La Dame de Birka (Clovd, tome 1) de Florent Maudoux

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’une BD de Dark Fantasy post-apocalyptique particulièrement vitaminée.

Le Clovd : La Dame de Birka, de Florent Maudoux


Introduction


Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Rue de Sèvres, que je remercie chaleureusement pour l’envoi de la BD !

Florent Maudoux est un auteur et dessinateur né en 1979. Il est également animateur 3D pour le jeu-vidéo. Il est notamment connu pour sa série Freaks’ Squeele (2008-2015), qui relate les aventures d’apprentis super-héros au sein d’une école qui leur est consacrée. Plusieurs séries de BD en dérivent, avec Rouge (2013-2015), Funérailles (2015-2022) et Le Clovd, débutée en 2023, et dont je vais vous parler aujourd’hui.

Le premier tome de la série, La Dame de Birka, est en effet paru en Novembre 2023 aux éditions Rue de Sèvres, dans le label 619.

En voici la quatrième de couverture :

«Le Clovd est une brume impénétrable qui a recouvert le Monde. Il a apporté avec lui des monstres cauchemardesques et a renvoyé l’humanité à un moyen-âge chaotique. Immortel, Funérailles a déjà vécu plusieurs apocalypses et il sait qu’il y a toujours une solution.

Peut-être que la jeune Isatis est cette clé ? Guerrière immense au cœur d’adolescente, elle ratisse la lande pour en extraire les ouvrages qui pourraient détenir les secrets d’une civilisation éteinte. Mais pour elle qui est née après le grand effondrement, qu’y a-t-il de plus important ? Dissiper le Clovd, retrouver la magie des miroirs sombres et rétablir l’âge des super-héros ? Ou braver les interdits et écrire ce livre qu’elle veut transmettre aux enfants de son petit monde ?  »

Dans mon analyse de la BD, je traiterai de la manière dont Florent Maudoux met en scène la préservation de la culture dans un monde hostile et violent.

L’Analyse : Que faire pour préserver la culture ? (le combat mis à part)


Le premier tome de Clovd nous donne à voir un monde postapocalyptique envahi depuis une vingtaine d’années par une brume mystérieuse et omniprésente, le Clovd, où règnent des créatures de cauchemar, les maraudeurs, qui s’en prennent aux humains qui font l’erreur de les croiser. L’humanité, mais aussi les centaures, hybrides d’humains et de chevaux, doivent alors s’organiser pour survivre. Le Clovd est matérialisé graphiquement par la palette de couleurs sombres utilisées pour les environnements extérieurs, et des dégradés de blanc qui masquent les éléments du décor et les corps des personnages. Le Clovd masque ainsi le danger et accentue la tension, puisqu’il brouille les repères des protagonistes en limitant leur champ de vision. Cela confère par ailleurs une véritable identité visuelle au monde imaginé par Florent Maudoux, ce que rehaussent les décors de bâtiments abandonnés, laissés en ruines et noyés dans la brume.

Ce monde postapocalyptique prend d’ailleurs la suite d’un univers hyper technologique et connecté. Les individus se retranchaient en effet dans des réalités virtuelles ou alternatives grâce au « miroirs noirs », des machines qui permettaient d’explorer des contrées plus accueillantes que la leur, en proie à l’effondrement, ce qu’évoque le personnage de Funérailles dans des cartouches au début du récit. Cette fuite en avant n’a pas empêché l’émergence du Clovd, pas plus que la fin de l’âge des miroirs noirs et des super héros, qui n’ont rien pu faire face à ces nouvelles menaces. Dans cet avenir sombre, la solution aux problèmes ne peut être technologique ou individuelle, et repose alors sur la construction de nouveaux espaces et de nouveaux mode de vie, à l’image des colonies de l’inox, qui vivent sur des navires qui parcourent les voies de chemin de fer (oui oui). L’ancien monde tente malgré tout de subsister, sous la forme de bourgeois terrés dans des bunkers, ce qui n’est pas viable, puisque leurs ressources ne sont pas illimitées. Funérailles, vraisemblablement immortel, qui a connu le monde d’avant l’apocalypse, cherche alors à trouver un moyen de sauver l’humanité. Il croise le chemin de deux ressortissantes de l’une des colonies de l’inox, Viviane, Isatis, archiviste chargée de récupérer des ouvrages dans les ruines, et Xantia, centaure qui l’accompagne lors de ses missions. Les trois personnages vont alors s’entraider et tâcher de résoudre le mystère du Clovd.

Le découpage de Clovd est dynamique, notamment lors des scènes d’action, qui montrent parfois des véhicules utilisés pour faire des safaris mortels ou des courses poursuites à la Mad Max. Ainsi, lorsque Funérailles, Xantia et Isatis affrontent des gangsters à moto, les couleurs de la traînée des missiles tranchent avec le décor froid et sombre des galeries du métro parisien (oui oui) et renforcent le dynamisme et l’aspect haut en couleur (sans mauvais jeu de mots) de l’action. Le découpage met en lumière la vitesse et l’intensité des coups que portent les guerrières, mais aussi les explosions des missiles.

Les designs des voitures et des motos est donc agressif, comme en témoignent les armes qui leur sont attachées, et leur aspect brut. De la même manière, Florent Maudoux met l’accent sur l’aspect monstrueux et grotesque des maraudeurs qui font explicitement référence aux kaijus comme Godzilla. L’auteur montre la puissance de ces créatures et la terreur qu’elles inspirent en jouant sur le contraste entre leur taille gigantesque et celle des êtres humains, qui apparaissent minuscules en comparaison. Il s’agit de l’équivalent graphique de la figure de style de l’hyperbole, qui consiste à exagérer les caractéristiques d’un objet.

Il montre par ailleurs leur puissance par leur grand nombre, puisqu’ils sont capables d’aborder et navire et de déborder son équipage. Une planche les montre d’ailleurs sur la coque du Gawain, une colonie de l’inox, qui se retrouve submergé sous leur nombre. On peut y voir une énumération.

Le dessin fait la part belle à l’aspect Fantasy de la BD, avec par exemple les Centaures, qui sont des humanoïdes à tête de cheval, ce qui prend le contrepoint de ceux que l’on retrouve dans la mythologie grecque, les longships, qui apparaissent majestueux et mêlent deux modes de transports, le maritime et le ferroviaire. A cela s’ajoutent les armes et armures des personnages, puisqu’Isatis et Xantia manient respectivement une épée, une hache, un bouclier et portent des cottes de mailles. L’écho à la Fantasy et à ses sources se prolonge dans le fait que les longships portent des noms de personnages de la geste arthurienne, tels que Viviane ou Gawain, qui renvoie à Gauvain. Ces modes de déplacement et de combat archaïques deviennent ceux d’un présent qui s’est tourné vers le passé pour se réinventer et s’adapter à un environnement hostile, contre les voitures et les armes à feu d’un présent déjà dépassé. Certaines scènes de combat montrent d’ailleurs que le monde moderne n’a aucune chance face à ceux qui ont décidé de s’adapter à un monde qui a régressé à un stade qui rappelle par bien des aspects l’époque médiévale. Les objets qui en proviennent semblent alors anachroniques.

On remarque que la société de consommation (et par extension, la société du spectacle) subsiste chez les classes sociales qui ont dominé l’ancien monde, notamment chez les enfants des riches, appelés les « consumateurs », qui vivent dans des abris anti atomiques. Ces derniers se divertissent lors de safaris meurtriers, lors desquels ils sortent armés, au volant de véhicules surprotégés, pour tuer tout ce qu’ils peuvent trouver (oui oui).  La classe supposément supérieure a donc cédé aux instincts les plus primaires, et rejoint en cela les gangsters qui parcourent les rues en moto. Les véhicules de notre époque deviennent donc les marques d’un archaïsme, d’une violence primitive dont ne sont pas porteurs les navires utilisés par les nomades, les longships, qui naviguent sur des rails de trains dont les caténaires ont été retirées. L’asphalte s’oppose alors à l’inox, la brutalité et l’individualisme de la voiture et des motos et le mode de vie qu’ils représentent se voient dépassés par les communautés des longships, où une grande solidarité se forge entre les colons qui se viennent en aide au péril de leurs vies, ce que montre la fin particulièrement flamboyante.

La recherche de livres par Isatis et Xantia conduit l’auteur à faire de nombreux clins d’œil à d’autres œuvres de l’imaginaire, notamment les super-héros, Warhammer dont les personnages retrouvent des manuels de campagne, et le jeu de rôle sur table de manière générale.

Florent Maudoux opère d’ailleurs une mise en abyme par la pratique du JDR, puisqu’Isatis mène une campagne avec un groupe d’enfants à bord du Viviane. Leur partie se matérialise à l’intérieur du récit au moyen de cartouches comportant des blocs de texte qui imitent une écriture manuscrite. Cette mise en abyme montre comment la culture de l’ancien monde influence celle du nouveau, puisque le personnage d’Isatis est une grande lectrice et a eu accès à des manuels de JDR qui l’ont conduite à écrire et mener ses propres campagnes. Par ailleurs, cette activité permet aux groupes de jeunes d’apprendre à réfléchir et prendre des décisions, et ainsi se préparer à survivre au sein d’un monde hostile, qui se rapproche dangereusement de celui de leurs parties.

Enfin, l’auteur pose la question de l’enjeu de la conservation de la littérature et des savoirs. Qu’est-ce qui est digne d’être conservé ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quel est le rôle de la conservation ? Faut-il garder des ouvrages considérés a priori comme utiles, tels que les travaux scientifiques, ou les objets culturels et artistiques, tels que les romans ?

Ces deux catégories d’ouvrages impactent en effet différemment les individus et leur compréhension du monde. Les sciences permettent ainsi de mieux appréhender le fonctionnement de l’univers, et pour ceux qui subissent le Clovd, des solutions possibles de découvrir ses origines et le moyen de s’en débarrasser. La littérature divertit le public, l’aide à accepter le monde au sein duquel elle vit et l’invite à réfléchir sur celui-ci, en faisant un pas de côté vers une autre réalité. Florent Maudoux établit ainsi un dialogue entre le passé et le futur à travers la littérature au sens large. Le travail des archivistes des colonies apparaît non seulement vital pour comprendre le Clovd, mais aussi pour tenter d’éviter de répéter les mêmes erreurs que la civilisation qui l’a engendré.

Le mot de la fin


La Dame de Birka est le premier tome de la BD Clovd de Florent Maudoux. L’auteur met en scène un univers de Dark Fantasy postapocalyptique, où un brouillard mystérieux, le Clovd, règne depuis une vingtaine d’années, et a mis fin à l’ère hypertechnologique de l’humanité. Les survivants doivent alors faire face à un environnement hostile, où se terrent les maraudeurs, des monstres se déplaçant en horde et parfois dirigés par un kaiju, mais aussi au manque de ressources.

Le récit nous fait suivre Funérailles, un être vraisemblablement immortel, qui se trouve à la recherche de solutions pour venir en aide à l’espèce humaine. Sa route croise celle d’Isatis et Xantia, deux archivistes des colonies de l’inox, qui sont des navires circulant sur des voies de chemin de fer. A travers le parcours de ces trois personnages, Florent Maudoux dépeint un univers sombre et violent, comme en témoignent les décors et les designs des créatures, mais qui n’est pas dénué d’espoir.

J’ai beaucoup aimé découvrir cette BD, et je vous la recommande !  

2 commentaires sur “La Dame de Birka (Clovd, tome 1) de Florent Maudoux

  1. J’avais adoré Freak’s Squeele ! Je n’avais pas continué la série Funérailles, un poil trop cruel à mon goût, une lacune que je devrais peut-être combler… en revanche, vu ton retour, ce nouveau spin-off me tente énormément, vu les sujets traités ! Merci pour cette chronique !

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