Knight Terrors, de Joshua Williamson et Howard Porter

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un comics qui confronte les super-héros à leurs cauchemars et met en lumière l’un d’entre eux.

Justice League : Knight Terrors, de Joshua Williamson et Howard Porter


Introduction


Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Urban Comics, que je remercie chaleureusement pour l’envoi de la BD !

Joshua Williamson est un scénariste américain né en 1981. Il travaille pour plusieurs éditeurs de comics, dont DC Comics, pour qui il a réalisé Flash Rebirth, DC Infinite Frontier, ou encore Robin Infinite, Batman Shadow War et Dark Crisis on Infinite Earths.

Howard Porter est un dessinateur américain. Il a commencé sa carrière en tant qu’encreur sur les séries The Flash ainsi que la Justice League de Grant Morrison.

Justice League : Knight Terrors est un crossover, c’est-à-dire un événement éditorial rattachant plusieurs séries au sein d’une seule ligne narrative, publié par DC Comics au cours de l’été 2023. Urban Comics a publié dans ce volume les épisodes de l’événement qui concernent la Justice League dans une traduction de Benjamin Viette.

En voici la quatrième de couverture :

« Lorsque Batman, Superman et Wonder Woman découvrent le corps de l’un de leurs plus anciens ennemis dans le Hall de Justice, leur enquête les mène au-delà de la réalité vers un nouveau méchant appelé Insomnia… qui utilise ses pouvoirs pour engloutir chaque héros et méchant dans leurs propres cauchemars sombres et tordus. Le seul moyen de sauver le monde du sommeil éternel est d’appeler à l’aide un héros improbable : Deadman ! »

Dans mon analyse de ce comics, j’évoquerai d’abord son contexte éditorial et narratif, puis j’aborderai la manière dont Knight Terrors se situe dans le registre horrifique.


L’Analyse : Le cauchemar de la Justice League, la renaissance de Deadman


Le contexte éditorial


L’histoire de Knight Terrors prend place dans la continuité DC Infinite, après les événements de l’île (puis de la planète) Lazare, lors de laquelle des pluies issues des puits de Lazare sont tombées sur Terre, conférant des pouvoirs surnaturels à de nombreux individus et modifiant les capacités de certains personnages, à l’image de Power Girl, qui a obtenu des pouvoirs psychiques. C’est également le cas de l’antagoniste du récit, Insomnia.

Il est donc a priori important de connaître les événements du crossover précédent pour lire Knight Terrors, mais cela ne me semble pas particulièrement nécessaire, puisque l’antagoniste du récit, Insomnia, est un nouveau personnage doté de ses propres ambitions et de ses propres griefs (j’y reviendrai plus bas), mais aussi parce que les protagonistes du récit, et notamment son personnage principal, Deadman, ont été absents lors de cet événement.

Un événement sous le signe de l’horreur


Knight Terrors explore le monde des cauchemars. L’antagoniste du récit, Insomnia, confronte l’ensemble des personnages de DC Comics à leurs peurs les plus profondes en les enfermant dans une nuit sans fin. Ils sont alors complètement neutralisés et luttent pour se libérer de leurs tourments, ce qui sera exploré dans chaque série de DC Comics. Par exemple, du côté de Detective Comics, le commissaire James Gordon sera plongé dans un monde en proie à une invasion d’horreurs cosmiques invoquées dans Gotham City (oui oui) suite à des rituels pratiqués par la bourgeoisie. D’autres histoires semblent davantage tournées vers le comique, comme Knight Terrors : Joker, où le clown prince du crime devient un employé de bureau après la mort de Batman qu’il ne parvient pas à accepter (oui oui). Justice League : Knight Terrors nous confronte dans son prologue aux cauchemars de Damian Wayne, dernier Robin en date et fils de Batman et de Talia Al-Ghul, ce qui nous montre l’étendue des capacités d’Insomnia, qui a neutralisé la quasi-totalité de l’univers DC.

L’exploration des cauchemars des héros est souvent marquée par l’émergence d’une forme de surnaturel grotesque ou de la mort de leurs proches, ce qui contraste avec ceux de l’antagoniste, ancrés dans des souvenirs traumatiques bien réels. Ces derniers sont d’ailleurs marqués par une utilisation de nuances de gris et de blanc pour le fond des cases, qui permettent de mettre en évidence la rupture des rêves avec la réalité.

Pour affronter cet ennemi (littéralement) cauchemardesque, deux super-héros inhabituels s’élèvent, à savoir Deadman et Sandman.

Deadman est un super-héros créé par Arnold Drake et Carmine Infantino en 1967 pour le magazine Strange Adventures, un comic book lancé par DC Comics en 1950 pour se diversifier, en se tournant vers la science-fiction et le fantastique (c’est d’ailleurs aussi dans Strange Adventures qu’Animal Man fera sa première apparition). Deadman, de son vrai nom Boston Brand, était trapéziste dans un cirque et captait l’attention du public grâce à ses acrobaties, mais on l’a assassiné lors de l’une de ses représentations. Il n’est cependant pas véritablement mort, puisqu’une divinité, Rama Kushna, inspirée des dieux hindous Râma et Krishna, lui confère des pouvoirs surnaturels, notamment celui de posséder le corps d’individus vivants pour combattre le crime. De par ses origines et ses capacités, Deadman est rattaché au fantastique et à l’horreur, ce qui fait de lui un héros tout indiqué pour un évènement tel que Knight Terrors, lors duquel il prend le contrôle du corps de Batman afin de lutter contre Insomnia.

C’est également le cas de Sandman, alias Wesley Dodds, un super-héros du supposé âge d’or des comics créé en 1939 dans Adventure Comics par Gardner Fox (également créateur du premier Flash, Jay Garrick) et Bert Christman. Il ne faut donc pas le confondre avec le Sandman de Neil Gaman, créé en 1989. Sandman est en effet capable de faire des rêves prémonitoires, dans lesquels il voit les crimes avant qu’ils se produisent et affronte ses ennemis avec un pistolet qui projette du gaz soporifique, dont il se protège grâce au port d’un masque tout droit sorti de la Première guerre Mondiale. Les capacités de prescience du personnage et son lien avec les rêves le rendent apte à se confronter avec Insomnia et le danger qu’il représente.

Le début de chaque chapitre nous montre Deadman seul sur scène dans une salle de spectacle, ou encore comme présentateur télé d’une émission intitulée « Temps Mort avec Boston Brand » (oui oui). Ces passages reviennent sur l’histoire du personnage, de sa mort et de sa renaissance en tant que Deadman et montrent les réflexions du personnage à propos de sa vie et son rôle. Cela confère un aspect métanarratif au récit, puisque le super-héros se trouve littéralement mis en scène au théâtre ou à la télévision pour évoquer sa propre histoire et celle de son allié. La solitude de Deadman est par ailleurs mise en avant dans ces planches par le fait que les chaises sont vides dans le théâtre où il s’exprime, ce qui accentue l’aspect tragique de son histoire.

Cette planche mobilise des cases larges qui permettent de mettre en évidence la solitude de Deadman, d’abord par l’ensemble de chaises vides dans la première case, puis par l’emploi de plans rapprochés qui le montrent face à cet auditoire absent. Les jeux de lumière, avec des ombres qui tombent sur la partie gauche de son visage et de son costume viennent ternir son discours qui se veut être positif et mettent en évidence l’aspect tragique de son passé. Les dégradés de couleurs et le fait qu’elles débordent les unes sur les autres montre quant à lui l’aspect onirique de ce passage, qui se déroule dans l’esprit du personnage. J’ai personnellement beaucoup apprécié cette découverte de Deadman, que je ne connaissais que très peu, comme Sandman d’ailleurs.

Face à une menace cauchemardesque issue du monde onirique, il était logique de mettre en scène des personnages dont les univers et les capacités sont liées aux rêves et surtout à l’horreur. Deadman et Sandman se trouvent alors (re)mis sur le devant de la scène, ce qui apporte une dose d’originalité, puisque l’on s’éloigne des figures super héroïques habituelles que sont Superman, Batman et Wonder Woman, d’ailleurs endormis (ou possédés dans le cas de l’homme chauve-souris) pendant la durée du récit. Cela rejoint l’importance des rôles accordés à des personnages qui passaient auparavant au second plan, tels que le Limier Martien et Hawkgirl dans No Justice, puis New Justice.

L’aspect horrifique de Knight Terrors se remarque d’abord dans son utilisation des cauchemars qui envahissent l’esprit des personnages, mais aussi dan sa mobilisation du registre du Body Horror. Le Body Horror est un mode de l’horreur qui consiste à décrire des corps mutilés, modifiés ou démembrés, avec un usage du grotesque et du gore qui vise à maximaliser l’horreur. L’apparence physique d’Insomnia se situe dans ce registre, puisqu’il se mutile les yeux afin qu’ils restent ouverts, ou les créatures grotesques qu’il contrôle, parmi lesquelles les Chevaliers de l’éveil, des versions monstrueuses et déformées de Batman, Superman et Wonder Woman. Le dessin met en évidence le débordement des cauchemars sur le monde réel.

Le Body Horror transparaît dans cette planche d’abord par le choix d’une pleine page et d’un plan large qui nous donne à voir le corps d’Insomnia, dont les yeux exorbités sont perpétuellement ouverts et dépourvus de paupières, de sourcils ou de cils, qui ont été écorchés. Sa peau pâle est striée de taches violettes qui semblent la recouvrir de plus en plus, et autour de lui se trouvent des personnels médicaux d’Arkham, dont les corps sont déformés eux aussi. Par ailleurs, des masses informes et monstrueuses au second plan nous montrent que le monde des cauchemars déborde sur la réalité, offrant des visions affreuses à ceux qui sont éveillés.

Sans trop rentrer dans les détails, les événements de Knight Terrors montrent une remise en question du statut des super-héros, qui deviennent craints par les civils. Ainsi, si les super-héros bénéficient habituellement d’une image positive auprès de la population, les événements de ce crossover font d’eux des sources de terreur, ce qu’on voit dans la manière dont ils sont perçus, par les adultes comme les enfants. Ils chutent de leur piédestal et ne sont par conséquent plus des idoles, mais des dangers.

Le mot de la fin


Knight Terrors est un crossover de l’univers de DC Comics scénarisé par Joshua Williamson, dans lequel l’auteur met en scène l’irruption d’un nouvel antagoniste, Insomnia, qui plonge presque l’entièreté des super-héros et supe vilains dans un sommeil qui les confronte à leurs pires cauchemars. Pour l’empêcher de tuer l’entièreté de la population, Deadman, un héros mort vivant, prend possession du corps de Batman et fait tout pour l’arrêter. Le récit se situe alors dans une veine plutôt horrifique, avec des visions d’horreur et du Body Horror.

Au cours de Knight Terrors, Deadman apparaît comme un personnage tragique, ce que montrent les introductions des différents chapitres, qui mettent en évidence sa solitude, isolé des vivants et les accompagnant pourtant.

Si vous voulez découvrir des super-héros que vous ne connaissiez pas, ou si vous aimez l’univers de DC Comics, je vous recommande la lecture de Knight Terrors !

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