Interview de Morgan of Glencoe

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de te proposer une interview de Morgan of Glencoe, autrice de Dans l’ombre de Paris aux éditions ActuSF !

Je vous rappelle que vous pouvez retrouver toutes les autres interviews en suivant ce tag, mais aussi dans la catégorie « Interview » dans le menu du blog.

Je remercie chaleureusement Morgan of Glencoe pour ses réponses très détaillées, et sur ce, je lui laisse la parole !

Interview de Morgan of Glencoe

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Marc : Peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaîtraient pas ?

Morgan of Glencoe : Bonjour ! Moi c’est Morgan of Glencoe, je suis Bretonne même si j’ai un nom écossais, je n’arrête d’écrire que pour jouer de la harpe celtique ou faire du JDR et du GN, et j’aime le thé, les phoques, les ratons-laveurs, mon chat, et le whisky. Voilà voilà.

Marc : Dans l’ombre de Paris a été à l’origine publié en autoédition avant d’être repris dans la collection Naos des Indés de l’imaginaire. Est-ce que ce sont les éditions ActuSF qui t’ont contactée, ou leur as-tu envoyé ton roman ? Comment s’est déroulé le contact avec l’éditeur ?

Morgan of Glencoe : Ah c’est une histoire amusante. En fait j’ai envoyé mon manuscrit avant publication à Audrey Alwett, qui à l’époque (2016 donc) dirigeait le label Bad Wolf, un label pour auto-édités. Mais de son propre aveu, mon synopsis (je suis nulle en synopsis) ne la branchait pas plus que ça… sauf qu’après avoir lu plusieurs commentaires Amazon, disons, élogieux, elle a décidé de s’y mettre. Et du coup elle m’a dit ok pour le label, mais j’ai pas eu le temps de l’avoir car entretemps ActuSF l’avait contactée pour faire de Bad Wolf une collection d’ActuSF. Donc elle est partie là-bas avec mon bouquin sous le bras, et de fil en aiguille, moi qui demandais un label d’auto-édition, je me retrouve dans une super maison d’édition ! Et c’est super chouette !

Bon je dois avouer qu’on a eu quelques péripéties en route, en particulier dû au fait qu’en dépit des apparences, je suis très, mais genre très timide (j’me soigne) et du coup j’osais parfois pas rappeler à temps pour demander où ça en était… Mais on y est, et on va bientôt pouvoir sauver Edwige, une lectrice qui attend depuis 2016 la suite de Dans l’ombre de Paris et pour qui on a créé le #sauvezedwige sur les réseaux sociaux, pour faire la promo du roman et faire sortir le tome 2 plus vite.

Encore une fois un énoooorme merci à Audrey, Jérôme, Samantha, Benjamin et Gaëlle grâce à qui vous tenez Dans l’ombre de Paris dans vos mains !

 

Marc : Comment s’est déroulée la rédaction de Dans l’ombre de Paris ? As-tu des anecdotes ou des souvenirs d’écriture à partager ?

Morgan of Glencoe : Ooooh je peux ? Trop bien ! L’anecdote la plus célèbre, c’est l’histoire de l’écriture des chapitres 11, 12, 13 et du finale. Parce que je les ai écrits d’une traite, en quelque chose comme trois jours, en usant mouchoir sur mouchoir et quasiment sans dormir ni manger. J’étais totalement traumatisée par ce que j’étais en train d’écrire. Je m’en veux encore, et je n’ai jamais pu relire cette fin de roman sans fondre en larmes. Ce qui n’a pas simplifié les relectures et corrections ultérieures…

Mais y’a des anecdotes plus mignonnes : par exemple, une de mes bêta-lectrices a beaucoup inspiré le personnage de Cers Alethia. Or, lorsqu’elle a eu fini le roman pour la première fois, elle me dit : « c’est fou comme je me sens proche de Cers, quand même, c’est comme si c’était un peu moi. » Aussi, pendant l’écriture, j’ai composé un certain nombre de thèmes musicaux pour certains personnages… et un jour, j’ai reçu un appel Skype d’une bêta-lectrice m’a fait une reprise au piano du thème de Pyro (son personnage préféré) c’était tellement gentil ! Cette même bêta-lectrice a aussi fait un cosplay de Pyro… avant la sortie du bouquin. Du coup personne ne savait en qui elle était cosplayée, mais c’était pas grave, elle était certaine de pouvoir revendiquer le premier cosplay de l’univers de LDG. Je dois dire qu’en tant qu’autrice, ça aidait vraiment à garder la motivation pour écrire !

Y’a aussi des anecdotes moins mignonnes… un autre bêta-lecteur m’a beaucoup reproché une certaine révélation qui survient au chapitre 10, en me disant que selon lui « ça enlevait tout charisme au personnage. » C’était la première réaction -phobe du roman. Et je ne l’avais même pas fini…

 

Marc : Le roman est le premier volume d’une série, La Dernière Geste. Peux-tu nous en dire sur les prochains tomes de la série ? Est-ce qu’ils sont déjà écrits ?

Morgan of Glencoe : Le principe de La Dernière Geste en tant que saga est bien que c’est une Geste, donc une longue pièce historico-épico-légendaire chantée. D’ailleurs, le chant en question existe vraiment dans l’univers de LDG, on en aura des extraits au début de chaque tome/chant.
Le deuxième chant (donc tome) est déjà écrit, oui, et je dirais qu’entre 30 et 40 % du troisième chant et du contrechant (qui est un genre de tome 3.5) sont aussi écrits, mais j’avance assez vite dedans, donc j’espère les avoir finis tous les deux au moment où paraîtra le deuxième chant.

Le deuxième chant parle de voyage, d’aventure, d’introspection plus ou moins réussie, et bien sûr de deuil. On dirait un peu du Jack London sauce Fantasy, enfin, dans ma tête toujours ça y ressemble. Avec un peu de Dumas en plein milieu. Ça bouge beaucoup plus que le premier chant, qui tenait plus d’un Hugo mélangé à du… je ne sais pas à quoi, mais à quelque chose, toujours !

Le troisième chant est vraiment la plaque tournante du récit, là où s’enclenche tout ce qu’on a vu se nouer avant.

Pour moi, les chants 1 et 2 forment la première partie de l’histoire, le chants 3 la deuxième, et les chants 4 et 5 la conclusion. Et le contrechant se passe pendant le chant 3, mais il est à part. D’où le fait que c’est un contrechant.

 

Marc : Le roman mêle créatures féeriques, telles que les Selkies ou les Aelings, et technologie contemporaine (micros, caméras…). Pourquoi avoir choisi ce cadre contemporain ? Est-ce que tu considères qu’on peut dire que Dans l’ombre de Paris relève de l’Arcanepunk ? Comment vois-tu la modernisation des univers de Fantasy ?

Morgan of Glencoe : On me demande beaucoup pourquoi j’ai choisi tel ou tel chose dans l’univers de LDG. Je vais t’avouer un truc, à toi qui lis ces lignes : je choisis rien du tout. Du moins pas consciemment. Ça naît comme ça naît dans ma tête, et ça donne un tout cohérent au bout du compte. Parfois, je me dis que la seule prise que j’ai vraiment sur cette histoire, c’est de la raconter de la plus belle façon possible. Parfois, je réalise que tel ou tel élément s’est incrusté dedans totalement sans que je m’en rende compte.

D’où aussi le fait que je pense que Dans l’ombre de Paris est définitivement un roman agenre. On m’a demandé s’il était arcanepunk, steampunk, hopepunk, urbanfantasy, modernfantasy, et je me rappelle plus des autres et… et en vrai, je n’en sais rien. Un peu de tout ça, aucun en particulier. Ça n’aide pas du tout d’ailleurs quand on me demande ce que c’est, comme roman. C’est de la Fantasy, ça, on est sûr. Pour le reste, La Dernière Geste elle est comme Bran, elle est agenre.

 

Marc : Tu t’appuies sur les cultures celtiques, avec le personnage de Taliesin par exemple, ainsi que la culture japonaise, comme en témoignent les marques de respect en -sama ou en -san, ou les descriptions des vêtements des personnages japonais. Quels sont tes rapports avec ces cultures ? As-tu fait des recherches sur celles-ci ?

Morgan of Glencoe : Alors pour la culture celtique, j’ai pas eu besoin de faire des recherches car c’est la culture dans laquelle j’ai grandi. En revanche, j’ai fait pas mal de recherches sur les cultures japonaises ottomanes et françaises, oui, il fallait que ce soit cohérent. Après, j’ai toujours aimé découvrir de nouvelles cultures et c’était très intéressant. Bon j’ai bien galéré avec toutes ces histoires d’étiquettes et de codes vestimentaires à la noix ! C’est incroyablement compliqué, faut vraiment avoir rien d’autre à penser pour vivre comme ça !

 

Marc : Certains dialogues comportent des phrases en anglais, qui apparaît comme une langue de secrets et de rébellion pour les personnages des Égouts. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Morgan of Glencoe : D’autres dialogues comprennent aussi des répliques en japonais et en selkyan, hein XD. Même si c’est probablement le dialogue en anglais du chapitre 12 qui fait que les gens retiennent surtout l’anglais. En fait ça fait juste partie du pluriculturalisme du monde de LDG. Le logrien (donc l’anglais) est simplement la langue maternelle de Sir Edward Longway, et quand on est ému, on a tendance à revenir à sa langue maternelle. C’est pour ça qu’il arrive à Bran de parler en selkyan, à Yuri de parler en japonais, et à Sir Edward de parler en anglais. Sauf que Sir Edward est moins bon en langues que les deux autres, et qu’il est facilement ému. Et qu’en plus il est bavard, contrairement à Bran. Donc régulièrement il sait plus comment parler français et donc il parle anglais. Et si Taliesìn avait parlé à certains moments au lieu de crier/chanter/se taire… ça aurait été en gallois. Ben oui, il est gallois, Taliesìn.

Mais il n’y a pas vraiment de « langue de rébellion », le logrien n’est, dans le roman, compris que d’une petite poignée de personnages et chez les Rats, seuls Sir Edward et Lady Lore la parlent. D’ailleurs, d’autres langues arriveront au fil des tomes…

Et surtout : ces brefs passages ne sont pas traduits, mais ils sont repris dans la narration de façon à ce qu’on comprenne ce qui se passe, du moins du point de vue de Yuri. Si vous ne parlez ni anglais, ni japonais, ni selkyan (et si vous parlez selkyan appelez-moi vous êtes sans doute télépathe ou alors vous avez volé mon carnet de notes XD) ce n’est pas grave, vous ne perdez pas le sens de ce qui se passe. Mais quand vous vous baladez dans le vrai monde, vous avez pas des sous-titres et des notes de bas de page à disposition, et en plus souvent il est impossible de garder l’entièreté du sens initial dans une traduction. C’est la puissance des langues, elles reflètent des façons de penser. Et chaque personnage du livre pense en fonction de sa langue maternelle. Qui n’est donc pas toujours le français.

 

Marc : Ton roman relève du genre de la Fantasy, mais tu utilises aussi le ressort de l’uchronie, en mettant en scène un royaume de France qui subsiste encore à l’aube du 21ème siècle. Pourquoi avoir choisi de maintenir le royaume de France et le régime monarchique ? On comprend également que la France fait partie des trois plus grandes puissances mondiales, avec le Japon et un sultanat Indien. Pourquoi avoir choisi cette configuration géopolitique ?

Morgan of Glencoe : Sultanat ottoman. L’Inde actuelle est divisée entre ledit Sultanat et l’Empire Japonais. Oui bon ok j’ai un peuuuu simplifié la carte du monde. En réalité, c’est une conséquence logique de la présence d’une « humanité alternative » : les fées. Face à une menace, qu’elle soit réelle ou imaginaire, les peuples ont beaucoup plus tendance à s’unir et à éviter les rébellions. Les peuples « dominants » se sont naturellement imposés, en prenant les plus arrogants et ambitieux du lot, et ceux qui avaient les moyens de par leur situation géographique de s’étendre à la mesure de leur ambition et de s’arrêter, satisfait, en rencontrant leurs alter-egos. Donc, les français, les japonais et les ottomans.

De l’autre côté, on se retrouve avec Keltia, qui, ne considérant pas les fées comme une menace, est morcelée en 7 petits royaumes alors qu’elle ne couvre que les îles brittaniques, l’Irlande et la Bretagne. Et qui ne se sont unis que pour avoir une vague chance de faire face aux trois autres en face.

Dans un tel contexte, pas étonnant que la Révolution Française ait échoué : si les Parisiens avaient pu se révolter, les campagnes, elles, n’auraient pas suivi car se révolter signifiait se passer de la protection offerte par les nobles, et donc se faire massacrer soit par des brigands, soit par des fées, parce que j’ai un scoop pour vous : celles-ci apprécient moyennement qu’on leur kidnappe leurs gamins pour les envoyer dans des arènes ou dans des mines… ou pour finir en steak. Le steak de fée est un met de choix pour certains nobles. Sauf que les fées, contrairement à la plupart des espèces animales que nous connaissons, ne se laissent pas faire bien gentiment. Donc, monarchie et tyrannie partout, parce qu’il existe dans ce monde-là une menace plus grande, du moins dans l’imaginaire collectif. D’où aussi le fait que les Keltiens passent pour des fous. Et que les règles dans la Communauté des Rats soient si strictes.

 

Marc : Quels sont les personnages que tu as préféré écrire ? Lesquels t’ont donné le plus de mal ?

Morgan of Glencoe : J’adore écrire Yuri, parce que c’est une jeune femme avec de la ressource, des capacités d’adaptation folles (ça fait vraiment partie de son caractère, c’est un caméléon social) et surtout un sens de la répartie juste brillant, même quand elle ne peut pas le dire, elle le pense, et rien que ça c’est jouissif. Pyro est une vraie bouffée d’air frais, ainsi que Trente-chênes et les 4 membres de la famille Alethia. Sir Edward, Bran et Taliesìn sont complètement évidents à écrire, surtout quand ils sont ensemble.

De façon générale la plupart de mes personnages me semblent faciles à écrire parce qu’ils savent ce qu’ils font, ou du moins ce qu’ils veulent faire. Après, il y en a que je préfère parce que j’ai plus d’affinités avec eux, mais les autres ne sont pas plus difficiles à écrire. C’est juste moins plaisant, principalement parce que j’ai envie de les gifler, ou de les secouer, ou de les contredire mais que je ne peux pas, parce que je suis l’autrice, pas un personnage… En plus des fois ce sont des personnages que j’aime sincèrement, je voudrais bien leur dire qu’ils sont en train de se planter comme des buissons en novembre, mais bon. J’ai pas le droit, je suis juste la narratrice.

 

Marc : En parallèle de l’écriture, tu es aussi musicienne. Comment lies-tu ces deux activités ? Est-ce que c’est pour ça que tu accordes une place importante aux bardes, notamment Taliesin ?

Morgan of Glencoe : La musique c’est la vie. Déjà. La musique c’est beau, la musique c’est bien, écoutez-en. Surtout de la musique celtique, on n’écoute jamais assez de musique celtique, ce truc qui tombe juste sous le sens (et sous les doigts, quand comme moi on est harpeur.)

Mais sinon en vrai. Je ne sais faire qu’une seule chose correctement : raconter des histoires. Que ce soit avec des mots ou avec des notes, je raconte des histoires. Je change juste de support. Ou des fois même pas : comme je l’ai dit plus haut, certains personnages de LDG ont leur thème musical « officiel » et après « Wild Mountain Thyme », la chanson fil rouge du tome 1, est une vraie chanson (tapez le titre sur Youtube vous trouverez des tonnes de versions différentes… et si vous voulez ma version à moi, suivez mes lives sur Twitch, on me la demande régulièrement) et il peut être bon de lire une certaine scène en écoutant l’air en ré mineur de Bach.

Et oui, bien sûr, la musique ne pouvait qu’avoir de l’importance dans un univers qui sortirait de ma tête. Et notre monde à nous aurait bien besoin de retrouver ses Bardes, des musiciens diseurs de vérité, dont la sagesse n’a d’égale que la beauté du chant, et face à qui personne ne peut rester insensible…

 

Marc : Est-ce qu’on en apprendra plus sur les Rêvedragons, les Bardes et le fonctionnement de leurs pouvoirs dans les prochains volumes ?

Morgan of Glencoe : Owi owi owi ! D’ailleurs tu es le seul à en avoir parlé, des Rêvedragons, dans ta chronique, et du coup : oui, on va en parler, et on va pas en parler qu’un peu. Mais je peux déjà donner, sans spoiler, les grandes lignes de la théorie (même si ça reste les grandes lignes, sinon on y est encore dans une semaine) : dans LDG, il y a des dragons élémentaires. Sauf que ces dragons sont… intérieurs aux gens. Et en même temps constitutifs du monde.

Il existe 4 stades majeurs de prise de conscience de ces dragons, qui influent profondément sur la façon dont la personne influe sur son entourage et sur l’univers en général.
Les Mortdragons sont des personnes dont les dragons intérieurs sont morts. C’est très rare, et ça arrive souvent quand la personne se maudit elle-même dans son incarnation précédente, ou rate son initiation de Dancedragon. Mais c’est aussi le cas de toute l’espèce des Fomoires, dont la plupart des membres ne sont pas aussi sympatoches que ceux qu’on croise dans le premier chant de la Geste.

Les Dorsdragons représentent 99% de l’Humanité, ce sont les gens dont les dragons dorment, tout simplement, d’un bon gros sommeil bien lourd et qui font leur vie sans être conscients de cet état de fait, ou en s’en fichant, parce que disons-le, faire évoluer ses dragons, c’est long, lent et risqué.

Les Rêvedragons, comme Sir Edward, sont des humains qui ont suivi une initiation spéciale, longue, complexe et parfois risquée, visant à faire passer leurs dragons du sommeil profond au sommeil paradoxal via une prise de conscience de l’univers, par la méditation et la pratique intensive d’un ou plusieurs arts permettant d’exprimer cette conscience et cette union. Ils acquièrent alors des capacités exceptionnelles dans certains domaines précis et leur « aura » s’en trouve modifiée.

Les Dancedragons, enfin, sont ceux qui ont passé plusieurs dizaines de vies (oui la réincarnation existe dans le monde de LDG) à éveiller leurs dragons et profitent donc de leur plein potentiel. C’est le cas de Taliesìn. Un Dancedragon entraîné peut utiliser n’importe quel pouvoir élémentaire, et de façon plus puissante que la plupart des fées, « voyager » sur la toile du monde, donnant l’illusion qu’il se téléporte, et un tas d’autres trucs sympas. Mais aussi, c’est un processus tellement long et dangereux qu’il arrive que ça rate, et à certains moments de l’éveil, une seule petite erreur peut faire d’un apprenti-Dancedragon un pauvre Mortdragon.

Les fées tirent leur pouvoir du fait que le dragon de leur élément est éveillé dès la naissance. Par exemple, un Aeling naît avec un dragon de l’Air naturellement éveillé, et en sachant instinctivement user de ses capacités élémentaires. Mais ses autres dragons dorment.

Les métisses et hybrides, comme HA-17, ont un dragon rêveur, mais pas éveillé, ce qui donne des capacités bâtardes et imparfaites, mais existantes.

Et puis bien sûr, il y a des stades intermédiaires, comme Bran, mais ils sont instables, donc, et c’est une phase dangereuse de l’apprentissage.

Au passage, si vous avez envie d’en savoir BEAUCOUP plus sur l’univers de LDG, j’ai un Patreon qui y est consacré, il y a des histoires en plus, des vidéos entièrement consacrées à l’univers, etc. bref, c’est the place to be pour connaître le lore de LDG. Et aussi, il y a des rencontres Patreon avant la plupart des dédicaces, des concours spéciaux 100% gagnants pour eux, etc. C’est par ici : https://www.patreon.com/morganofglencoe

 

Marc : Dans l’ombre de Paris traite aussi de thématiques fortes, liées aux questions de genre, d’intolérance et de sexisme, avec des personnages féminins victimes de stéréotypes et profondément aliénés par leur société, et des fées traitées comme des animaux. Pourquoi avoir choisi la Fantasy et le monde alternatif que tu as créé pour traiter de ces thématiques ? Selon toi, en quoi la Fantasy constitue un bon moyen d’aborder ces questions ? Est-ce que la Fantasy dotée d’univers technologique te semble plus pertinente pour traiter de ces thèmes qu’une Fantasy plus « classique » ?

Morgan of Glencoe : Un peu pareil que dit plus haut, je n’ai pas spécialement choisi. Les personnages sont arrivés avec ce qu’ils étaient, dans un univers qui définitivement ne les acceptaient pas tels qu’ils étaient. Donc ça allait forcément faire conflit, et encore, certains n’ont pas eu assez de temps pour qu’on s’aperçoive de ce qu’ils vivaient (comme Pierre Drauf, le maître d’armes : s’il n’a jamais réussi à apprendre à lire, c’est parce qu’il est dyslexique).

Certaines situations, et un certain dialogue assez marquant du livre, sont en revanche bel et bien des copier-coller de scènes que j’ai vécu ou vu vivre dans notre monde, et qui m’ont tellement marquée ou choquée que je les ai « exorcisées » dans cette histoire. On m’a beaucoup dit que c’était très poussé, notamment niveau sexisme, mais il existe plein de milieux de notre société qui ne valent pas mieux que ça, et je n’ai que rarement inventé les répliques ultra-discriminantes qui sont dans le roman : je les ai entendues, dans la bouche de gens bien réels, et je les ai notées au cas où. Et un beau jour, pouf, elles avaient parfaitement leur place dans le dialogue en cours…

Après, je fais souvent les choses et je réfléchis à ce que j’ai fait une fois que c’est fini, et c’est très éclairant : pourquoi la Fantasy ? Parce que le pas de côté de l’imaginaire est un outil extrêmement puissant. On ne voit pas vraiment une image quand on a le nez collé à celle-ci, on n’entend pas pleinement une musique quand on est un des instruments de l’orchestre, et on ne voit pas la solution idéale à un problème quand on le vit. Passer dans un genre de l’imaginaire, c’est prendre du recul, créer une situation similaire mais différente, qui permet d’envisager plus sereinement des propositions, des solutions. Parce que s’il y a un « but social » à LDG, j’entends, un autre but que raconter une histoire cool avec des personnages hauts en couleur et de la magie partout, ce n’est pas de dénoncer. Dénoncer, c’est la partie la plus facile, dès qu’on a compris que la situation était délétère. Mais chercher des solutions et les proposer, ça, c’est nettement plus compliqué. Ou alors, ça passe pour un excès de confiance en l’Humanité. Mais au moins, c’est mieux que d’accepter le statu-quo en mode « deal with it » ou de râler ad vitam sans rien faire pour que ça change.

On m’a beaucoup dit aussi que les Égouts étaient une utopie. Une utopie ? Une communauté où on se passe les chaussures parce qu’il n’y en a pas pour tout le monde, où le moindre incident peut entraîner la mort de tout le monde, et où la peine de mort est régulièrement la seule solution ? Et encore, j’ai pas encore parlé du nombre de fois où ils ont failli être inondés, ou mourir de faim parce que c’était « pas une bonne année »… En vrai, ce qui fait tenir les Égouts, c’est ce qui fait tenir la Triade, et ce qui fait tenir Keltia : le fait qu’il y a un danger trop important en face pour qu’on donne priorité à des conflits internes.

Ceci dit, vu le danger auquel l’Humanité fait face actuellement sans arriver à s’unir, à savoir la destruction lente et inexorable de notre seule planète viable, des fois je me dis qu’effectivement, j’ai peut-être un peu trop confiance en l’être humain.

 

Marc :Tu opposes un ordre ancien, entre autres symbolisé par la monarchie et l’aristocratie française et leur manière de concevoir la société, avec le sexisme, le racisme et l’homophobie qui en découlent, et un ordre nouveau, constitué par Keltia, le Rail ou les Égouts, qui agissent et pensent de manière plus démocratique et libérée. Est-ce que malgré le choc tragique que constitue l’affrontement entre ces deux pôles, tu qualifierais ton récit d’optimiste ? Pourquoi ?

Morgan of Glencoe : Je ne dirais pas qu’il y a un ordre ancien et un ordre nouveau. Keltia existait avant la fondation de la Triade ! Et le Rail et les Égouts n’en sont que des ramifications… Il y a plutôt l’ordre de la peur et l’ordre de la confiance. Keltia a choisi la confiance, choisi de croire que les gens, une fois éduqués correctement, peuvent œuvrer ensemble à un système viable et solidaire, et que les tricheurs et les gens vraiment foncièrement mauvais, néfastes et malveillants ne sont qu’une minorité négligeable face à l’irréductible mur formé par la solidarité de tous les autres. Et ce « tous les autres » inclut la Nature, car les fées sont, intrinsèquement, des forces de la Nature.

La Triade a choisi la peur, et de croire que seule la peur permet à un gouvernant d’émerger et d’aligner les autres de plein droit derrière lui, sans respect pour leur personne et leur libre-arbitre, car sans cette gouvernance, ils ne seraient, tous et individuellement, que des couards tricheurs et veules. Mais un système injuste engendre forcément des individus injustes et tricheurs, puisque c’est la seule façon de s’en sortir !

Et oui, je crois que Dans l’ombre de Paris est un récit optimiste, mais pas irréaliste ou naïf pour autant. Et pas manichéen non plus. Après tout, jusqu’au bout, Louis-Philippe est persuadé de faire ce qui est utile et bien ! Mais heureusement qu’il y a une suite, sinon, ce serait déprimant. Et déprimer, c’est pas marrant.

 

Marc : Tu mets aussi à distance certains stéréotypes sexistes, sur les femmes notamment, grâce au ressort de l’ironie et de l’humour qui viennent souligner le comportement parfois très guindé de Yuri. Pourquoi avoir choisi d’apporter cette touche d’humour ?

Morgan of Glencoe : Parce que rire, c’est la vie, et c’est une jolie musique. C’est pas pour rien que Pyro fait partie des personnages préférés des lecteurs ! (oui je tiens les comptes, si vous voulez savoir le podium est tenu par Bran, Yuri et Pyro avec Sir Edward, Trente-chênes et Ren pas loin en-dessous. Mais un jour je ferai un grand sondage pour savoir.)

L’humour, c’est parfois un peu le dernier rempart contre le cynisme, le désespoir, ou le désabusement, trois états d’esprit qui, s’ils sont parfois tentants, n’apportent rien, finalement.  Et puis il faut jamais trop se prendre au sérieux.

 

Marc : Aurais-tu des conseils pour les jeunes auteurs ?

Morgan of Glencoe : Alors je vais dire un tas de trucs et ils sont relatifs, vous n’êtes pas oblig2S de tous les appliquer à toutes vos histoires tout le temps, mais c’est ce qui vous fera progresser… En vrac :

Commencez par des histoires courtes s’il le faut, mais finissez-les. Écrire les fins, c’est le plus dur. Si vous n’y arrivez pas en linéaire, essayez en structurel. Et puis formez-vous, la théorie ça aide. À pas s’enfoncer dans les poncifs et les clichés, à oser de nouveaux trucs, à étayer son imaginaire avec des trucs solides, et à devenir conscients post-écriture de ce qu’on a fait.

Analysez vos fictions préférées. Bossez votre style. Donnez-vous des objectifs pour progresser. Écrire est une vraie discipline artistique, la technique fait partie du jeu. Les ateliers d’écriture, les chaînes Youtube de théorie de la fiction (en français, vous avez celle du Tropeur  https://www.youtube.com/user/linkesoncable et la mienne https://www.youtube.com/c/MorganofGlencoeOfficiel qui proposent vraiment de la formation théorique à l’écriture) les podcasts (Procrastinatioooooon : https://lioneldavoust.com/procrastination-podcast-sur-lecriture-en-quinze-minutes/ ) sont là pour vous aider, et vous faire passer de bons moments en prime. Vous avez aujourd’hui beaucoup plus d’outils à votre disposition que quand les générations précédentes ont appris à écrire… (bisous les Faëriens, à jamais dans mon cœur mon premier cercle d’écriture !).

Et surtout, éclatez-vous, écrivez pour vous-même, au pire ça ne plaira qu’à vous, au mieux ça plaira à d’autres gens, et un beau jour, vous vous retrouverez publiés avec des gens qui vous demanderont d’expliquer votre système de magie et vous demanderont un tas de trucs intelligents auxquels vous ne serez pas certains de savoir répondre XD.

 

Marc : Quelles sont tes prochaines dates de dédicace ?

Morgan of Glencoe : Aloooors à vos agendas les gens parce que la liste est longue :

Samedi 19 octobre, je suis à Paris, à la librairie Gibert Jeune, de 16h à 19h. Le lendemain, au passage, je suis en concert à 16h à Rouen, pour ceux qui veulent entendre Wild Mountain Thyme en live !

Ensuite, je serai au salon fantastique de Paris du 31 octobre au 2 novembre, et je participerai à cette occasion à deux tables rondes avec d’autres auteurs supers, sur la mythologie pour l’une et sur la nature pour l’autre.

Mercredi 13 novembre, je suis à l’espace culturel Leclerc de Vannes de 16h à 19h

Samedi 16 novembre je suis le matin de 10h30 à 13h à la librairie la Grande Ourse à Dieppe, et l’après-midi de 16h à 19h à la FNAC de Rouen.

Samedi 23 novembre, de 15h30 à 19h, je suis à la librairie l’Atalante à Nantes

Vendredi 30 novembre et dimanche 2 décembre je suis au salon du livre de Montreuil

Samedi 1er décembre je suis à la journée de l’imaginaire de Sèvres

Vendredi 6 décembre, je suis à l’espace culturel Leclerc de Saint Malo, de 16h30 à 19h30

Samedi 7 décembre, je suis à l’espace culturel Leclerc de Quimper de 16h à 19h

Vendredi 13 décembre, je suis à l’espace culturel Leclerc de Ploërmel de 16h30 à 19h30

Samedi 14 décembre je suis à l’espace culturel Leclerc de Brest de 16h à 19h

Et pour le moment, c’est tout ! Mais j’attends aussi de voir si je ne pourrais pas venir à Lyon, parce que j’ai plein de lectrices et de lecteurs qui veulent une dédicace à Lyon. Et puis les Bretons sont pourris-gâtés en dédicaces, hein, mais aussi ils sont près de chez moi…

Il y en a d’autres pour lesquelles j’attends des dates ou des infos, alors suivez-moi sur Facebook pour ne pas rater celle qui sera près de chez vous !

https://www.facebook.com/morganofglencoe/

10 commentaires sur “Interview de Morgan of Glencoe

  1. Sacrée belle interview. Mais pour tout dire, pour moi, le problème c’est pas tant la fin que je trouve difficile que tout le chemin pour y arriver. Je suis pareil, assez émotif sur certains trucs que je fais subir à mes personnages quand le roman est bon ; du coup la violence qu’ils subissent, je me la prends dans la tronche pareil ; et si le roman est mauvais, alors c’est aussi douloureux car écrire une purge est à peu près autant agréable qu’en lire une. Dans tous les cas, pouvoir terminer d’écrire un livre m’apparaît toujours une délivrance.

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  2. Une interview très intéressante et l’auteure a l’air très sympa. Du coup, je fais partie de ceux qui ont dit que la société des rats étaient utopique et je persiste. Maintenant, il faut voir comment cela évolue avec les tomes suivants. J’ai beaucoup aimé son univers, très fouillé et avec une double lecture. Honnêtement, je le conseille.

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