiiis qui est beaucoup plus avancé que Lys de Guerre, oups !) qui est le tome de Bran.

Il était aussi question d’un contrechant, est-ce que c’est toujours d’actualité ? Maintenant qu’on en sait plus sur l’univers et les événements de ton récit, est-ce qu’il s’agira de raconter l’initiation de Bran en tant que Barde ?

Oooooh que oui !!! Je travaille dessus en parallèle des autres tomes. Et oui oui, il s’agit tout à la fois du préquel de Bran et de son initiation en tant que Barde, ce qui fait qu’on a à la fois une rétrospective de sa vie via plusieurs points de vue, et en gros ce qu’elle fiche pendant Ordalie, parce que bon… elle vous a pas un peu manqué ? Parce qu’à moi, oui. Beaucoup. Et je vais bieeeeen me rattraper dans son contrechant et dans Lys de Guerre, croyez-moi.


Marc : Dans L’Héritage du rail, tu décris une Aeling incapable de voler, Stikine, à laquelle Pyro fabrique des ailes prothétiques. Pourquoi décrire un personnage surnaturel blessé et réparé par la technologie ?

Morgan of Glencoe : Dans le monde de La Dernière Geste, les fées ne sont pas considérées comme « surnaturelles », enfin, pas dans le sens où nous l’entendrions. Mais la réponse est heureusement décorrellée de cet aspect : parce que les choses se réparent, et parce que les gens ont le pouvoir de guérir. Stikine, c’est un animal de laboratoire. Elle a connu, comme Bran, ce que l’humain peut faire subir de pire à un être vivant. Mais ça ne lui interdit pas de connaître le reste : le plaisir, avec Alcyone, l’aide désintéressée de Pyro et de Ren, et la fondation d’une famille avec Gôshi Mayo, même sans relation amoureuse, juste dans l’éducation de Jin.

En fait, l’Héritage du Rail c’est un tome sur le deuil, la guérison, l’abandon des croyances de l’enfance et le passage à l’âge adulte. Et Stikine, c’est typiquement ce personnage que la vie a physiquement démoli. Enfin, on parle de quelqu’un qui n’a qu’une jambe, que 8 doigts pas tous complets, le visage à moitié cramé au vitriol, un oeil en moins, et qui n’a renoncé à rien, pas même au ciel. Et quand Pyro lui rend le ciel, avec ses ailes mécaniques, c’est pas juste à elle qu’il rend le ciel : c’est au ciel qu’il rend Stikine, parce que le ciel avait besoin d’elle. Que ses ailes soient mécaniques ou naturelles, quelle importance ?

Parce que le monde avait besoin d’elle. Et avait besoin que Pyro se souvienne de qui il était.

La magie de la Dernière Geste, ce n’est pas les pouvoirs élémentaires des fées, les Bardes qui Voyagent ou les Dragons qui rêvent et dansent. La vraie magie, c’est tous ces gens qui font de leur mieux.

Et si le mieux, à ce moment-là, c’est de faire des ailes à un oiseau qui les a perdues… alors, c’est ça, la magie de la Dernière Geste.

Aussi, je veux rappeler que la technologie, ce n’est pas mal, ce n’est pas opposé à la magie, bien au contraire. À un certain degré de technique ou de technologie, ça devient de la magie. Quand mes doigts dansent sur ma harpe, pour plein de gens, c’est de la magie, ce que je fais. Mais cette magie, c’est la technique acquise par 6000 ans d’expérimentations de lutherie et des heures et des heures de travail passionné et attentif de ma part.

Je vois beaucoup de fictions qui essaient d’opposer technologie et magie, ou nature et technologie, souvent pour dire que la technologie, c’est mal, et que la science, ça casse l’émerveillement. Pour moi, c’est tout l’inverse, et j’espère l’exprimer dans la Dernière Geste : c’est pas pour rien que la nation de la techno, c’est Keltia ! Parce que la technologie, c’est un outil, et un outil n’est ni bien, ni mal : il est ce qu’on en fait. Si vous avez un marteau, vous pouvez l’utiliser pour éclater la tête de votre voisin, ou pour bâtir une maison. Mais ce n’est pas du fait du marteau.

Stikine, c’est aussi se rappeler que la technologie, elle sert au quotidien à des millions de personnes handicapées pour vivre dignement, pour retrouver ou conserver l’autonomie, pour moins souffrir quand leur corps les lâchent, et ça me gonfle un peu qu’on leur dise dans la fiction que la tech, c’est mal. Parce que c’est pas vrai, en fait.

La technologie, c’est comme la culture, la tradition, l’éducation : c’est ce qu’on en fait qui compte. Si on s’en sert comme armes, alors la technologie, la culture, la tradition, l’éducation peuvent tuer, y compris en poussant au suicide. Si on s’en sert pour construire, alors… alors on ouvre l’infini des possibles à la vie.

Ça nécessite de la prudence, pour ne pas tomber du ciel, de l’attention au monde autour de soi. Mais au bout du compte… ça peut devenir magique.


Marc : Avec le personnage de « læ Pendragon » du conseil de Keltia, tu mets en scène une personne intersexe. Pourquoi utiliser les accords en « æ » ? Est-ce que tu as eu recours au sensivity reading lors de l’écriture de ce personnage ?

Morgan of Glencoe : Heu, non. J’en avais pas besoin pour ellui, vu que c’est… mes pronoms et mes accords préférés à moi ? Donc je pense être suffisamment concernæ par le sujet XD Et pourquoi les accords en « æ » ? ah. Parce qu’ils me plaisent. Utiliser le æ pour « é », je l’ai rencontré pour la première fois de façon récurrente et intensive dans Les Royaumes du Nord, qui est sorti en France en 1998, donc ça remonte ! Je venais de finir le SDA, j’avais à l’époque enchaîné avec Pullman. J’ai toujours trouvé ça très esthétique et très facile. D’ailleurs, læ Pendragon n’est pas mon seul personnage genræ au neutre strict et brutal… Mika, mon personnage de JDR actual play, que j’incarne donc quand même une fois par mois en public sur ma chaîne Twitch, est genræ tout pareil depuis la première session, en iel/ellui, et tout le monde s’y est très bien fait. Si vous avez envie d’apprendre à genrer au neutre sans stresser, venez regarder quelques émissions et vous verrez que ça passe sans aucun problème, juste un petit temps d’adaptation…

En revanche, j’ai deux sensitive readers pour Kimiya, car faire une représentation adéquate des personnes Noires me tient très à coeur. J’ai osé ma première héroïne Noire dans La Piste des Oiseaux, mais sans faire plus qu’effleurer rapidement le sujet. Avec Kimiya, j’ose quand même quelque chose de beaucoup plus complexe pour moi puisqu’il y a toute une dimension très « corporelle » de par son métier, et je ne veux pas verser dans la sexualisation ou l’exotisme voyeur. Mais apparemment, je m’en tire bien, parce que je me concentre toujours sur elle, Kimiya, quand je l’écris. Sur ses forces, ses faiblesses, sa personne. J’aime très très fort ce personnage. Mais bon, j’aime très très fort tous mes personnages !


Marc :À travers l’exemple d’Alcyone qui éduque ses deux renards-garous, Arkhip et Tasha, tu montres l’importance de l’éducation au consentement. Pourquoi aborder cette question de cette manière ?

Morgan of Glencoe : Parce que c’est là que ça se fait ! Et que si une isatis-garou pot de glue et hyperactive y arrive, alors y’a pas d’excuse, à un moment. Le consentement, c’est pas une option, mais c’est un apprentissage, oui. Et non, c’est pas compliqué ! Ça demande juste de pas être fragile au point de prendre le moindre non comme une attaque personnelle castratrice, mais juste comme un… non ? Ok, on passe à autre chose, fin, y’a pas drama faut arrêter.

Mais pareil, faut mettre son ego de côté, ne pas considérer l’autre comme un objet acquis, accepter la frustration, refuser de céder au fantasme… prêter attention à la personne, autant qu’à soi-même.

Je sais pas si vous vous rendez compte qu’on est capable d’éduquer nos animaux domestiques, dont on ne parle que des bribes de langue et encore pas toujours, au respect du consentement, mais pas nos propres… garçons ? (parce que c’est souvent chez les gars que ça pêche, hein, en très large majorité… oui y’a des contre-exemples mais quand on a des stats avec 80-90% de la violence commise par le même genre, faut aller chercher du côté de l’éducation quand même…)

J’ai réussi à l’apprendre à mes chats, le consentement. Je vois pas pourquoi y’a des humains qui ont du mal, si j’arrive à l’apprendre à mes chats. Est-ce que ça veut dire que Tygra et Katara sont plus intelligent.e.s que des humains ? Je veux dire c’est même le comportement attendu et normal des propriétaires de chiens, du moins de catégories 1 et 2, que de leur apprendre à respecter le consentement, aka on saute pas sur les gens pour leur faire des câlins s’ils veulent pas ! Pourquoi on n’attend pas ça des humains ? En quoi c’est si anormal ? Je comprends pas. Ça me dépasse.

Mais du coup Alcyone éduque bien ses enfants-renards. Al est un formidable papa-renard-Aeling. Et puis, Levana lui avait fait une bonne piqûre de rappel dans le tome 2… parce qu’on peut être un formidable papa-renard-Aeling et un peu un boulet des fois.


Marc : Le personnage de Louis-Philippe, nouveau roi de France, apparaît comme un parangon de narcissisme et de toxicité, puisqu’il projette l’échec de ses fantasmes sur les autres. Pourquoi mettre en scène un personnage si imbu de lui-même et si dangereux pour certaines catégories de la population, notamment les femmes ?

Morgan of Glencoe : Parce que ces gens-là existent dans la vraie vie, qu’ils font beaucoup de mal à tout le monde, les autres comme eux-mêmes, et qu’en plus ils sont victimes de leur propre mythe : chaque fois que la réalité ne se conforme pas à leur fantasme intérieur, ils essaient de déformer la réalité pour la faire correspondre à leur fantasme plutôt que de se remettre en question.

Tous les personnages de LDG ont une ou plusieurs inspirations réelles, et Louis-Philippe ne fait pas du tout exception à la règle. Des Louis-Philippe, j’en croise à la pelle au quotidien, et je trouve ça tragique. La plupart du temps, ce sont des mecs, cis, blancs, het, valides, aisés, qui croient encore qu’ils sont là où ils sont grâce à leur mérite, et pas parce qu’ils partaient avec un sacré avantage de base dans la vie quand même. Et qui se pâment devant leur propre ego du haut de monts Dunning-Kruger de la taille de l’Everest, quand leurs connaissances réelles râclent le fond de la fosse des Mariannes, mais comme on leur a érigé leur avis comme une réalité omnisciente… y’a rien à faire, autant causer à un mur.

Le souci c’est qu’il y en a qui vont jusqu’à tuer des gens, souvent des femmes d’ailleurs, pour « rétablir » ce qu’ils prennent pour la réalité.

Louis-Philippe, c’est probablement le personnage de LDG que vous avez le plus de chances de croiser dans la vraie vie, en quasi-identique minus la couronne sur la tête… Et c’est un peu triste, je trouve.


Marc : Keltia apparaît comme une utopie aux yeux de certains personnages, notamment Yuri, devenue Sir Lily, mais aussi Pyro. Pourtant, tu montres ses limites, notamment dans le fait qu’elle ne peut et ne cherche pas à imposer ses idées par une stratégie expansionniste, mais aussi le fait que sa construction a nécessité une éducation et une déconstruction sur plusieurs générations. Pourquoi montrer les limites de Keltia ? Est-ce que tu voulais en faire une forme d’idéal situé, mais pas nécessairement accessible ? Pourquoi montrer le difficile maintien d’une société égalitaire ?

Morgan of Glencoe : Parce que j’en ai marre que les gens croient que la bienveillance, c’est la solution de facilité. C’est tout l’inverse. Il est infiniment plus difficile de rester gentil, bienveillant et tolérant que de se complaire dans le cynisme et la fausse maturité du désabusement, sans parler des oeillères bien pratiques de l’intolérance, que trop de gens ne sont même pas conscients de porter… Être bienveillant, cultiver la bienveillance, c’est un choix, un choix conscient qui ne doit rien à la naïveté, à la candeur ou à la lâcheté, et tout à la résilience, au courage et à la conscience, justement, que sans ça l’Humanité fonce droit dans le mur.

C’est facile d’être Trump, c’est facile d’être Louis-Philippe, tant que la réalité ne vient pas fracasser nos petites oeillères de privilégié. C’est facile de mépriser, de balayer l’autre d’un revers de main, d’un « tu es naïf », de continuer de croire que ce qu’on a, on l’a mérité, et que si quelqu’un ne réussit pas comme nous, c’est qu’il n’a pas fait assez d’efforts, et tant pis s’il a dû surmonter dix fois plus d’obstacles, quels obstacles, après tout, nous on les vois pas, donc il exagère, ce fainéant ! C’est infiniment plus difficile d’être Trente-Chênes ou Sir Edward, ou même Yuri, qui essaie, qui apprend, qui échoue parfois, réussit souvent. De considérer les gens comme des gens, les personnes comme des personnes, de lutter chaque jour contre ses biais, contre ses préjugés, même inconscients, de garder sa boussole morale quand on nous crache à la gueule qu’on est des bisounours…

On me dit souvent : « the world is unfair, deal with it. »

Je réponds toujours : « I know, and I won’t. »

Je ne « deale » pas avec l’injustice. Je peux dealer avec l’inégalité, avec l’inéquité, avec la différence, avec le conflit, avec le débat, avec la croyance. Pas avec l’injustice, ni plus qu’avec l’intolérance.

Et c’est ça, Keltia. Une société qui refuse l’injustice, et qui considère les gens comme des gens, les personnes comme des personnes, qui équilibre le collectif et l’individuel et réajuste en continu son système, sa balance, et au besoin, ses valeurs, vers mieux, vers plus. Peut-être que c’est mon rêve, ça c’est vrai. Mais mon rêve n’est pas une utopie. Mon rêve est une société juste, imparfaite peut-être, et qui nécessite de la part de tous des efforts, des vrais, une éducation différente aussi, un changement infiniment plus profond que ce que nous proposent nos politicards à grand coup de poudre aux yeux et de mépris de classe.

Il y a trop de gens qui refusent de faire des efforts, simplement parce que ça les saoule de respecter les autres. Mes modos en ont viré un de mon discord pas plus tard que cette semaine. Le gars disait que c’était trop compliqué de respecter les pronoms et les handicaps des autres membres du serveur. Les pronoms, ils sont écrits dans les pseudos, donc ça demande… de savoir lire. Wahou, mais quel effort intense. Les handicaps… il croit que les gens peuvent les poser de côté le temps de lui parler ? Qu’ils peuvent se refaire pousser une jambe ou les poumons, s’acheter de nouvelles oreilles, effacer leur TDAH ? C’est pas bien compliqué de pas faire de sous-entendus quand on parle à une personne autiste en fait, ça demande juste de l’attention. Ah, mais « faire attention », ce truc de faible, de fragile, de gonzesse… Faire attention à l’autre. Oui c’est un effort, oui, parfois, c’est difficile parce qu’on a notre propre vie à gérer, et trop de trucs dans la tête. Parfois aussi, c’est à nous de faire 75% du chemin parce que l’autre en face a fait tout ce qu’il pouvait faire. Et c’est ok, parce que quelqu’un d’autre a fait 75% du chemin pour nous, parfois sans même qu’on s’en rende compte.


Marc : On remarque qu’en Keltia, la société est orientée vers l’écologie et le développement durable, avec des citoyens qui fabriquent leurs propres dispositifs, ne recourent pas à la production en série et utilisent des produits qui se dégradent facilement. Pourquoi inscrire l’écologie dans une démarche DIY ? Pourquoi décrire ce type de société dans un roman de Fantasy ? Est-ce que tu considères que les littératures de l’imaginaire peuvent permettre de faire passer ce type de message ?

Morgan of Glencoe : Hum, alors petite-grosse correction : c’est pas du tout une démarche DIY. C’est une démarche de retour à l’artisanat en tant qu’art, tout au contraire, et à la revalorisation de la professionnalisation et de la dé-précarisation de l’artisanat. Les Keltiens se font faire des trucs sur mesure par des artisans qualifiés, ils ne les font pas eux-mêmes. Enfin, sauf si c’est leur domaine d’expertise, bien sûr ! Donc Pyro se fait lui-même ses radios, mais pas ses vêtements, par exemple ! Non, les Keltiens ne produisent en série que ce qui n’a pas d’autre intérêt que d’être produit en série (genre, les sous-vêtements) mais non, ils ne bricolent pas tout le reste eux-mêmes, très trèèèès loin de là ! Bien au contraire, ils payent des artisans qualifiés pour leur créer des objets personnalisés, faits sur mesure pour eux, leur lieu de vie, leurs goûts etc. Par exemple, des magasins comme Ikea leur sembleraient un peu étranges : avoir tous la même armoire ? Mais personne n’a des chambres ni des garde-robes de la même taille, enfin ! Pourquoi ne pas payer un menuisier qui va venir prendre les mesures exactes du meuble que vous voulez, le réaliser dans vos couleurs et à votre envie, correspondant à vos besoins, et venir vous le livrer et monter ensuite ? (oui c’est leur culture, jugez pas.)

Sinon, pourquoi ne pas décrire ce type de société, hein ? Pourquoi ne pas proposer quelque chose qui pourrait fonctionner ? On n’est pas obligés de se limiter, soit à la spéculation pure décorrellée de tout réel, soit à la dénonciation/critique ! Au contraire, la force de la SFFF, c’est d’imaginer les possibles, et je pense que Keltia en est un. Contrairement à ce qu’une lecture rapide peut laisser penser, Keltia n’a rien d’une utopie. C’est un peuple qui a une culture très différente de la nôtre, et qui est éduqué comme ça depuis des siècles. Mais c’est un peuple et une culture fonctionnelles. Un détail qui manque cruellement à nombre de nos sociétés actuelles…

Donc oui, je crois que les littératures de l’Imaginaire peuvent faire passer ce type de message. J’ai même envie de dire qu’elles le font, bon gré mal gré, et que ce soit ou non conscient de la part de l’auteurice. Parce qu’on écrit avec qui on est, qu’on le veuille ou non. Prétendre que l’auteurice n’a pas d’influence, n’infuse pas ses valeurs, sa vision du monde, etc. dans son oeuvre, c’est orgueilleux et illusoire. Orgueilleux parce que ça signifie qu’on prétend avoir un regard neutre, et que personne n’a un regard neutre sur le monde simplement parce que personne n’est omniscient, et illusoire parce que ça signifie qu’on estime posséder ce regard neutre qui ne peut être qu’illusion de par notre statut… d’être humain par définition limité à ce qu’il est.

Alors puisque mon regard n’est pas neutre, ne le sera jamais et n’a pas vocation à l’être, oui, j’assume et je propose. Encore une fois, la critique est aisée, le constat est facile, mais réfléchir à des solutions et oser les proposer tout en reconnaissant leurs limites et leurs biais, ça, c’est plus difficile. Mais bon, hé, je suis l’autrice qui a débarqué dans le décor de la SFFF française avec une fichue pentalogie ingenrable, hein, alors la facilité… faut croire que c’est pas mon truc XD


Marc : Pendant Ordalie, Yuri pense « Keltia nous transformera donc tous » en évoquant le changement provoqué par son pays d’adoption sur elle, mais aussi sur ses proches. Tu montres donc la manière dont un milieu peut influer sur les esprits, pour le meilleur comme pour le pire, si on pense aux pays de la Triade. Pourquoi montrer cette influence ?

Morgan of Glencoe : Elle est importante. Quoi qu’on veuille bien prétendre, on est le produit de la société dans laquelle on vit, de façon plus ou moins consciente, et plus ou moins volontaire aussi, mais on ne vit pas hors de la société, et personne n’est libre de ce qu’elle projette sur nous. Et nous vivons dans une société mortifère, qui nous limite, qui nous entrave, et surtout qui se prive elle-même du plein potentiel de ses membres en les empêchant de s’épanouir hors de cadres étriqués, dans un vain espoir de contrôle, par la peur et la coercition.

Mais le contrôle, c’est comme le pouvoir : limité à la croyance de la majorité, et à la violence de ses structures.

Notre société est violente, violente avec tout le monde, basée sur l’injustice, la coercition, la peur et la jalousie. Et j’ose le dire : c’est à chier, comme système, en fait.

C’est aussi pour ça que je veux proposer Keltia. Proposer une société épanouissante, qui au lieu d’entraver, d’apeurer et d’humilier les gens qui la composent, leur offre liberté, dignité et sécurité. Quand vous avez ça… oui, y’aura toujours une poignée de salauds pour en profiter ou faire des horreurs. Mais la majorité des gens veulent simplement ça : vivre épanouis, tranquilles et dignes. Notre société nous fait croire que les humains sont mauvais par nature. C’est faux. Et c’est faux aussi que les humains seraient bons par nature. Les gens sont juste… des gens, qui pour la plupart font de leur mieux pour survivre dans une société qui les maltraite.

Moi, je voudrais voir ce que ça donne dans une société bientraitante, qui soit basée sur le fait de tirer le meilleur de chacun.e, non pas en décidant de faire rentrer les gens dans des cases arbitraires, mais en leur donnant l’opportunité de découvrir son plein potentiel sans se faire taper dessus.

Mais ça, personne a essayé, et comme j’ose imaginer, on me dit très souvent que je suis un bisounours utopiste. J’voudrais que tous les gens qui me traitent de bisounours utopiste fassent le même effort de bienveillance que moi juste une semaine de leur vie, pour vérifier… Mais la plupart d’entre eux n’arrivent déjà pas à voir des gens comme des gens. Je sais bien que c’est pas évident du tout, j’ai mis super longtemps, et c’est super dur. Et y’a des jours où c’est plus facile de caricaturer la personne en un pas beau pas gentil plutôt que de se rappeler que c’est une personne… Et oui, y’a des jours je craque et je le fais. J’essaie juste qu’il y en ait le moins possible.


Marc : Tu traites aussi de la parentalité et de la manière dont un parent peut avoir une influence néfaste, voire mortifère, sur ses enfants, à travers Louis-Philippe et Charles-Henri, mais pas seulement. Est-ce que tu voulais montrer que certains parents peuvent détruire la vie de leurs enfants ou les placer sur de mauvais rails ?

Morgan of Glencoe : Le rapport à la parentalité, à la filiation et à l’héritage dans La Dernière Geste est très, très important. C’est un sujet central de la Geste, que la famille, sous toutes ses formes.

Je veux montrer tout un panel de relations parent/enfant, les ratées qui ne se voulaient pas l’être (Kenzô/Yuri/+) les miracles improbables qui peuvent, à force de patience et d’attention, guérir en profondeur une blessure (Ned/Bran), l’équilibre paisible y compris quand la famille a quelques « originalités » (les Alethia, big up à Cers & Mistral), la négligence et la maltraitance (Roussette – Charles-Henri – Bran) mais aussi l’attente et la projection (Louis-Philippe, mais aussi Kimiya !), le rejet (Trente-Chênes), la monoparentalité (Gôshi/Jin – Ned/Bran – Clifford/Pyro & Ashe), le deuil du/de la parphelin.e (parent qui a perdu un enfant, aka Cliff et Haruko) et le deuil de l’orphelin.e (Bran, Douze, Pyro, heu… trop de gens). Je veux aussi montrer, avec Gabrielle, que certains parents n’ont tout simplement pas de « prise » sur l’éducation de leurs enfants, et ce qu’engendre cette « dépossession » du droit d’éduquer.

Le rapport aux parents, à nos parents, à nos aîné.e.s, est fondateur de nos premières années de vie et peut nous influencer jusqu’à l’âge adulte. Avoir des parents, ou ne pas en avoir, ou avoir des figures parentales diverses, a un impact radical sur la personne que nous sommes, et si nous pouvons, à force de travail sur soi, changer ce que notre éducation a fait de nous, il faut d’abord commencer par admettre que oui, elle nous a forgé.e.s et que oui, nous pouvons nous reforger derrière. Sauf que les matériaux d’origine vont être difficiles à changer, déjà, et qu’il va falloir chauffer fort… Très, très fort. Et que ça va pas être agréable.

Et je veux aussi, justement, rappeler que l’éducation et les parents qu’on a eu, s’ils nous marquent, ne sont pas non plus une excuse universelle pour se dédouaner de tout. Devenir adulte, c’est choisir de garder ce qu’on estime bon et utile dans son éducation, sinon, on est juste un ado qui a oublié de franchir la dernière étape… L’étape que Bran franchit dans l’Héritage face à Gôshi Mayo, et qui lui permet de devenir Barde. L’étape que Yuri franchit par à-coups dans les 2 premiers chants. L’étape avec laquelle Pyro, et Charles-Henri sont en train de se débattre, et à laquelle Louis-Philippe et Aliénor n’ont même pas encore songé…

Nos parents et figures parentales, exactement comme la société, peuvent nous aliéner ou nous aider à nous épanouir, et parfois, ils font la première chose en croyant faire la seconde, et c’est humain. Mais un jour, nous ne sommes pas nos parents, ni le fruit pur de notre éducation. Nous héritons d’eux ce que nous voulons hériter d’eux. Et nous devons en avoir conscience, pour garder ce qui nous épanouit… et abandonner le reste avec nos croyances d’enfant, avec le Père Noël, la Petite Souris, la sorcière du placard et le Croquemitaine.


Marc : Dans Ordalie, tu décris la possibilité d’une guerre entre les puissances de la Triade et Keltia à cause de la montée des tensions à la suite d’une agression raciste de la part des soldats français sur des fées du Rail. L’un des enjeux du récit est alors d’empêcher cette guerre par des moyens diplomatiques. Pourquoi montrer des personnages qui tentent coûte que coûte d’empêcher un conflit armé ? Est-ce que tu voulais que la guerre peut et doit être évitée ?

Morgan of Glencoe : La guerre, ça profite aux marchands d’armes. Et à qui d’autre ? Personne. La guerre, c’est moche, y’a rien de bien dans la guerre. On essaie de nous faire croire que c’est glorieux, on file des médailles et on écrit des noms sur des monuments aux morts, très bien, et alors ? Ça sert à quoi, sinon à jouer à qui a la plus grosse en broyant au passage des centaines de milliers de vies ? Ah, oui. À jouer le jeu du pouvoir et de l’argent. Mais en fait ça fait des millénaires que ça dure, on peut pas arrêter ?

Mais voilà… on peut pas parce qu’on nous laisse pas. Parce qu’il y a toujours un frustré qui peut pas assumer de s’être pris une raclée par quelqu’un qu’il ne pouvait envisager qu’inférieur. Parce qu’être le Roi de France et se faire tataner par une ado, ça se fait pas. Parce qu’il faut gagner, pas coopérer. Parce que beaucoup de gens préfèrent écraser les autres autour que de se sortir les doigts et s’améliorer. Parce que critiquer, tirer dans les pattes, tout casser comme un bébé qui fait sa grosse colère, c’est plus facile que de travailler, d’échouer pour recommencer, de réessayer jusqu’à y arriver… c’est de là qu’elle vient, la guerre. De la compétition, de la fausse croyance que l’on est mieux que l’autre. On n’est pas mieux ou moins bien, on est différent, et doués pas pareil et encore heureux.

Mais c’est toujours plus facile de détruire que de construire. C’est plus facile d’écraser quelqu’un pour s’en servir de marchepied, plutôt que de lui tendre la main pour l’aider à se hisser un peu plus haut.

C’est plus facile de faire la guerre que de rendre justice.

C’est plus facile de mépriser que de comprendre.

C’est plus facile de juger que d’étudier.

C’est plus facile de tuer plutôt que d’accepter.

C’est vrai que c’est plus facile, sur le coup. Mais après ? Qu’est-ce qu’on fait, après ? Quand tout est par terre, et qu’on est là à dire que le monde il est pas beau et méchant et qu’on est tout seul, alors qu’on a juste consciencieusement démoli tout ce qui aurait pu être beau et gentil et nous entourer de bienveillance ?


Marc : À quoi peut-on s’attendre dans les prochains romans de La Dernière Geste ?

Morgan of Glencoe : Ben, à la guerre, déjà. Ça s’appelle Lys de Guerre, le quatrième chant, donc… Donc je vais surtout vous parler de lui. Et vous pouvez vous attendre :

À Bran en mode Pennbarzh et Ren devenu Dancedragon et ça va roxxer du bébé poney licorne à paillettes. À Pyro qui crame un fusible (et plus). À Roussette déchaînée. À Trente-Chênes being herself and that’s awesome enough. À Louis-Philippe qui va pas vous laisser le haïr, à moins que si, à moins que pas. À Aliénor de plus en plus redoutable. À Yuri enfin devenue elle-même et sortant l’artillerie lourde et vous êtes pas prêt.e.s à ça en fait. À Douze qui fait nawak parce que c’est Douze, à Ryûzaki qui se révèle encore, à Levana et Alcyone qui sont, ben, Levana et Alcyone, que voulez-vous que je vous dise ? À Mei dans toute sa punkittude, à Kimiya en roue libre et qu’elle est grandiose !

À plein de trucs, en fait, mais surtout à retrouver vos personnages préférés dans la situation la plus compliquée de leur vie, parce que la guerre, ça se passe pas que sur les champs de bataille…

Ah, et aussi au retour d’un détail que vous avez probablement déjà oublié.

Pour ce qui est du cinquième chant, et bien… Et bien c’est ce que j’ai dit plus haut : une fois qu’on a tout démoli, qu’est-ce qu’on fait ?

Je ne compte pas arrêter ma Geste sur cet infini des possibles ouvert qui clôt tant d’oeuvres du genre. Je veux proposer jusqu’au bout. Y compris proposer l’échec, la réussite, le retour au pire, l’union, la division, la récession… et tant d’autres choses.

Je sais pas si vous êtes prêt.e.s. Moi, clairement, je ne le suis pas, et ça me va très bien comme ça.


Marc : Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?

Morgan of Glencoe : Alors, en écriture, sur Lys de Guerre bien sûr et essentiellement, ainsi que sur 3 autres projets plus petits, parce que oui j’ai besoin de faire des pauses, des fois !

Le premier projet, c’est la réédition papier, collector, hardcover, magnifique, du Temps du Teuz, ce préquel qu’il est doux ! ActuSF me témoigne une vraie confiance avec ce projet-là et j’en suis très heureuxe. Outre les 24 nouvelles qui composent l’actuel recueil en numérique, je vais rajouter 4 textes : un 25ème Teuz 100% inédit, qui se passera entre l’Héritage et Ordalie, la nouvelle Danser dans la Tempête qui pour le moment n’est disponible que dans le très confidentiel 20+1, le recueil de 5 nouvelles qui était proposé par ActuSF pour ses 20 ans, et qui n’a jamais été disponible à la vente, une autre nouvelle inédite dans l’univers de La Dernière Geste qui s’intitule Imbolc et qui est centrée sur l’amitié entre Yuri et Bran, parce que c’est important, et… la retranscription d’un conte breton de mon enfance, qui est aussi le plus célèbre des contes parlant du mythe du Teuz, histoire que vous sachiez d’où sort cette tradition complètement inventée pour La Dernière Geste, mais belle et bien emprunte de tradition bretonne qui sent bon la galette. Ah, et… et l’album des musiques, aussi. Des musiques de La Dernière Geste, composées en très grande partie par moi. Et peut-être des illustrations. Ce truc va être énormément génialissime, je vous dis.

Le deuxième projet est un roman pour enfants (9 ans & plus) intitulé « le Bisclavret de Guerlédan » et qui a pour héroïnes Aziliz et Malo, une paire de frangines surnommées « les terreurs » par leur entourage, et à raison, encore, parce qu’elles ont un sacré sang-froid ! Dedans, je reviens aux sources des légendes bretonnes, qui ont ces dernières années eu tendance à être très adaptées pour les rendre moins… terrifiantes ? Mais se faire un peu peur, des fois, c’est rigolo, alors… (bon c’est pas de l’horreur, plus du fantastique qui file le frisson… à des enfants. Donc j’y vais doucement, promis!)

Le troisième projet est un scénario de BD, je ne sais pas encore trop où ça va mais c’est de l’écopunk, donc un futur où les choses vont… bien ? Mieux ? En tout cas on n’est pas tous morts, et on n’a pas détruit la planète, ce qui est honnêtement mieux qu’on ne peut espérer à l’heure actuelle. Mais j’aime bien faire espérer.

Musicalement parlant, j’ai deux albums sur le feu en plus des 2 concerts qui vont avec, et un OMNI (objet musical non-identifié)

Bien sûr, l’album de la Dernière Geste, qui est donc prévu pour sortir en 2022 avec le Temps du Teuz, et qui va me demander un peu de boulot parce que j’ai envie de beaux arrangements, en particulier de parties choeurs. Dans l’idéal, j’aimerai pouvoir le produire sur scène mais c’est un projet assez… conceptuel, on va dire, du moins pour le monde de la scène française. On verra bien s’il trouve preneur au-delà de sa version solo, car oui, il y aura une version solo pour ma harpe et moi, quand même.

Le deuxième album s’intitule Étoiles Sauvages, mais il ne sortira qu’en 2023 pour cause de Lys de Guerre et de Temps du Teuz. C’est un album entièrement consacré à la Mer et aux étoiles, très personnel, plus rock et moins trad que Fleur du Porhoët, mais celtique as heck quand même, et quasi-intégralement composé aussi. Je veux prendre mon temps, pour celui-là, parce qu’il va raconter beaucoup de choses.

Et puis j’ai un petit OMNI qui devrait débarquer quelque part début 2022 sur ma chaîne Youtube, à la sauvage. Il n’attend qu’une chose : que je retrouve ma voix, parce que là j’ai de gros soucis de larynx depuis octobre 2021 et c’est un peu beaucoup compliqué pour chanter.

Enfin, j’ai un projet de gîte culturel et ludique en Brocéliande, qui devrait pouvoir accueillir notamment des ateliers d’écriture personnalisés ou en groupes très restreints, mais aussi des concerts, des soirées enquêtes, des balades contées avec la harpe dans la forêt… Suivez-moi de près, parce que 2022 va être très, trèèèès riche en aboutissements de projets qui couvent depuis des années !

Sinon, je suis toujours sur Twitch pour les matinales de harpe, les ateliers d’écriture, le JDR, les Parlons Plumes… ça, ça change pas, on est toujours aussi mignons mes chatons et moi.


Marc : Quels conseils donnerais-tu aux jeunes auteurs ?

Morgan of Glencoe : Le seul qui compte, c’est : tout texte fini est une victoire.

Pas forcément une victoire publiable, pas forcément le texte du siècle, pas forcément la révolution de la littérature française. Mais une victoire parce qu’il est fini, et que finir un texte, c’est dur.

Aussi, en vrac :

Votre premier roman ne sera peut-être pas votre premier roman publié. C’est pas grave. Écrire s’apprend, et votre premier morceau d’instrument de musique n’était pas destiné à aller sur scène, et votre premier coup de pied dans un ballon ne vous a pas envoyé.e direct dans l’équipe de France de foot, et votre premier « areuh » n’a pas été considéré comme un discours marquant pour l’Humanité. Et ce n’est. pas. Grave. Si vous tenez à cette histoire, vous la reprendrez, et elle sera encore meilleure plus tard.

Et sinon, écrivez-en un autre. Et un autre. Et encore un autre, chaque fois meilleur, chaque fois en vous corrigeant, en progressant, en écoutant les conseils sans céder au découragement, en gardant dans le lot des critiques ce qui vous parle, ce que vous êtes prêt.e à comprendre.

N’hésitez pas à écrire des textes courts, même juste des scènes, juste pour travailler ce dont vous avez besoin. Si ça vous aide, faites des ateliers d’écriture.

Écrivez à votre rythme, à vos heures, apprenez-vous vous-même, prêtez attention à votre personne et à votre personnalité.

Il n’y a pas de « bonne » méthode, il y a la vôtre… mais pour la trouver, ça ira sans doute plus vite en testant celles des autres et en gardant dedans ce qui vous aide, et en laissant le reste.

Et rappelez-vous : tout texte fini, même cette scène écrite en 45 min pour un atelier d’écriture avec l’autre bébé phoque qui vous joue de la harpe et puis c’était quoi cette consigne super dure, encore ?

Même ce texte-là est une victoire.

4 commentaires sur “Interview de Morgan of Glencoe – 2

  1. Excellente interview, passionnante et touchante. Très très hâte de l’édition du Temps du teuz. Dès que ça a fuité, j’ai laissé tombé mon projet d’achat numérique et je l’attends avec impatience.
    « Et quand Pyro lui rend le ciel, avec ses ailes mécaniques, c’est pas juste à elle qu’il rend le ciel : c’est au ciel qu’il rend Stikine, parce que le ciel avait besoin d’elle. » -> si même en interview Morgan of Glencoe m’émeut, je ne sais plus comment faire!

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