Le Fou prend le roi, de Fabien Cerutti

Salutations, lecteur. Je t’ai précédemment parlé de L’Ombre du pouvoir, premier tome de la série du Bâtard de Kosigan de Fabien Cerutti. Que les choses soient claires, j’ai beaucoup aimé ce premier tome, et j’ai par conséquent décidé de lire la suite du premier cycle des aventures du Bâtard et de son descendant. Aujourd’hui, je te parle donc du tome 2,

Le Fou prend le roi

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Introduction

 

Cette introduction sera sensiblement la même que celle que j’avais rédigée pour ma chronique du premier tome. Je tiens néanmoins à vous prévenir qu’il s’agit d’une chronique de tome 2. Par conséquent, des spoils du premier tome risquent d’être présents.

Fabien Cerutti est un auteur de fantasy français. En parallèle de sa carrière d’auteur, il est professeur agrégé d’histoire, et vous verrez que cela se ressent dans ses récits, dans lesquels on trouve de très solides connaissances historiques. Il a pour l’instant publié quatre romans aux éditions Mnémos. Ces romans forment le premier cycle du Bâtard de Kosigan, avec, dans l’ordre, L’Ombre du pouvoir, Le Fou prend le roi, Le Marteau des sorcières et Le Testament d’involution, initialement parus entre 2014 et 2018. Les romans sont également disponibles au format poche dans la collection FolioSF de Gallimard depuis 2017.

Voici la quatrième de couverture du deuxième tome de cette série :

« 1340, au cœur du comté de Flandre. Alors que les premiers feux de la guerre de Cent Ans s’allument, le Bâtard de Kosigan et ses Loups se voient confier, par le sénéchal d’Angleterre, la délicate mission de découvrir les tenants et aboutissants d’un complot qui se trame… autour du roi de France.

Une enquête surprenante et extrêmement dangereuse, mêlant trahisons et forces obscures, dans laquelle l’ascendance surnaturelle du Bâtard, habituellement son plus grand atout, pourrait bien se muer en talon d’Achille.

Cinq siècles et demi plus tard, à la fin de l’année 1899, l’enquête engagée par le lointain descendant du chevalier tente de faire la lumière sur l’inexplicable disparition des puissances magiques. Entre Bruges et Lens, peut-être mettra-t-elle à jour la nature des ombres qui se dissimulent derrière les échos cachés de l’Histoire. »

L’intrigue suit donc directement celle du premier tome, quelques mois après les événements qui se sont déroulés au comté de Champagne, au commencement de la guerre de Cent Ans. Le Bâtard de Kosigan va donc devoir composer avec les intrigues qui se déroulent non pas autour d’un, mais de deux rois.

Mon analyse vous parlera de l’étoffement de l’univers et de l’intrigue, ainsi que de l’évolution du personnage du Bâtard et de sa compagnie.

 

L’Analyse

Un univers qui gagne en richesse, et qui s’imbrique encore plus dans l’Histoire

 

L’action du eomprend place à l’aube de la guerre de Cent Ans.

Pour rappel, la guerre de Cent Ans, qui a duré de 1337 à 1453 (avec quelques interruptions entre ces deux dates, tout de même), opposait le royaume de France, alors dirigé par Philippe VI de Valois, au royaume d’Angleterre, dirigé par Edward III Plantagenêt, pour des questions territoriales, puisqu’Edward III revendique… la couronne de France, ainsi que tous ses territoires, parce qu’il descend en ligne directe d’un roi de France, alors que Philippe de Valois n’est issu que d’une branche cadette. Si vous souhaitez vous documenter sur cette guerre de manière plus précise, je vous conseille la page Wikipédia à son sujet, qui est certifiée article de qualité.

À ce début de guerre de Cent Ans, Fabien Cerutti ajoute des enjeux surnaturels, puisque le Bâtard de Kosigan est engagé par la couronne anglaise pour mettre au jour un mystérieux complot qui vise le roi de France, mais peut-être également le roi d’Angleterre. Ce complot va complexifier et ajouter de la densité à l’intrigue du roman, puisqu’elle va, par voie de conséquence, se jouer à plusieurs niveaux. Pour rappel, une intrigue à plusieurs niveaux, c’est une intrigue qui se joue à différents étages en fonction des personnages et des factions, qui servent un objectif qui leur est propre, et qui peut rentrer en accord ou en contradiction indirecte avec les plans d’une autre faction, plus grande ou plus puissante, ainsi que je l’avais dit dans mon article sur Les Jardins de la Lune, de Steven Erikson. Ainsi pour vous donner un exemple sans vous spoiler, Kosigan est engagé par le roi d’Angleterre pour découvrir le complot qui va frapper le roi de France, puis la couronne de France engage également Kosigan pour enquêter sur la mort du dauphin Jean, alors que dans l’ombre, des complots s’ourdissent autour des deux couronnes. Le surnaturel interviendra de bien des manières dans ces machinations, mais je ne peux rien vous révéler sans vous spoiler. Sachez qu’il s’imbrique plus que jamais dans l’Histoire, pour créer une Histoire alternative et ainsi donner une véritable identité à l’univers de Fabien Cerutti.

Du côté du monde rationnel du 19ème siècle, le lecteur suit non pas Kergaël de Kosigan, mais ses compagnons (son ami Charles Chevais Deighton, son professeur Ernest Lavisse, l’historien Léopold Delisle), puisque Kergaël est mis hors-course pour une durée indéterminée, puisqu’on a attenté à sa vie. Ses amis vont donc tenter de savoir qui a attenté à sa vie, tout en continuant de suivre les traces laissées par Pierre Cordwain de Kosigan pour en apprendre plus sur la disparition de la magie et des « peuples anciens » à leur époque. Vous aurez donc l’occasion d’entendre parler, là aussi, de « manipulations » qui ont été orchestrées pendant plusieurs dizaines de générations et qui sont liées à des sociétés secrètes bien connues et qui font fantasmer bien des théories du complot. L’auteur est même allé jusqu’à utiliser certaines de leurs méthodes de chiffrement pour créer des messages codés ! Encore une fois, la forme épistolaire confère de l’originalité au roman, et permet de différencier clairement les deux époques que le lecteur suit.

Mais revenons au monde médiéval, qui développe l’univers du Bâtard.

Ce deuxième tome nous en apprend plus sur l’Inquisition, son organisation et ses méthodes pour lutter contre les « peuples anciens ». Ainsi, certains de ses membres disposent d’armures immunisées à la magie et savent également la détecter. Le lecteur voit également de nouveaux « peuples anciens » en action, avec les Elfes noirs ou Svartalfar, qui sont bien moins sympathiques que les Elfes qu’on a pu observer dans le premier tome, des Ogres, qui sont des guerriers aguerris, des vouivres anglaises, et un « maintcouleurs », véritable dragon polymorphe. On entend également parler des Seigneurs-Loups, qui sont des Humals (des hommes à tête d’animal) à tête de loup. L’univers créé par Fabien Cerutti se développe donc encore, et nous permet d’observer de manière directe la domination de la chrétienté sur les « peuples anciens » et leurs rites, ainsi que leur opposition brutale. Ainsi, l’ordre chrétien cherche à détruire les traces du paganisme et de ses peuples, tandis que l’ordre des « peuples anciens » cherche à supplanter la chrétienté, et cela est très visible dans l’intrigue et son déroulement. À noter que l’auteur ne donne raison à aucun ordre, puisque chacun d’eux se rend coupable d’exactions assez terribles.

La magie pré-chrétienne se dévoile aussi au lecteur, à travers des scènes de sacrifices (ou plutôt, d’après sacrifices) particulièrement sanglantes, qui expliqueront, avec la narration et les dialogues, que les magies anciennes sont extrêmement puissantes, mais qu’elles coûtent très cher, puisqu’elles demandent des sacrifices qui sont parfois très conséquents. On découvre également le mystérieux « noir-sang », qui coulerait dans les veines de Pierre Cordwain de Kosigan, et qui réserve bien des mystères et des surprises, en plus d’expliquer certaines facultés du Bâtard. On observe donc que la Surnature dépeinte par Fabien Cerutti est encore bel et bien présente au Moyen-âge et qu’elle a les moyens de faire jeu égal avec les forces chrétiennes, malgré le fait qu’elle soit en train de dépérir.

De plus, ce deuxième tome comporte beaucoup d’échos avec l’intrigue du tome précédent, puisque le Bâtard croise des personnages qu’il a rencontrés en Champagne et qui se méfient de lui, comme Robert de Navarre ou le Prince Noir d’Angleterre, mais aussi des alliés, tels Gunthar Von Weisshaupt, l’Humal à tête de lion, ou Guillaume le Maréchal. Vous aurez donc l’occasion de voir que Pierre Cordwain de Kosigan est loin d’être apprécié de tous et que sa réputation, ainsi que ses actes passés le suivent partout où il va.

 

Des personnages qui se développent

 

L’Ombre du pouvoir, premier tome de la série, nous montrait le Bâtard de Kosigan sûr de lui, en position de contrôle presque absolu sur les événements du comté de Champagne. Le Fou prend le roi, quant à lui, nous montre le Bâtard en très fâcheuse posture, au point qu’il ne peut plus rien calculer ou presque tant il est dépassé par les événements. Il est également blessé, moralement et physiquement, puisqu’il va souvent devoir faire face à la mort et au sentiment d’urgence, sans forcément avoir d’échappatoire. Il dévoile également de nombreux éléments de son passé, notamment sa période de formation, qui semble pour le moins avoir été éprouvante (vous a-t-on déjà demandé de rouer de coups votre instructeur ?). Le Bâtard enquête également sur ses origines et celles de sa mystérieuse mère, ainsi que sur le fameux noir-sang qui semble couler dans ses veines et qui lui prouve qu’il n’est pas seulement humain, et croyez-moi, cela promet pour la suite ! Tout cela ajoute de la profondeur au personnage, en lui conférant une part de mystère supplémentaires, et en le rendant un peu moins maître de son destin que dans le tome précédent.

Les compagnons du Bâtard, ses « loups », sont également développés par l’auteur. Dùn (la jeune Changesang), bien qu’agissant en solitaire, montre tout son talent face au Prince Noir durant les chapitres qui se déroulent de son point de vue (la mécanique de « l’okram » justifie d’ailleurs parfaitement le fait que le lecteur puisse suivre le déroulement des pensées d’un personnage). Edric possède aussi un chapitre dans lequel le lecteur a son point de vue sur les événements ce qu’il vit, ce qui nous permet aussi d’observer ses pensées et ses sentiments, d’autant plus qu’il vit dans ce tome des choses assez traumatisantes (mais je ne vous dirai rien, comme d’habitude). On découvre également d’autres personnages de la compagnie de Kosigan, avec Parleur ou encore le nain Maracaille de Formigal. Ainsi, les personnages de la compagnie de Kosigan ne sont pas des faire-valoir du Bâtard, et possèdent une individualité. Individualité qui se retrouve dans les différentes manières de parler de chacun des « loups » et dans la façon dont ils s’adressent à leur capitaine (« capitaine » pour Qu’un Coup, « p’taine » pour Toaille, « ‘pitaine » pour Janvier…).

Pour terminer, sachez que l’ambiance de ce deuxième tome n’est pas totalement sombre, puisqu’on retrouve l’humour cynique du Bâtard dans des répliques et des commentaires toujours très ironiques sur les événements dans lesquels il est pris.

 

Le mot de la fin

 

Le Fou prend le roi développe encore et complexifie l’univers du Bâtard de Kosigan. Fabien Cerutti mène son intrigue avec brio, tout en ajoutant de l’épaisseur à Pierre Cordwain de Kosigan et à Kergaël, son descendant. Si vous aviez aimé le premier tome de cette série, vous ne pourrez qu’apprécier celui-ci, que je vous conseille vivement !

J’ai également chroniqué les volumes suivants de la série, Le Marteau des sorcières et Le Testament d’involution 

Vous pouvez également consulter les chroniques de Boudicca, Dionysos, Célindanaé, Blackwolf, l’Ours Inculte, Ogrimoire, Joyeux Drille, Portdragon, Dup, Xapur, Lianne,

11 commentaires sur “Le Fou prend le roi, de Fabien Cerutti

      1. Je ne sais pas, à toit de voir selon ce que tu auras à dire sur les romans. La fin du 3 est un gros cliffhanguer et le 4 continue exactement là ou ça s’arrêtait. Les 2 sont assez gros, ça risque de faire beaucoup pour une seule chronique.

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