Interview de Célia Flaux

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de te proposer une interview de Célia Flaux, autrice d’Anergique paru dans la collection Naos d’ActuSF !  

Je vous rappelle que vous pouvez retrouver toutes les interviews dans le menu du blog ou grâce au tag dédié.

Je remercie chaleureusement Célia Flaux d’avoir répondu à mes questions, et sur ce, je lui laisse la parole !


Interview de Célia Flaux


Marc : Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

Célia Flaux : Je suis une autrice poitevine, dont les romans se déroulent dans des mondes imaginaires plus ou moins proches du notre (science-fiction, fantastique et fantasy). Je travaille mes textes sur le forum cocyclics, je parle d’écriture dans mes articles de blog et ma newsletter mensuelle. Entre deux séances d’écriture, j’aime lire, jardiner et plier des origamis.


Marc : Avez-vous toujours voulu devenir écrivaine ? Qu’est-ce qui vous a amenée à l’écriture, et aux genres de l’imaginaire en particulier ?

Célia Flaux : À quinze ans, je cherchais le roman parfait pour moi, et j’ai fini par comprendre que personne ne l’écrirait à ma place. Des années plus tard, je poursuis cette quête impossible. Dans mes histoires, les héros se cherchent et cherchent leur place dans des sociétés qui tentent de les mettre dans des cases. C’est une main tendue vers l’adolescente que j’étais.


Marc : Comment vous est venue l’idée d’Anergique ? Pourquoi avoir mis en scène un univers de Fantasy victorienne ?

Célia Flaux : En mai 2011, je me suis dit que tout avait été écrit sur les vampires et que rien de neuf ne pouvait sortir de ces clichés. Ma Muse, ou mon inconscient, l’ont interprété comme un défi. J’ai donc imaginé une société basée sur une forme de vampirisme énergétique et tout en a découlé. J’ai choisi l’Angleterre victorienne car c’est une société dans laquelle le genre et la classe sociale régissent tous les aspects de la vie. Ces deux critères déterminent le caractère présumé de la personne, son éducation, ses droits, sa vie familiale, les métiers qu’elle peut exercer… Il est extrêmement difficile de sortir de la case dans laquelle on nait. Cette société me permet de confronter mes personnages à d’innombrables préjugés et d’interroger les lecteurs sur leur bien fondé. 

Marc : Comment s’est déroulée la rédaction du roman ? Avez-vous des anecdotes à partager ?

Célia Flaux : Je suis le genre d’auteur qui se lance dans la rédaction du premier jet sans plan, puis qui le corrige de multiples fois. Cette capacité m’a bien servie, car Anergique a traversé de nombreuses aventures avant de parvenir entre vos mains. 

En 2013, ce roman a fait partie des finalistes d’un concours, mais après un an de travail, l’éditeur a décidé de ne pas le publier en me disant qu’il ne rentrait plus dans sa ligne éditoriale. Je me suis profondément remise en question à cette époque. J’ai même envisagé d’abandonner l’écriture, en me disant que mes compétences d’autrice n’étaient pas à la hauteur de mon rêve. 

Pour bien des raisons, j’ai eu l’impression de traverser un champ de mines en 2014. Chaque pas en avant m’explosait à la figure. 

Début 2015, mon éditrice a transmis la dernière version d’Anergique à Roxane Edouard, agente chez Curtis Brown, qui cherchait de jeunes auteurs français à représenter. Le coup de foudre de Roxane pour Anergique a changé ma vie d’autrice. Son soutien m’a redonné confiance et je ne suis plus seule face à mes problèmes d’écriture. (Si vous voulez en savoir plus sur le métier d’agent littéraire, vous trouverez plus d’informations par ici.)

Marc : Votre système de magie s’appuie sur la complémentarité entre les denas et les lynes, qui génèrent et exploitent l’énergie magique. Pourquoi avoir créé cette complémentarité ? Diriez-vous que les lynes sont des sortes de vampires ? 

Célia Flaux : Je me suis inspirée du vampirisme pour créer les lynes, mais au lieu d’être exceptionnel, le fait de se nourrir de l’énergie des autres concerne la moitié de la population. Ce fil conducteur m’a permis d’imaginer un univers avec des règles de vie en société, une magie et une technologie basées sur la magie, des relations particulières avec la nature… J’aime créer des écosystèmes différents, pour éclairer notre monde sous un autre angle. 

Marc : Cette complémentarité est cependant contestée socialement, puisque les lynes dominent les denas, et des stéréotypes sont assimilés aux deux catégories. Pourquoi ajouter une catégorie de rapports de domination au sein de votre société ?

Célia Flaux : On pourrait penser que la complémentarité entre les denas et les lynes se traduiraient par un équilibre des forces entre eux, mais j’ai voulu prendre cette évidence à contrepied. Dans Anergique, leur interdépendance énergétique se traduit par une domination malsaine des lynes sur les denas. Je voulais montrer toutes les dérives qui en résultent, et comment chacun se retrouve piégé par le rôle que la société lui attribue. C’est une façon d’interpeller le lecteur sur l’absurdité de nos propres stéréotypes. Certaines histoires rendent attirantes des relations toxiques, j’essaie de les prendre à contrepied. 


Marc : Vous traitez également du racisme et du colonialisme des britanniques à l’égard des Indiens. Pourquoi traiter de ce type de thématiques ? 

Célia Flaux : Cela fait partie des inégalités et des rapports de force que je dénonce à ma façon. Ces visions du monde imprègnent notre histoire, nos stéréotypes et nos façons de penser. C’est un phénomène involontaire et pernicieux, qu’il est nécessaire de déconstruire pour avancer.


Marc : La tueuse que pourchasse Lilliana Mayfair est qualifiée de « violeuse », et on observe le traumatisme qu’elle a engendré chez Amiya. Est-ce qu’il s’agit d’une manière d’aborder les violences sexuelles ? 

Célia Flaux : Oui, ce thème est tellement délicat que je m’étais promis de ne jamais l’aborder. Muse l’a encore une fois interprété comme un défi. Cette métaphore du viol énergétique m’a permis d’aborder un sujet qui m’est insupportable sous d’autres formes. 

Marc : Diana est d’ailleurs associée au nom « Whitechapel ». Est-ce une référence à Jack l’éventreur ? 

Célia Flaux : Tout à fait, dans Anergique les noms de famille des personnages renvoient tous à un quartier en rapport avec leur classe sociale.

L’héroïne, Liliana Mayfair, porte le nom d’un quartier de Londres ou les aristocrates s’établissent du temps de l’Angleterre victorienne. La violeuse d’énergie porte le nom d’un quartier mal famé, marqué par la présence d’un tueur en série. Je voulais écrire un article de blog sur ce sujet, mais je n’ai pas encore trouvé le temps.

Marc : Votre roman traite de thématiques sociales actuelles. Pourquoi traiter de problèmes sociaux dans un roman de Fantasy ? 

Célia Flaux : Les sociétés qui dysfonctionnent sont une obsession chez moi ! Il y en a toujours dans mes romans, que ce soit du manga SF comme Iceltane, une dystopie comme Le Cirque interdit, ou de la fantasy comme Anergique. Je crois que cela correspond à la réalité telle que je la percevais quand j’étais plus jeune. Je me suis souvent sentie à part. Comment trouver sa place ? Comment gagner sa vie ? Je me sentais fragile, désorientée par une société complexe et compétitive. Je n’ai pas fini de chercher des réponses à ces questions. 


Marc : Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ? 

Célia Flaux : Je m’étais promis de ne jamais écrire une trilogie…  c’est donc ce que je suis en train de faire !

Le premier tome sortira en octobre chez Bayard. Je ne peux pas trop en dire, mais vous y trouverez cinq clans, cinq animaux sacrés (Dragon, Tigre, Kirin, Tortue et Phénix), une mystérieuse criminelle surnommée la veuve noire, et une héroïne qui lutte pour sa liberté.

Marc : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs ?

Célia Flaux : Ne restez pas seuls.

C’est important de bénéficier de retours sur ses textes pour pouvoir les améliorer. Des critiques bienveillantes, des encouragements, des échanges de techniques et d’idées, permettent de progresser plus vite.

Sachez que le monde de l’écriture est dur. Ce n’est pas un rêve. Les rapports de force ne sont jamais en faveur des auteurs, car nous sommes souvent trop isolés pour faire front. Renseignez-vous et profitez des expériences des autres pour éviter de grosses désillusions.

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