Les Questions dangereuses, de Lionel Davoust

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’une novella de fantasy à la fois drôle et pleine d’esprit.

 

Les Questions Dangereuses¸ de Lionel Davoust

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Introduction

 

Avant de commencer, je tiens à préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions ActuSF, que je remercie de m’avoir envoyé cette novella !

Lionel Davoust est un auteur français né en 1978. Parallèlement à sa carrière d’écrivain, il est également musicien, anthologiste et traducteur. Il a dirigé les anthologies du festival des Imaginales de 2012 à 2014, et a notamment traduit la série du Bibliomancien de Jim C. Hines chez l’Atalante. Il anime également le podcast « Procrastination », une émission bimensuelle d’une quinzaine de minutes pendant lesquelles il discute et donne des conseils au sujet de l’écriture, avec Mélanie Fazi et Laurent Genefort. Si vous écrivez, je ne peux que vous conseiller l’écoute de ce podcast.

Lionel Davoust a écrit une trentaine de nouvelles, parues dans des anthologies ou en recueils, et plusieurs romans, dont Port d’âmes en 2015 aux éditions Critic et la trilogie des Dieux du Fleuve commencée en 2017 avec La Messagère du ciel, toujours aux éditions Critic.

Le récit dont je vais vous parler aujourd’hui, Les Questions dangereuses, est à l’origine paru dans le second tome de l’anthologie De Capes et d’esprits publiée chez Rivière Blanche en 2011. Il a été repris par ActuSF dans la collection Hélios, et sera accompagné d’un entretien avec l’auteur.

Voici la quatrième de couverture du récit :

« 1637 : Qui a assassiné le docteur Lacanne, en plein château de Déversailles ? Pour connaître la réponse à cette question, le mancequetaire Thésard de la Meulière, son libram à la main, est prêt à résoudre les énigmes les plus perfides… jusqu’aux confins de l’indicible. »

Mon analyse de cette novella évoquera l’univers du récit, ainsi que son aspect réflexif.

 

L’Analyse

 

Un univers de Fantasy original et barré, mais pas que

 

Les Questions dangereuses se déroulent dans une France alternative du 17ème siècle, avec tout ce que ça implique… ou presque. En effet, la violence physique a complètement disparu, au point qu’elle est perçue comme barbare et que les gens ne sachent pas reconnaître une épée et a été remplacée par la violence verbale, celle des Questions et des Réponses. Dans l’univers imaginé par Lionel Davoust, les mots peuvent littéralement tuer, puisqu’on se bat à coups d’énigmes qui peuvent détruire le cerveau des adversaires s’ils ne sont pas capables d’y répondre. On observe donc un symbole intéressant, ce n’est pas parce que la violence physique est bannie d’une société qu’elle n’existe plus, ou que la violence tout court disparaît. L’auteur montre donc le pouvoir des mots en amplifiant leurs pouvoirs physiques.

La novella met donc en scène un jeu avec la langue et l’éloquence et l’auteur crée des néologismes porteurs de jeux de mots. Les mousquetaires deviennent des « mancequetaires », ils ne sont pas des bretteurs, mais des « brhéteurs », les bottes d’escrime sont remplacées par des énigmes et des jeux de logique, et les épées sont remplacées par des « libram », des volumes qui contiennent des énigmes.

L’auteur emprunte également à la langue française du 17ème siècle, avec des termes et des expressions datées (« fort méchante humeur », « dessein », « hostellerie »…) qui donnent un certain style au récit et au narrateur. Lionel Davoust joue aussi avec les codes de l’honneur et de l’étiquette de l’époque en le mentionnant plusieurs fois pour les tourner en dérision, mais je ne vous en dirai pas plus ! À noter que le récit évoque aussi la rivalité entre la France et l’Angleterre sur un mode souvent comique. L’humour est d’ailleurs assez présent dans Les Questions dangereuses, puisque le narrateur se moque souvent quelque peu des personnages et de leur situation, et s’adresse aussi au lecteur.

Dans l’univers du récit, beaucoup de personnes sont atteintes de dépression (appelée « neurasthénie ») à cause de la puissance des Questions. En effet, certaines d’entre elles, les plus philosophiques et métaphysiques restent sans Réponse et pèsent dans l’esprit de ceux qui se les posent. On observe donc le poids littéral des réflexions et de l’état dans lequel peuvent mettre les Questions. Encore une fois, l’auteur parvient à montrer le pouvoir des mots et de la langue en mettant en scène la douleur qu’ils provoquent ou peuvent provoquer.

Sans trop vous en dévoiler, le récit fait une référence claire et explicite à Lovecraft. Lionel Davoust montre que toutes les questions que l’Homme peut se poser ne sont rien face à l’ordre cosmique (ou à certaines entités de cet ordre cosmique), et qu’il est parfois mieux de ne pas trop se triturer les méninges lorsque certaines Questions peuvent rester sans réelle réponse. Les Questions dangereuses n’est pas un récit lovecraftien au sens strict du terme, mais utilise de manière très intéressante les idées déployées dans les récits du Maître de Providence, qui disent que l’homme ne peut comprendre l’univers, et tant mieux pour lui, parce que certaines révélations pourraient le rendre fou. On trouve aussi une référence à Chateaubriand et à la mélancolie romantique, qui s’associent avec le propos lovecraftien, et sont quelque peu tournés en dérision par le récit et les personnages. Ai-je également précisé que le titre de la novella était une référence explicite aux Liaisons dangereuses de Laclos ?

 

Le mot de la fin

 

En un texte court, Lionel Davoust parvient à montrer la violence et le pouvoir que peuvent avoir les mots, en transposant leur force dans un univers de Fantasy assez barré et original. Je n’avais jamais lu de textes de l’auteur auparavant, mais je pense que je m’intéresserai bientôt à ses romans !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Ombrebones, de FungiLumini, d’Aelinel, de Célindanaé, de Symphonie

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