Le Livre jaune, de Michael Roch

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un court roman d’un auteur que j’ai récemment découvert.

Le Livre jaune, de Michael Roch

mu08-2019

Introduction

Michael Roch est un auteur français originaire de Martinique. Il donne des conférences sur l’afrofuturisme, qui est un courant esthétique qui vise à interroger l’identité et l’avenir des personnes noires à travers l’utilisation de l’imaginaire science-fictif ou magique, afin de se réapproprier certains pans de l’histoire (ceux de la colonisation, par exemple), et de l’imaginaire au sens large, puisque comme le souligne l’autrice N. K. Jemisin dans son introduction de son recueil Lumières Noires, «  En 2002, je savais qu’en tant que Noire attirée par la SF et la fantasy je n’avais pratiquement aucune chance d’être publiée, remarquée par les critiques ou acceptée par un lectorat qui, apparemment, n’avait envie de lire que des variations sans fin sur l’Europe médiévale et la colonisation des Amériques. ». En tant que métis et descendant de colonisés, je ne peux qu’être heureux que l’afrofuturisme arrive en France !

Il est également vidéaste, sur la chaîne La Brigade du Livre, qu’il a co-créée.

En tant qu’auteur, Michael Roch a publié des récits aux éditions Walrus, Mortal Derby X et Twelve. Ses romans sont actuellement publiés chez Mü éditions. Ainsi, Moi, Peter Pan a d’abord été publié dans cette maison avant d’être repris chez FolioSF, tandis que son dernier roman, Le Livre jaune, dont je vais vous parler aujourd’hui, a été publié dans la collection « Le Labo de Mü ».

En voici la quatrième de couverture :

« Un pirate s’échoue sur les rivages de Carcosa, la Cité d’Ailleurs. Persuadé d’être mort, il est amené au Roi en jaune, hanté par le souvenir de ses amours. Ce dernier lui propose de revenir à la vie s’il parvient à le débarrasser de sa malédiction.

Après le succès de Moi, Peter Pan, sélection Grand Prix de l’Imaginaire 2018, Michael Roch nous plonge dans un drame féérique aux confins du cosmos, derrière Hastur, Aldébaran et les Hyades. »

Mon analyse du roman portera sur la richesse poétique et les références déployées par l’auteur.

L’Analyse

Plume poétique, ambiance onirique

La plume de Michael Roch est extrêmement riche et travaillée, et contribue à l’ambiance à la fois onirique et cauchemardesque qui se dégage de son récit, avec des descriptions de lieux à la fois chargées et précises, comme lorsqu’il dépeint la cité de Carcosa, dans laquelle se rend le personnage principal du récit. Le style de l’auteur retranscrit également les états d’âme et les réflexions du pirate sur sa vie, à travers une narration à la première personne au présent, qui laisse entrevoir tout ce que le personnage ressent à propos du monde qu’il visite et auquel il se confronte.

Le Livre jaune est également marqué par l’intertexte qu’il déploie, d’abord avec l’auteur américain Robert W. Chambers, auteur des nouvelles du recueil Le Roi en jaune, qui décrivent une entité mystérieuse et maléfique, le Roi en jaune, qui réside dans la cité de Carcosa, dans laquelle se déroule le récit de Michael Roch. La créature inventée par Robert W. Chambers et son lieu de résidence deviennent alors respectivement un personnage et le lieu principal de l’intrigue du roman. On peut également observer que l’auteur fait référence à L’Enfer de Dante Aleghieri, un poème épique italien du 14ème siècle mettant en scène la catabase, c’est-à-dire la descente aux Enfers de Dante, accompagné par le poète latin Virgile, qui lui sert de guide dans les différents cercles de l’Enfer. En effet, cette référence peut être vue à travers le fait que le personnage principal du récit réalise lui-même une sorte de catabase, puisqu’il déclare « J’étais aux portes des Enfers » en atteignant les abords de Carcosa. Le fait qu’il soit guidé par un vieillard aveugle, Maar, surnommé « L’œil », dans un lieu assimilé aux Enfers, peut constituer un clin d’œil à Virgile. Le Livre jaune fait aussi parfois référence à H. P. Lovecraft, parce que la catabase du personnage narrateur possède parfois des accents cosmiques, mais aussi parce qu’elle met parfois en scène des créatures que ne renierait pas le Maître de Providence, à l’image d’une créature tapie dans un puits, dotée de six yeux et « à l’animalité non terrestre ».

Ainsi, le récit dépeint l’arrivée d’un pirate (dont l’identité est donnée par le récit mais que je ne vous spoilerai pas) dans un monde étrange, entre rêve et cauchemar, qui peut donc apparaître comme une forme d’Enfer, dans lequel se trouve Carcosa, la Cité d’Ailleurs. Il est guidé par un vieil aveugle, Maar, jusqu’au Roi en Jaune, la créature inventée par Chambers et à laquelle Lovecraft fait référence dans certains de ses récits, qui lui demande de l’aider à vaincre sa malédiction.

Cependant, le pirate et le Roi en jaune ont tous deux été amoureux en même temps de la même femme, Ananova, qu’ils espèrent tous deux revoir parce qu’elle les obsède, malgré la fin de leur relation, et cette obsession constitue la malédiction du Roi. Ananova apparaît alors comme un personnage mystérieux et ambigu dans son rapport aux deux personnages, qui l’évoquent dans leurs souvenirs.

Le personnage narrateur part alors en quête d’Ananova, mais aussi, et surtout, de lui-même. En effet, on peut supposer que Michael Roch utilise le topos de la descente aux enfers, amplifié par la perte de repères spatiaux de son personnage, qui se traduit aussi par le fait qu’il soit guidé par un aveugle, ce qui est fort sur le plan symbolique. Pour symboliser la perte d’identité de son personnage, on remarque que l’auteur montre également le pirate se poursuivant littéralement lui-même. Il doit alors se retrouver dans le monde de Carcosa, à travers l’exploration du monde, de ses dangers, et de ce qu’ils symbolisent pour lui, pour redonner un sens à sa vie et à son rapport au monde. Le Livre jaune prend alors la forme d’une introspection qui prend forme grâce au voyage.

Le mot de la fin

Le Livre jaune dépeint le voyage d’un pirate au sein de Carcosa, la Cité d’Ailleurs, où il rencontre le Roi en jaune, qu’il doit délivrer d’une malédiction.

Dans ce récit, Michael Roch fait référence à des écrivains tels que Robert W. Chambers, Dante Alighieri ou Lovecraft pour dépeindre l’introspection et la quête poétique, intérieure et amoureuse d’un personnage qui a perdu le sens de sa vie, en employant le motif de la descente aux Enfers pour caractériser sa perte de repères. Le style de l’auteur est riche et retransmet les états d’âme de son personnage.

Le Livre jaune fut une bonne découverte, et il faudra que je lise les autres œuvres de Michael Roch !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Blackwolf, Célindanaé, La Geekosophe, Just A Word, Charybde, FungiLumini, L’Ours Inculte

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