La Nef Céleste (T3 du Cycle d’Alamänder), d’Alexis Flamand

Salutations, lecteur. Il y a peu, je t’ai parlé des deux premiers tomes du Cycle d’Alamänder. Il est temps que je traite du dernier volume, qui a tout d’une conclusion explosive et magistrale.

La Nef céleste, d’Alexis Flamand

leha013-2018

 

Introduction

 

Cette introduction sera sensiblement la même que celle que j’ai rédigée pour le volume précédent.

Alexis Flamand est un auteur de Fantasy français né en 1970. En parallèle de sa carrière d’écrivain, il est également instituteur et rôliste. Il déclare comme influences des auteurs comme Fritz Leiber, Jack Vance ou H. P. Lovecraft.

Le Cycle d’Alamänder, dont il est l’auteur, a d’abord été publié par en quatre volumes par les éditions l’Olibrius Céleste, puis par l’Homme Sans Nom, entre 2008 et 2014. Les titres de ces quatre tomes, Le T’SankLe MehnzotainLe Xéol et La Yarkhanie, peuvent d’ailleurs être perçus comme des références aux quatre volumes du cycle de Tschaï de Jack Vance, qui reprennent les noms des peuples extraterrestres présents dans les romans, à savoir Le ChaschLe WankhLe Dirdir, et Le Pnume.

Depuis 2017, les éditions Leha ont repris Alamänder dans une version revue et corrigée par l’auteur, et publiée en trois volume. La Nef céleste constitue le dernier volume de cette trilogie, après La Porte des abysses, et La Citadelle de nacre.

En voici la quatrième de couverture :

« Fraîchement arrivés à Yarkhan, Jon et ses compagnons entreprennent une enquête qui les mènera bien au-delà des confins d’Alamänder. Aventures, rebondissements et révélations ahurissantes leur permettront de comprendre la véritable nature des enjeux autour de leur monde, les confronteront aux puissances qui se déchirent pour sa domination, et les obligeront à puiser dans leurs ultimes ressources pour survivre au combat décisif qui s’annonce. »

Autant vous le dire tout de suite, mon analyse du roman va majoritairement traiter, en faisant mon possible pour ne pas spoiler de manière directe, des coups de théâtre déployés par le récit et de leurs conséquences, tant en termes d’intrigue que sur le plan de la conception du monde.

 

L’Analyse

 

Narration et personnages

 

L’intrigue reprend là où s’arrête celle de La Citadelle de nacre, avec l’enquête de Jonas Alamänder pour retrouver le coupable du vol d’ouvrages dans la Bibliothèque Restreinte de YArkhan, la cité dans laquelle la magie prend la forme d’instructions similaires à de l’informatique. Alexis Flamand s’appuie donc encore une fois sur une enquête policière pour construire son intrigue, tout comme dans les volumes précédents.

Cependant, Alors que l’enquête de Jon se poursuit, on observe l’ouverture de conflits entre les différentes factions politiques d’Alämander, puisque Lamarr de Mehnzota a envahi Kung Bohr et s’est fait proclamer roi, certains kungbohréens se rebellent contre son autorité. Ces affrontement politiques empêchent les humains de s’unir contre le blé carnivore, qui cherche à envahir le continent pour exterminer l’Humanité. On observe que l’Humanité ne parvient que très mal à s’unir pour contrer l’offensive de cette force naturelle extrêmement dangereuse, qui agit avec une synchronisation parfaite, au point que tout le champ agit comme un seul épi, et pratique même la magie. Alamänder se trouve donc dans une situation de crise sans précédent.

Cependant, cette crise, combinée au motif de l’enquête, vont être utilisés par l’auteur pour dévoiler progressivement plusieurs zones d’ombre restées mystérieuses jusque-là, qui aboutissent à des révélations qui changent complètement la perception du lecteur sur le cycle et sa signification.

Sans rentrer dans les détails, ces révélations permettent une mise en abîme, voire plusieurs, de l’intrigue du roman et de ses personnages, qui questionnent ce qu’est l’acte de création et ses conséquences sur la relation entre le créateur et ses créations, ou le rapport de l’individu au monde et à sa perception de la nature véritable de celui-ci. Cela donne lieu à de nombreuses pistes de réflexions, notamment celle qui est primordiale selon l’auteur, c’est-à-dire le rapport des individus au pouvoir, et ce que la possession du pouvoir cause aux individus.

L’auteur interroge aussi ce qui sépare les individus des dieux, en montrant que la frontière entre les deux est parfois très mince, surtout lorsqu’on s’interroge sur la nature des dieux, mais aussi les distinctions entre la justice et la tyrannie, avec la manière dont elles peuvent s’entacher l’une l’autre, ce qu’on observe chez certains personnages comme le roi Ernst, Akir, ou encore Jon, d’une manière que vous découvrirez.

Le pouvoir et la manière de l’obtenir sont ainsi placés au centre du roman et de la série toute entière.

Ces révélations changent les perceptions du lecteur quant à la série et au monde qu’il découvre, mais aussi celles des personnages qui découvrent leur véritable nature, à commencer par Jon Alamänder, qui comprend ce que signifie sa nature d’Hempé, ainsi que le lien que cela engendre avec Maek, avec une immense part de tragique qui rattache les deux personnages, qui partagent un passé extrêmement lourd.

Elles amènent aussi à donner un tout autre éclairage à d’autres personnages, à commencer par le Dieu du mal Akir, qui apparaît bien plus complexe et ambigu moralement que la figure retorse qu’il est censé incarner. Les relations de Jon avec Edrick, Rachelle et Lia sont également profondément changées par ces révélations et les changements qu’elles amènent. À ce titre, certaines scènes du roman sont très riches en émotion et témoignent des liens qui unissent les personnages, notamment dans le carré amoureux qu’ils forment !

Les twists scénaristiques de La Nef céleste amènent également les enjeux du récit à changer, puisqu’on passe d’un récit de Fantasy avec de l’humour basé sur des enquêtes et des conflits politiques, à un récit beaucoup plus ambitieux en termes de création de monde et de vision de la magie, avec un traitement très proche de ce qu’on pourrait observer dans le genre de la Science-Fiction. Attention, il ne s’agit pas de faire un jugement de valeur sur ce qu’on peut lire ou non en Fantasy, mais d’observer qu’Alexis Flamand mêle de manière habile des thématiques et des éléments esthétiques de la science-fiction, la technologie en tête, à un décor général de Fantasy.

Toutes ces révélations bousculent et renversent donc le récit,changent ses enjeux, apportent de nouvelles perspectives sur les personnages, modifient considérablement son worldbuilding et la taxonomie dans laquelle on peut le classer. Elles expliquent aussi, de manière rétrospective, certaines prises de paroles assez cryptiques de certains personnages, notamment celles d’Akir dans le premier tome ou d’Anquidiath dans le deuxième, lorsqu’ils entrent en contact avec Maek et Jon. Ces dialogues, qui paraissaient cryptiques de prime abord apparaissent ici beaucoup plus clairs à la lumière des clés données par le récit, de même que d’autres indices laissés par l’auteur. On peut aussi observer que malgré les changements d’enjeux et de paradigmes, le récit fait toutefois toujours la part belle à l’intelligence et à l’inventivité de Jon pour lorsqu’il doit se tirer d’affaire, même dans les situations les plus désespérées, avec des séquences de joutes verbales et de préparations de plans complètement folles !

 

Un univers bouleversé

 

La Nef Céleste et ses révélations changent complètement le récit et la manière dont on peut envisager l’univers d’Alamänder, puisqu’on se rapproche de la SF, au point que les relations entre magie et technologie deviennent de plus en plus ambiguës, au point que les deux finissent par se confondre, entre mise en scène Fantasy et imaginaire scientifique et informatique très présents (je ne peux vraiment pas vous en dire plus). Cela fait que la question générique du roman est extrêmement intéressante, mais je ne peux pas m’y pencher sans énormes spoils, donc retenez qu’elle mêle un grand nombre d’aspects des imaginaires SF et Fantasy.

Ce mélange d’imaginaires, en plus de donner une grande part d’originalité et d’imprévisibilité au récit, permet à l’auteur de montrer de nouvelles créatures et peuples aux lecteurs, à l’image d’une jungle Xéol au sein de laquelle les plantes cherchent à tuer tous les autres êtres vivants, par exemple. D’ailleurs, le roman nous donne des explications sur les origines des Xéols d’Alamänder d’une manière très vertigineuse, qui s’intègre dans le grand jeu de révélations que déploie Alexis Flamand.

 Dans le même ordre d’idées, on découvre énormément d’éléments sur la magie dans le cycle et sa nature, notamment pourquoi les magies de YArkhan et de Mehnota partagent autant de similitudes, malgré les conflits des mages des deux pays qui refusent catégoriquement de l’admettre. Ce questionnement sur la nature de la magie permet à l’auteur de montrer l’absurdité de certains conflits, conjointe à l’étendue des problèmes d’intolérance et de rivalités.

Ce dernier tome du cycle d’Alamänder apporte également des réponses aux questions cosmiques et cosmogoniques posées dans les deux premiers volumes de la série, en éclaircissant la position des dieux et en inscrivant le continent d’Alamänder dans un schéma plus vaste, ainsi que celle des Hempés. Ce côté cosmique donne des allures très SF à la Fantasy d’Alexis Flamand, et cela contribue à la modernité du roman dans le genre, tant en termes de décors et d’esthétique que de traitement de la magie, qui est complètement rationnalisée.

Cette modernité peut également s’observer à travers le fait que l’auteur fait intervenir les sciences dures (biologie, informatique, physique…) directement pour rationnaliser son univers et donner des clés de lecture.

 

Le mot de la fin

 

La Nef céleste clôt le cycle d’Alamänder de manière magistrale.

Alexis Flamand enchaîne les révélations qui confèrent à son roman et à la série entière une grande originalité, qui ajoute une esthétique et des thématiques science-fictives à son univers de Fantasy, en plus de complètement prendre son lecteur par surprise à travers une remise en perspective d’un certain nombre d’éléments d’intrigue. Ces révélations donnent également lieu à des moments d’anthologie !

Les personnages ne sont pas en reste, puisque Jonas Alamänder découvre ce qu’il est vraiment en tan qu’Hempé et tout ce que cela implique. Jon acquiert ainsi une dimension véritablement cosmique, et son statut permet d’explorer les relations entre les individus et le pouvoir, ainsi que les limites entre les individus et les dieux.

Je ne peux que vivement vous conseiller de lire le Cycle d’Alamänder en entier, ne serait-ce que pour bénéficier des claques scénaristiques de ce dernier opus !

Vous pouvez également consulter les chroniques de FeydRautha, Symphonie, C’est pour ma culture

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11 commentaires sur “La Nef Céleste (T3 du Cycle d’Alamänder), d’Alexis Flamand

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