Les Portes Célestes, de Jean-Michel Ré

Salutations, lecteur. Alors que 2020 approche à grands pas, il est temps de te parler de la suite de La Fleur de Dieu de Jean-Michel Ré.

 

Les Portes célestes

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Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Albin Michel Imaginaire, que je remercie pour leur envoi ! Je tiens également à vous dire que comme il s’agit d’un tome 2, je ne vais pas faire de rappels sur l’univers du roman. Je vous suggère donc de consulter ma chronique du premier volume pour ne pas être perdus.

 

Jean-Michel est un auteur français né en 1973. En parallèle de sa carrière d’écrivain, il enseigne le français comme langue étrangère et travaille sur un projet de jardin pédagogique centré sur la production de plantes médicinales et aromatiques.

 

Les Portes célestes, dont je vais vous parler aujourd’hui, fait suite à La Fleur de Dieu, paru en mai 2019 aux éditions Albin Michel Imaginaire. Le dernier tome de la trilogie, Cosmos Incarné, sera publié début 2020.

 

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Attaqué par des clones de combat non identifiés, l’Empire s’enfonce lentement dans le chaos. Des mégapoles entières ont été dévastées par des explosions nucléaires et les troupes impériales échouent à rétablir l’ordre.

Tandis que l’Empereur convoque la noblesse pour confondre l’instigateur de ces attaques concertées, maître Kobayashi se réveille sur une planète paisible où l’a emmené l’Enfant, cet énigmatique messie qui n’a encore livré aucun de ses secrets. Dans ce havre de paix, Kobayashi va devoir poursuivre sa formation spirituelle et guerrière, non pas pour mettre un terme au chaos qui embrase l’Empire, mais pour mener l’Humanité sur la Voie.

Car l’Empire est perdu, il l’a toujours été. »

 

Dans mon analyse du roman, je vous parlerai d’abord de la narration et de l’intrigue, dont les enjeux montent dans ce volume, puis j’aborderai les personnages.

 

L’Analyse

 

Enjeux cosmiques

 

Les Portes célestes, comme La Fleur de Dieu, s’appuie sur une narration à points de vue multiples. Le lecteur suit ainsi maître Kobayashi, le moine shinto et frère musulman qui va suivre l’enseignement de l’Enfant dans un village aux maisons flottantes pour l’aider à amener la paix dans l’univers en suivant la « Voie », l’empereur Chayin X qui doit faire face à la destruction progressive de son empire par le seigneur de Latroce, les dirigeants de l’Ordo, qui souffrent des luttes de pouvoir internes et des troubles dans l’empire mais cherchent à tirer leur épingle du jeu, le seigneur de Latroce qui cherche à renverser l’empire par tous les moyens possibles grâce à des plans à la fois ingénieux et très violents qui impliquent ses clones personnels, les membres de Fawdha Anarchia qui veulent une société plus juste, coupée de l’Empire et disposant de la formule de la Fleur de Dieu, et l’Enfant, qui apparaît comme une figure de sauveur, parce qu’il cherche à apporter la paix dans une période de conflits intenses.

En effet, cette narration à points de vue multiples permet d’observer les plans et les perceptions de toutes les factions à l’œuvre dans le récit, mais aussi l’intensité de la crise qui secoue l’empire, en proie à des luttes internes, avec le seigneur de Latroce qui cherche à s’emparer du pouvoir, à des menaces politiques externes telles que le groupe de Fawdha Anarchia et à une figure complètement inconnue pour les autorités et ceux qui s’y confrontent, à savoir l’Enfant, dont les objectifs restent mystérieux pour les tenants de l’Empire et de l’Ordo.

L’auteur décrit aussi des scènes de paniques et de violence dans des centres extrêmement urbanisés, avec des affrontements entre des clones de combat de deux factions différentes qui causent des dégâts incommensurables, tels que des explosions nucléaires qui ravagent des cités, voire des planètes entières. Ces violences, qui donnent lieu à des évacuations paniquées et précipitées et causent donc des morts, traduisent l’impact de toutes ces crises sur le peuple, par opposition aux actes de l’Enfant, qui apparaissent bénéfiques et pacifistes pour lui, puisqu’on l’observe sauver un certain nombre de personnes en les téléportant loin du conflit. On peut également remarquer que les membres de Fawdha Anarchia sont considérés comme des légendes de par certains de leurs faits d’armes, comme Kaya, une hackeuse qui détourne des vaisseaux par exemple. Fawdha Anarchia apparaît de manière générale comme un groupe de personnages idéalistes, décidés à changer le monde en usant au minimum de  la violence afin de ne pas devenir les institutions qu’ils combattent.

L’intensité de la crise se traduit ainsi par un niveau extrême de violence, notamment avec l’attaque de clones de combat non identifiés utilisés par Latroce, et les dégâts énormes qu’ils engendrent avec des bombes nucléaires qui réduisent les grandes villes qu’ils attaquent à néant pour saper l’autorité de l’empereur et réduire ses effectifs militaires sur différentes planètes. Cela traduit l’échelle galactique de la crise qui s’amorce dans l’empire, mais aussi l’étendue du drame humain qu’elle constitue, puisque des milliards de personnes se font tuer à cause des ambitions du seigneur de Latroce et de la volonté de Chayin X de conserver le pouvoir coûte que coûte. Jean-Michel Ré montre, avec ce déchaînement de violence, l’impact des crises politiques de grande envergure sur les populations.

Les Portes célestes met également en scène une technologie aliénante pour l’Humanité, avec des gardes formatés génétiquement pour être rattachés aux phéromones de l’empereur, un projet scientiste, appelé Radwa, visant à prédire l’avenir à partir de cerveaux humains drogués et reliés entre eux dans des cuves, tandis que le seigneur de Latroce souligne le fait que les biopuces implantées dans l’organisme des citoyens de l’empire permettent de tracer les personnes qui les portent et de réguler, voire contrôler leurs émotions.

Jean-Michel Ré met alors en évidence le côté aliénant et déshumanisant des biotechnologies et de leur fusion avec le corps humain, qui le rend beaucoup plus disposé à être surveillé et contrôlé par le biais des hormones. On peut également noter que la Terre devenue inhabitable, sauf la capitale de l’Imperium, Syd-Nu, à cause des guerres interconfessionnelles qui ont tué des milliards de personnes. On observe donc que le foyer de l’espèce humaine a été détruit, sauf le siège du pouvoir, ce qui témoigne de sa volonté de s’autopréserver, au détriment du patrimoine que peut représente la planète qui abrite les origines d’une espèce entière.

 

Personnages d’élus ?

 

Maître Kobayashi, qui se retrouve en apprentissage au contact de l’Enfant sur une planète inconnue, obtient ce qu’on peut qualifier de pouvoirs surnaturels. En effet, il devient capable de contrôler les molécules de l’environnement ainsi que celles de son corps, puisqu’il peut par exemple retenir sa transpiration par contrôle des molécules d’eau de son organisme, et nourrir son organisme sans nourriture en puisant dans l’énergie de son environnement, mais aussi contrôler la masse et la densité, et devient incroyablement puissant. On observe que les pouvoirs obtenus par Kobayashi et détenus par l’Enfant sont rationnalisés par les explications qu’il en donne. Ces explications se heurtent toutefois aux lois de la physique telles que les scientifiques les plus éminents, incarnés par l’Ordo, les conçoivent, et peuvent par conséquent apparaître comme des miracles ou de la magie, qui tendent à placer l’Enfant dans la catégorie des êtres divins, de la même manière que les pouvoirs de Bridger dans Trop semblable à l’éclair d’Ada Palmer, qui lui permettent de donner vie à la matière inerte, le font apparaître comme un dieu aux yeux de ceux qui le côtoient. Les deux personnages se rejoignent alors, puisqu’ils sont perçus comme des enfants, Bridger à cause de son jeune âge, l’Enfant car il apparaît sous la forme d’un jeune garçon à ceux qui croisent sa route, mais aussi parce que leurs pouvoirs leur donnent un statut particulier et les placent tous deux dans une position d’Élu destiné à transformer le monde. Cependant, les sociétés au sein desquelles ils évoluent sont très différentes, puisque la religion est bannie du monde de Bridger, tandis qu’elle est omniprésente dans l’univers de La Fleur est Dieu.

On pourrait ainsi croire que l’Enfant est un Élu destiné à sauver l’univers du chaos, alors que la personne élue semble être Kobayashi, parce que l’Enfant le choisit et l’investit d’une puissance qui peut apparaître divine ou messianique.

En effet, l’Enfant apparaît comme une sorte de Messie, puisqu’il est perçu différemment en fonction de l’individu qui l’observe, ce qu’on voit ironiquement quand on possède le point de vue de l’empereur Chayin X qui le prend pour un monstre, par exemple. Il qui apparaît comme une véritable singularité, physique comme politique, et constitue une énigme pour l’empire et ses savants de par les pouvoirs dont il dispose, avec l’omniprésence, puisqu’il semble se trouver partout à la fois, l’omniscience parce qu’il semble connaître tous les faits qui se déroulent dans l’univers, sans parler de ses pouvoirs de combat, puisqu’il est capable de manipuler la matière dans sa cohésion et sa densité, et l’enseigne à Kobayashi, qui peut alors transmettre de la densité, de la masse et du poids aux objets et modifier les siens.

L’Enfant incarne alors complètement la tension entre la haute technologie de l’empire et de l’Ordo et leurs aspects plus ésotériques et mystiques, qu’il ébranle complètement, parce qu’il constitue une énigme à la fois pour la science et la religion. On peut noter qu’il semble véritablement omniprésent, contrairement au seigneur de Latroce qui utilise ses clones pour multiplier ses interventions à plusieurs endroits à la fois.

D’ailleurs, Seigneur de Latroce est montré comme un révolutionnaire mégalomane et extrêmement organisé dans ses plans, dont il surveille attentivement l’évolution, et engagé contre la société de contrôle liée à l’Ordo et ses biopuces.  Il cherche alors à combattre politiquement par la violence la plus extrême, puisque son objectif est supposément de tuer l’Empereur et de détruire l’Ordo pour que plus personne ne veuille prendre le pouvoir.

Il cherche donc à détruire le pouvoir et ceux qui l’incarnent pour prôner la liberté, malgré toutes les morts qu’il engendre. Il a donc le même objectif que l’Enfant, et apparaît tout aussi surhumain que lui, puisque ses clones lui permettent d’être omniprésent et extrêmement renseigné sur ce qui se déroule dans l’Empire, et ses capacités de combat montrent qu’il est plus qu’humain, mais les deux personnages n’ont pas les mêmes méthodes, puisque Latroce privilégie l’action violente, tandis que l’Enfant agit de manière à sauver des vies. Les capacités surhumaines des deux personnages diffèrent également par leur nature, puisque l’Enfant semble naturellement disposer de facultés surnaturelles, tandis que Latroce utilise la technologie pour améliorer ses facultés physiques et intellectuelles.

On peut aussi noter que les deux personnages, à l’instar de Kobayashi, donnent à voir au lecteur des scènes de combats très bien décrites par l’auteur et dotées d’une grande intensité, avec des mouvements extrêmement rapides, qui peuvent faire penser à des combats que l’on peut voir dans le manga Dragon Ball d’Akira Toriyama, ce que soulignait le Chien critique avant moi.

 

Le mot de la fin

 

Les Portes célestes reprennent l’intrigue de La Fleur de Dieu et la poursuivent en faisant monter ses enjeux.

Jean-Michel Ré utilise une narration à points de vue multiples pour montrer l’étendue et les implications du conflit opposant le seigneur de Latroce à l’empereur Chayin X et l’Ordo, qui touchent également la population, prise dans les déchaînements de violence qui ravagent des villes entières. Ce mode de narration nous permet également de suivre l’évolution des actions de Fawdha Anarchia, mais aussi et surtout de Maître Kobayashi et de l’Enfant, qui apparaissent comme des figures d’Élus, à même d’apporter la paix dans l’univers.

L’auteur aborde également les modes d’action politiques et interroge, notamment à travers les agissements de Latroce, de l’Enfant, et de Fawdha Anarchia, la nécessité d’utiliser la violence pour renverser ou contrer un pouvoir politique dictatorial, et donne à voir des combats très bien décrits !

J’attends maintenant de lire Cosmos incarné !

Vous pouvez également consulter les chroniques du Chien critique, Les Pipelettes, Yogo, Célindanaé, Acaniel

 

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