La Chose, de John W. Campbell

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’une novella d’horreur science-fictive plusieurs fois adaptée au cinéma.

La Chose, de John W. Campbell

Introduction


John W. Campbell est un auteur, physicien et éditeur de science-fiction américain né en 1910 et mort en 1971. Il est célèbre et reconnu pour avoir été le rédacteur en chef du magazine pulp Astounding Stories de 1937 à sa mort. Grâce à ce magazine, Campbell a imposé une vision de la SF et propulsé des auteurs tels que Isaac Asimov, Robert Heinlein, ou encore A. E. Van Vogt. Il a donc écrit une page de l’histoire de la science-fiction, au point qu’un prix, le John Wood Campbell du Meilleur écrivain, récompense les meilleurs nouveaux écrivains.

Cependant, ce prix a été renommé en prix Astounding, à la suite d’un discours de Jeannette Ng, qui mettait en évidence les opinions réactionnaires de l’auteur et notamment son racisme, puisqu’il défendait par exemple des points de vue esclavagistes, la ségrégation raciale aux États-Unis, et a refusé de publier le roman Nova de Samuel R. Delany, ce que l’auteur explique dans un article intitulé Racism and science-fiction. Campbell a donc écrit une page de l’histoire de la SF, mais celle-ci sent les idées rances et les théories racistes.

Cette remise en perspective du travail de Campbell étant faite, je peux vous parler de La Chose. Cette novella est originellement parue en 1938 sous le titre Who Goes There ?  et a été traduite pour la première fois en français en 1955 par Alain Glatigny pour la collection Présences du futur de Denoël, qui publiait un recueil de nouvelles de Campbell, Le Ciel est mort. Le texte a été réédité par Le Bélial’ dans la collection Une Heure Lumière en 2020, avec une nouvelle traduction de Pierre-Paul Durastanti. Le récit a été adapté trois fois au cinéma, en 1951 par Christian Nyby, en 1982 par John Carpenter, et en 2011 par Matthijs van Heijningen Jr. . L’adaptation de Carpenter est considérée comme un film culte.

En voici la quatrième de couverture :

« En Antarctique, quelque part.
Enfoui sous la glace, aux abords d’un artefact aux allures de vaisseau spatial, des scientifiques découvrent un corps congelé — gisant là, sans doute, depuis des millions d’années. Un corps résolument inhumain. Résolument… autre. Le choix est alors fait de ramener la stupéfiante découverte à la station pour étude. Douvement, la gangue de glace autour de la créature commence à fondre, libérant peu à peu cette totale étrangeté à l’aspect terrifiant. Et les questions de traverser l’équipe de chercheurs : qu’est-ce que cette chose ? Comment est-elle arrivée là ? Et après tout, est-elle seulement morte ? N’ont-ils pas mis au jour la plus épouvantable des abominations — une horreur proprement cosmique ? »

Mon analyse de cette novella s’intéressera à l’intertextualité qu’elle entretient avec un texte de la même époque, puis à son approche de l’horreur et de l’altérité.

L’Analyse


Huis clos horrifique et polaire


Si vous avez lu la novella, sa quatrième de couverture ou que vous avez vu le film de John Carpenter et que vous êtes familier avec l’œuvre d’un certain écrivain de Providence à l’origine des « yog-sototheries », vous avez pu rapprocher le texte de Campbell des Montagnes hallucinées, avec lequel il entretien des rapports intertextuels forts.

Tout d’abord, les deux récits s’appuient sur une expédition scientifique en Antarctique, mais ils ne la mobilisent pas de la même manière. En effet, là où Lovecraft décrit une exploration de ruines (très) anciennes cachées dans d’immenses montagnes, Campbell décrit un enfermement dans des bâtiments bien modernes, sans qu’ils aient la possibilité de se déplacer.

Les deux auteurs ne mettent donc pas le même type d’horreur en scène. Chez Lovecraft la peur provient d’une rencontre avec un inconnu aux pouvoirs potentiellement démiurgiques, à travers les Choses Très Anciennes et d’un autre inconnu monstrueux et protéiforme, à savoir les Shoggoths, tandis que chez Campbell, l’horreur provient du danger de la proximité avec une créature certes radicalement autre, mais capable d’imiter n’importe quelle forme de vie, ce qui la rend apte à mimer l’humanité et les sentiments qu’elle peut éprouver. La chose que décrit Campbell lui permet donc de traiter du thème, du double courant dans le fantastique classique, à travers un alien métamorphe. Lovecraft se sert donc de l’horreur pour montrer un autre incompréhensible tandis que Campbell la mobilise pour s’intéresser à l’être humain, parce que l’altérité qu’il décrit ne le comprend que trop bien.

Les deux auteurs exploitent donc les mêmes topoi, une expédition scientifique vers l’inconnu et la découverte d’une créature monstrueuse prisonnière de la glace depuis des centaines de milliers d’années, mais ils n’en font pas du tout la même chose. On peut noter qu’un certain Peter Watts s’est directement emparé de la chose (sans mauvais jeu de mots), en décrivant les événements du film de Carpenter du point de vue de l’alien dans sa nouvelle « Les Choses », disponible dans le formidable recueil Au-delà du gouffre.

Les capacités d’imitation de la chose engendrent un climat de paranoïa générale dans la station, dans laquelle l’équipe de scientifiques et de militaires est enfermée. Cette station devient alors un huis-clos horrifique, au sein duquel les personnages se soupçonnent tous et mettent en œuvre des tests afin de vérifier leur humanité.

Le commandant s’approcha aussitôt. Le silence s’abattit sur le Centre.
Connant redressa sa carcasse, puis se mit debout tant bien que mal.
« Garry, reprit le médecin, l’échantillon du monstre… il précipite également. Tout ce que ça prouve, comme le chien était lui aussi immunisé, c’est que l’un des deux sangs vient d’un individu contaminé… et on parle de toi et moi, Garry… L’un de nous deux est un monstre. »

Les personnages se soupçonnent au point de mettre en doute leur propre identité, puisque la créature peut les contaminer n’importe quand et peut même infiltrer leurs pensées. Le seul moyen de différencier des humains de la chose est une forme de test sanguin auxquels ils se soumettent. Ces soupçons font peser une tension palpable dans les dialogues, lors desquels ils tentent de se défendre du mieux qu’ils peuvent contre un envahisseur protéiforme qui pourrait contaminer l’intégralité de l’humanité en la transformant en… lui (oui oui).

Dans la pièce, tout le monde se figea. La créature gisait sur la table en bois grossier tachée de graisse. La lame brisée de la hache de bronze restait fichée dans le crâne étrange. Trois yeux fous remplis de haine brillaient d’un feu intérieur, aussi rouges que du sang frais, au milieu d’une figure qu’entourait, au lieu de cheveux, un horrible nid de vers bleus gigotant.

Avant ses nombreuses métamorphoses et sa résurrection, la créature est décrite comme particulièrement vindicative, comme le montrent les qualificatifs employés pour décrire ses yeux, « fous » et « remplis de haine », ce qui préfigure toute la violence dont elle est capable. Cette dernière apparaît dans une métaphore, avec le « feu intérieur », et une comparaison pour le moins riche en hémoglobine (sans mauvais jeu de mots) qui annoncent les massacres qu’elle va commettre.

Le mot de la fin


La Chose est une novella de science-fiction horrifique de John W. Campbell, dans laquelle il décrit une créature radicalement autre, capable d’imiter n’importe quelle forme de vie pour chasser et tuer, et dotée d’une intelligence extrême, retrouvée par les membres d’une expédition scientifique an Antarctique, qui doivent alors s’enfermer avec elle pour la contenir et tenter de la vaincre.

Si vous vous intéressez à l’horreur science-fictive, je vous recommande la lecture de cette novella !

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