Le Prince Écorché de Mark Lawrence

Salut à toi, cher lecteur !

Apprécies-tu les personnages controversés ? Les univers où les personnages bons par essence se font égorger au milieu d’un champ de bataille ? Les histoires où les personnages mauvais tuent plus mauvais qu’eux ?

Et bien laisse moi te parler de

Le Prince Écorché, de Mark Lawrence

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Allez, c’est parti ! Je vais d’abord vous parler un peu de l’auteur.

L’Auteur

Mark Lawrence est un écrivain américain né en 1966. Il a été chercheur en intelligence artificielle pour le compte du gouvernement britannique, puis celui des Etats-Unis, puis a créé une brasserie artisanale.

Il a écrit deux trilogies se déroulant dans le même l’univers, celle de l’Empire Brisé, avec Le Prince Écorché (paru en France en 2012), Le Roi Écorché (paru en France en 2013) et L’Empereur Écorché (paru en France en 2014), et celle de la Reine Rouge, avec Le Prince des Fous (paru en France en 2014), La Clé du Menteur (paru en France en 2015), et La Roue d’Osheim (qui paraîtra en France en 2017). À noter tous les romans de Mark Lawrence sont parus en France chez Bragelonne-Milady, en grand format et en poche.

A noter que L’Empereur Ecorché et La Clé du Menteur ont tous deux reçu le prix David Gemmel, un prix récompensant les meilleurs romans de Fantasy, décerné par des lecteurs.

Le livre dont nous allons parler aujourd’hui, Le Prince Ecorché, est le premier tome de la trilogie de l’Empire Brisé.

Je vous préviens avant le début de l’analyse parce que je suis gentil, vous pouvez donc vous faire spoiler le premier tome et ses suites.

Bon, vous voilà prévenus.

On peut donc commencer.

L’Oeuvre et l’analyse

Le Prince Ecorché raconte non pas les aventures, mais les plutôt les méfaits du prince Jorg Ancrath, âgé d’à peine quatorze, meneur d’un groupe de bandits, les Frères, qui écument les routes et font preuve d’une grande violence. Son objectif est de regagner le Château-Cime d’Ancrath, d’où il s’est enfui, afin d’en devenir le roi à la place de son père.

Pourquoi ?

Pour gagner la guerre des Cent royaumes de l’Empire Brisé, et devenir Empereur. Il cherche également à se venger du meurtre de sa mère et de son frère, survenu des années auparavant.

Rien que ça. Parce qu’il considère que cette guerre n’est rien de plus qu’un jeu, comme il l’explique si bien dans le chapitre 4 :

“Un couteau est déjà bien effrayant, plaqué contre votre gorge, frais et tranchant. C’est aussi le cas du feu, et du chevalet de torture. Et d’un vieux fantôme sur la route de la Liche. Toutes ces choses sont capables de vous faire perdre momentanément vos moyens. Jusqu’à ce que vous preniez conscience de leur nature. Ce ne sont que des façons de perdre la partie. Vous perdez la partie, et la conséquence ? Vous avez perdu la partie.

Voilà le secret, et ça m’épate de constater qu’il m’appartient à moi, et à moi seul. J’ai compris la véritable nature du jeu la nuit où le comte Renar a rattrapé notre coche. C’était une nuit orageuse comme celle-ci. Je me rappelle le fracas de la pluie sur le toit et le tonnerre en dessous.

Vous ne pouvez remporter le jeu que si vous comprenez que c’en est un. Prenez un joueur d’échecs, dites-lui que chaque pion est un de ses amis. Incitez-le à penser que les deux fous sont sacrés. À se souvenir des jours heureux passés à l’ombre de ses tours. À aimer sa reine. Voyez comme il les perdra tous.”

Voici le mode de pensée de Jorg Ancrath, cynique jusqu’au bout des ongles, prêt à sacrifier ses amis plutôt que de négocier. Non, il préfère la violence et semer la terreur. Il a donc tout d’un anti-héros, voire d’un antagoniste. Cependant, il convient de noter que Jorg accomplit parfois de bonnes actions (si si, je vous promets), en tant que protagoniste de sa saga ou lorsqu’il est confronté à pire que lui (parce que oui, ça existe).

Nous allons donc nous demander en quoi Jorg est un personnage qui réunit des caractéristiques d’antagoniste, d’anti-héros, et de héros.

Je parlerai ensuite, mais beaucoup moins longuement, de ce qui est original dans l’univers de l’Empire Brisé.

Jorg, un personnage complexe

Jorg Ancrath est un personnage plaisant à suivre parce qu’il réunit trois types de personnages en un. Le héros qui se bat envers et contre tout pour accomplir sa quête. L’anti-héros sombre, torturé, qui a de nombreux problèmes psychologiques et moraux, et qui utilise la violence. Et l’antagoniste ambitieux, qui ne cherche qu’à accomplir sa quête, quel que soit le moyen ou le prix à payer, et le nombre de vies qu’il faut prendre.

Je vais commencer par vous définir chaque terme, en vous donnant des exemples, et en vous montrant en quoi Jorg correspond à ces définitions.

Un héros, en littérature mais aussi de façon générale peut être un personnage noble par les hauts faits qu’il accomplit, et les valeurs qu’il défend tout au long de ses aventures. Superman de chez DC Comics est un héros (un super-héros même), non seulement parce qu’il combat des adversaires surpuissants tels que Brainiac ou Darkseid, mais aussi parce qu’il est porteur d’un courage et d’une détermination à toute épreuve. Fitz, le héros de la saga L’Assassin Royal de Robin Hobb, est également un exemple de héros, pour tous les sacrifices qu’il fait pour la dynastie des Loinvoyant et leur royaume.

En se basant sur cette définition, on peut clairement affirmer que Jorg est un héros, parce qu’il affronte des adversaires souvent plus forts que lui, comme le chevalier Sire Galen, ou dotés de pouvoirs surhumains, comme la nécromancienne Chella ou les sorcier Sagien et Corion.

Quant aux valeurs qu’il défend… Elles ne sont pas morales, assez égoïstes, mais force est de constater qu’il s’y tient ! Du début à la fin du premier tome de la trilogie narrant ses aventures, et même dans les deux suivants, Jorg reste un parfait cynique attiré par sa quête de pouvoir, et il prêt à tout pour parvenir à ses fins !

Sans oublier que la force de ce premier tome est de montrer que Jorg en veut énormément à son père d’avoir participé (je ne vous dirai pas comment) à la mort de sa mère et de son frère, et qu’il cherche à se venger de lui, ou à obtenir une certaine reconnaissance de lui, à être plus un “fils” qu’un simple “garçon” (chapitre 21). On peut également ajouter que Jorg accomplit tout de même quelques bonnes actions au cours de ses pérégrinations, par exemple lorsqu’il sauve le Père Gomst, enfermé dans un cachot sur la route de la Liche au chapitre 6.  

Jorg serait donc un héros avec une ambition simple (devenir Empereur), avec une affectivité troublée à cause d’un sombre passé qui a plus que bouleversé sa morale déjà assez entachée par son père et ses enseignements (mais ça, vous le verrez vous même dans les tomes suivants celui-ci).

Un héros qui ne serait pas conventionnel, donc. Un anti-héros.

Un anti-héros est un personnage dont certaines caractéristiques ne correspondent pas à la vision classique ou conventionnelle du héros. Wolverine et Deadpool de chez Marvel Comics sont des anti-héros, parce qu’ils sont extrêmement violents, vulgaires, et ont un côté sombre. Cellendhyll de Cortavar, protagoniste de la saga L’Agent des Ombres de Michel Robert (une saga que j’apprécie énormément), peut être aussi vu comme un anti-héros, avec son côté vengeur et rebelle, et son passé torturé.

Jorg correspond parfaitement à cette définition. Il est complètement amoral, n’hésite jamais à tuer qui que ce soit, comme le montre le premier chapitre, qui s’ouvre sur le massacre et l’incendie d’un village, “Mabberbourg”, ou la fait qu’il puisse tuer ou presque ses compagnons (je ne vous spoilerai pas, mais sachez que c’est assez surprenant, même quand on est prévenu), et surtout, son passé est incroyablement sombre et tragique, et explique son comportement. L’assassinat de sa mère et de son frère et le poison de la bruyère-aiguillon dont il a été victime l’ont façonné, il l’affirme lui-même dans le chapitre 4, lorsqu’il explique que  “les épines m’immobilisaient complètement. J’ai depuis appris à les apprécier. Ce sont elles qui m’ont enseigné le jeu”. Et cette fameuse nuit ne constitue qu’un des éléments de ce passé. D’autres le précèdent et d’autres le suivent, comme vous pourrez le voir dans le roman.

Jorg fait également preuve d’un humour noir foncé, et le fait de suivre ses aventures de son propre point de vue rend les romans encore plus drôles. Je ne vous en citerai qu’une, pour vous laisser le plaisir immense de découvrir les autres, parce qu’elles constellent le roman. Celle-ci arrive au chapitre 41.

“Dans un duel d’homme à homme, épée contre épée, ce peut être un manque de talent qui entraîne la mort. Cela étant dit, il s’agira le plus souvent d’une question de chance, ou bien alors de fatigue ; si le combat s’éternise, c’est celui qui faiblit en premier qui a tendance à mourir. En définitive, tout est question de durabilité. On devrait marquer ça sur les pierres tombales : « Il fut pris de fatigue. »”.

On retrouve des remarque comme celle-ci tout au long du récit, et contribuent à rendre le personnage de Jorg intéressant à suivre, ou attachant, pour ceux d’entre vous qui sont courageux et capables de s’attacher à un personnage comme lui.

Cependant, malgré le fait que Jorg aie un côté sombre, un passé torturé, un humour décapant, et une fidélité à ses valeurs, il n’en reste pas moins un meurtrier et un sociopathe égocentrique, cynique et ambitieux.

Tous ces traits de caractère évoquent celui d’un personnage mauvais par essence, d’un antagoniste.

L’antagoniste d’un récit est le personnage qui va se placer en opposition au héros (le protagoniste). L’objectif de l’antagoniste sera souvent opposé à celui du protagoniste, ou bien leurs idéologies sont contraires. Le protagoniste veut protéger le monde ou le sauver d’un antagoniste qui veut le détruire ou le contrôler. L’antagoniste est souvent un personnage sournois, sombre, puissant, et il va souvent le prouver en commettant des crimes.

Voldemort tue les parents d’Harry Potter dans la saga du même nom, par exemple. Le Joker est l’antagoniste du super-héros Batman, parce que l’un représente le chaos, et l’autre l’ordre.

Jorg Ancrath, de par ses idées plus qu’ambitieuses, et les procédés qu’il utilise pour les atteindre (le meurtre d’innocents, ce qu’il fait pour prendre le royaume de Gelleth, comment il affronte le sorcier Corion et le comte Renar) correspondent à ceux d’un antagoniste de roman. Son mode de pensée, impitoyable et cynique, correspond également à celui d’un personnage qu’on aurait tendance à trouver du mauvais côté de la barrière, à supposer que Mark Lawrence en ait placé une dans son Empire Brisé, tant le manichéisme est absent de cette trilogie, car Jorg est loin d’être le seul personnage à être aussi particulier. Je pense notamment à Makin Bortha, capitaine de la garde royale d’abord chargé de retrouver Jorg après sa fugue, qui trahit le roi d’Ancrath en voyageant avec son fils et un groupe de bandits sanguinaires pendant plusieurs années.

Mais revenons à Jorg. Jorg, personnage à la fois héroïque, anti-héroïque, suivant une voie qui n’est certainement pas le droit chemin, mais qui donne envie aux lecteurs de savoir s’il atteindra son but, et comment il y parviendra. C’est un personnage qui n’a de cesse de surprendre, enchaînant exaction sur exaction, avec un aplomb incroyable. Mark Lawrence, en nous faisant suivre ce personnage, a pris le parti de nous montrer l’Empire Brisé à travers des yeux qui sont loin d’être innocents, et qui à ce titre, sont parfaits pour explorer un univers aussi sombre et riche en mystères. 

L’Empire Brisé, un monde mystérieusement familier

Lorsque vous lirez Le Prince Ecorché (et je ne doute pas une seule seconde que vous le ferez), vous remarquerez des similitudes avec le monde dans lequel nous vivons, mais en plus… détérioré. Je ne vous expliquerai pas pourquoi, nul doute que vous serez capable de le lire entre les lignes (ou d’attendre l’explication qui est faite dans les tomes suivants).

Le monde dans lequel Jorg évolue est médiéval, avec ses chevaliers en armure, ses moyens de transport à cheval, ses châteaux forts… Mais certains éléments du décor apparaissent étranges, presque anachroniques.

Qui étaient ces fameux “Bâtisseurs”, disparus dans le roman, capables de construire de gigantesques structures avec leur propre acier ?

Comment des personnages médiévaux peuvent-ils connaître des références qui leur sont antérieures telles que Platon, Euclide et le christianisme (avec “Jesu” qui est mentionné plusieurs fois) mais aussi des philosophes comme Nietzsche, qui pourtant sont bien postérieurs à l’époque du moyenâgeuse ?

Comment des machines et ce qui semble être des Intelligences Artificielles ont pu être construites dans un univers aussi peu avancé technologiquement ?

Bien évidemment, je ne vous le dirai pas. Mais par contre, je peux vous dire que trouver ce genre d’éléments dans un monde médiéval apporte une sacrée surprise et une bonne dose d’originalité à la saga de l’Empire Brisé, en particulier lorsqu’on les voit dans le premier tome de cette trilogie.

Le mot de la fin

Je vais finir en vous disant que Le Prince Ecorché a été et reste une des plus grosses surprises qu’il m’est arrivé d’avoir en Fantasy, avec son univers situé dans une époque médiévale teintée d’éléments contemporains, et surtout, son personnage principal, Jorg Ancrath, qui m’a beaucoup marqué avec sa façon d’agir complètement amorale et son humour grinçant et décapant, tenant bien plus de l’anti-héros et de l’antagoniste que du héros au coeur pur, sans tomber dans le travers du personnage TROP sombre.

J’espère que Le Prince Ecorché vous surprendra comme il m’a surpris.

Voilà qui est tout pour cette deuxième analyse. N’hésitez pas à me faire part de vos impressions sur celle-ci, sur l’oeuvre traitée, ou même me suggérer des livres à analyser, dans les commentaires.

Sur ce, je vous laisse à vos occupations, et je vous souhaite une bonne continuation !

3 commentaires sur “Le Prince Écorché de Mark Lawrence

  1. J’ai aussi été très agréablement surprise par ce roman sans bien savoir définir le pourquoi du comment immédiatement. Puis l’explication m’est venue : le fait est que mon horizon était assez bas en le commençant. J’avais été séduite par la couverture très ancrée dans une esthétique « jeux vidéos », trouvais le synopsis intéressant mais n’en attendait pas plus. Car la fantasy moderne a bien du mal à innover, tombe souvent dans le cliché, et ce personnage de Jorg ne semblait pas faire exception à la règle. Et finalement, force est d’admettre que l’équilibre entre bien et mal est parfait. On ne le condamne pas totalement sans pour autant approuver tous ces actes. Et ça c’est fort car on a la tendance instinctive de ranger les personnages de roman dans des cases : stéréotypés ou non, il faut leur forger un caractère clair pour que le lecteur s’y retrouve et donc, le classifier ! Mais là, on reste dans l’indéfini, et je suis curieuse de savoir si l’évolution est tout aussi bien dosée dans les tomes suivants.

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