Interview d’Olivier Martinelli

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, j’ai l’immense de te proposer une interview d’Olivier Martinelli, auteur du Roi des Krols aux éditions Leha !

Je vous rappelle que vous pouvez retrouver toutes les interviews dans le menu du blog, ou grâce au Tag « Interview ».

Je remercie chaleureusement Olivier Martinelli pour ses réponses détaillées, et sur ce, je lui laisse la parole !

Interview d’Olivier Martinelli


Marc : Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

Olivier Martinelli : Je suis né en 1967. Je vis à Sète, dans le sud de la France. Mais j’ai beaucoup voyagé avant de me stabiliser. Après des études à Montpellier, j’ai enseigné les mathématiques à la Réunion, dans les Yvelines, à Avignon puis à Nîmes. Entre mes débuts dans l’écriture en 1985 et mes premières publications, il s’est écoulé vingt ans. Vingt années à faire mon solfège, à travailler pour trouver mon style. Le talent, ça n’existe pas.   

Marc : Avez-vous toujours voulu devenir auteur ?

Olivier Martinelli : Enfant, je voulais devenir footballeur professionnel mais je n’ai jamais dépassé le niveau Promotion d’Honneur (l’équivalent d’une 7ème division). Quand j’ai réalisé que je ne serais jamais sélectionné en équipe de France, j’ai changé d’objectif. Ma passion pour le rock prenait de plus en plus de place. J’ai tapé sur une batterie pendant six mois puis j’ai appris des rudiments de guitare. Je voulais être Lou Reed à la place de Lou Reed. Aucun don pour l’instrument. Et puis, la place était déjà prise. J’ai abandonné.

Alors que j’étais en première année de Fac, mon frère aîné m’a offert des livres qui m’ont touché au cœur. J’ignorais que c’était possible. Il m’a fait découvrir John Fante, Salinger, Brautigan, Bukowski, Céline. Je ne m’en suis jamais remis. Après la lecture obligatoire et barbante des classiques du lycée, je découvrais des auteurs qui me touchaient enfin. Je découvrais la Terre Promise. Leur écriture était si simple, si directe, si peu intimidante, que j’ai eu l’impression que je pourrais m’y mettre à mon tour et atteindre rapidement le niveau de ces écrivains. Impression trompeuse. Écrire avec simplicité, nervosité et puissance est un Everest. J’ai mis des années à m’y essayer, à échouer avant de trouver ma petite musique à moi.

Marc : Qu’est-ce qui vous a amené aux genres de l’autofiction et du polar, que vous pratiquez habituellement ?

Olivier Martinelli : Chacun de mes romans, à des degrés divers, contient une part d’autobiographie :

  • Ma passion pour le rock : La Nuit ne dure pas (13e Note – Prix des Lecteurs de Deauville 2012) ; Une Légende (E-Fractions) ; Mes nuits apaches (Robert Laffont – Prix Livre au Cœur 2020) et une cinquantaine de nouvelles dispersées dans des recueils collectifs.
  • Mon histoire familiale : Quelqu’un à tuer (La Manufacture de Livres) ; « L’ombre des années sereines » (Zinc Editions – Prix de la ZEC 2016), Le fils de la défaite (Poussière Editions).
  • Mon combat intime et très optimiste contre la maladie puisque je suis suivi depuis 2014 pour un myélome multiple (cancer de la moelle osseuse) : L’Homme de miel coup de cœur d’une quarantaine de librairies à sa sortie.

Marc : Pourquoi être allé vers la Fantasy avec Le Roi des Krols ? Qu’est-ce qui vous intéressait particulièrement dans ce genre ?

Olivier Martinelli : Je n’avais jamais envisagé de me lancer dans le genre de la Fantasy. C’est mon fils qui m’a obligé à sortir de mes marottes littéraires. Grand lecteur de ce type de littérature, il m’a lancé le défi de m’y frotter. Je suis curieux de nature et toujours avide d’expériences nouvelles. Je me suis lancé alors qu’il partait en classe de neige avec l’objectif d’écrire le premier chapitre d’une grande saga pour qu’il puisse le lire à son retour.   

Marc : Vous dites dans les remerciements du roman que la Fantasy est le genre préféré de votre fils. Etes-vous également lecteur de Fantasy ?

Olivier Martinelli : Si l’on excepte L’Iliade et L’Odyssée, je dois avouer que je n’avais jamais lu de Fantasy jusqu’à récemment. Ma culture est davantage cinématographique. Je suis friand de SF (Alien, Blade Runner, …) et de Fantasy (Le Seigneur des anneaux, Conan le Barbare, …).

Marc : Comment vous est venue l’idée de l’univers du Livre des Purs ?

Olivier Martinelli : C’est toujours mystérieux, la naissance d’une idée. En l’occurrence, mon histoire est née avec cette première phrase : « J’ai tué mes premiers Palocks à l’âge de dix-sept ans ». À partir de là, je devais créer ces Palocks, écrire l’histoire du jeune homme qui s’exprime et découvrir pourquoi il était en guerre contre ce peuple. J’avais aussi l’ambition d’écrire une sorte de pamphlet contre l’obscurantisme. D’où l’existence de ce Livre des Purs, objet de toutes les convoitises.

Marc : Comment s’est déroulée la rédaction du Roi des Krols ? Avez-vous des anecdotes à partager ? Du point de vue de l’écriture, la rédaction du roman a-t-elle été différente de celle de vos autres récits ? Le passage à la Fantasy a-t-il changé la manière dont vous écrivez ?

Olivier Martinelli : Elle s’est étalée sur plusieurs années, parallèlement à l’écriture de mes autres textes. Chaque fois que je terminais une partie, je la faisais lire à mon fils qui me pressait d’écrire la suite. Quand j’ai terminé le projet, je l’ai fait passer autour de moi et mon frère qui est un grand lecteur a montré un tel enthousiasme que j’ai compris alors que je tenais quelque chose.  

Du point de vue de l’écriture, je me suis autorisé davantage de liberté que pour mes autres textes. Dans la mesure où je l’ai écrit comme s’il s’agissait d’un conte, je me suis imposé beaucoup moins de contrainte, je ne me suis pas interdit d’utiliser le passé simple, par exemple, dont on doit trouver très peu de traces dans mes précédents livres. Bien-sûr, on doit retrouver le rythme assez nerveux, la musique que je développe depuis des années. Mais il y a certainement plus d’amplitude dans Le Roi des Krols.

Marc : Y a-t-il des points communs entre Le Roi des Krols et vos autres romans ?

Olivier Martinelli : Si je devais trouver des points communs entre Le Roi des Krols et mes autres romans, c’est dans la recherche de l’émotion. Quelle que soit l’histoire, je veux toucher le lecteur. La notion de famille et les fratries sont toujours très présentes. L’adolescence aussi.   

Marc : Comment s’est déroulé le processus éditorial du roman ?

Olivier Martinelli : Mon parcours dans l’édition n’a jamais été simple. Je ne connaissais personne dans ce milieu. Me faire publier a longtemps été un combat. Mais à force de creuser mon sillon, de faire des lectures en librairies, de participer à des salons du livre, j’ai fini par me constituer un réseau de professionnels qui apprécient mon travail. Certains d’entre eux sont même devenus des amis.

L’an dernier, au FIRN, j’ai retrouvé Julien Guerry qui m’avait reçu pour une rencontre à l’époque où il était libraire au Gibert Joseph du Boulevard Saint Michel. Mon ami, Jérôme Dejean qui connaissait l’existence du Livre des Purs m’a orienté vers lui parce qu’il connaissait ses activités auprès de la maison d’édition LEHA. Je lui ai envoyé mon tapuscrit par mail, le soir même, un samedi et le mardi il me faisait un retour enthousiaste. Il a alors confié mon texte à Jean-Philippe Mocci qui a l’accepté très rapidement.

Avec Jean-Philippe, nus avons eu alors des échanges constructifs au niveau de la structure de l’histoire qui ont enrichi le texte. Et depuis, je n’ai eu que de bonnes surprises, à commencer par la magistrale illustration de Marc Simonetti.   

Marc : Le Roi des Krols est majoritairement écrit du point de vue de Daan, jeune homme de la tribu des Beleks, qui devient peu à peu un héros de guerre, appelé Daan le Rouge. Qualifierez-vous votre roman de récit initiatique ? Pourquoi avoir centré votre récit sur un personnage jeune ?

Olivier Martinelli : Oui, mon roman est clairement un récit initiatique comme le sont mes anciens textes. J’aime voir mes personnages évoluer et « grandir ». J’aime montrer comment les aventures, les rencontres, les blessures peuvent façonner la personnalité de mon « héros ».  

Marc : On observe d’ailleurs que votre personnage se confronte à un monde extérieur qu’il ne connaît que très mal, à cause du passé de son peuple, et surtout celui de son père, Kal. Pourquoi avoir situé votre récit dans un monde que les jeunes Beleks croient très restreint ?

Olivier Martinelli : Peut-être pour montrer l’ambivalence des sentiments. Le besoin de quitter son cocon aussi douillet soit-il. C’est je crois quelque chose d’inhérent au récit initiatique. Mon Daan le Rouge, n’est peut-être pas si éloigné du Holden Caulfield de L’Attrape-Cœurs, finalement. 

Marc : A travers l’évocation du passé des Beleks, mais également celui des Krols, vous traitez du rapport entre les peuples et leur mémoire, mais également de la manière dont les jeunes générations portent cette mémoire, ce qu’on observe dans le fait que les jeunes Krols s’engagent aux côtés des Beleks dans le conflit. Pourquoi traiter du rapport conflictuel qu’on peut entretenir avec la mémoire ? Souhaitiez-vous décrire une sorte de conflit générationnel ?

Olivier Martinelli : Impossible de se construire sans mémoire. Si vous ignorez d’où vous venez, c’est compliqué d’avancer. Cela vient sans doute de mon histoire personnelle. Je suis d’origine pied-noir et la famille et la mémoire sont les deux socles qui m’ont permis de tenir debout, de résister à certaines humiliations.  

Marc : Daan n’est cependant pas le seul point de vue du Roi des Krols, puisque vous donnez également celui de son frère, Luk, et de sa sœur Zila par exemple. Pourquoi avoir choisi de donner les points de vue d’autres personnages ? Pourquoi retransmettre leurs points de vue à la troisième personne alors que celui de Daan est à la première personne ?

Olivier Martinelli : Un roman, c’est une chanson. Il y a l’ossature, la mélodie portée par la rythmique (basse-batterie) et la voix du chanteur. C’est la narration de Daan. Et puis, il y a les arpèges de guitare, les trompettes, le violon, les chœurs, tous ces éléments qui vont enrichir la chanson et qui correspondent dans mon esprit aux points de vue de Zila et de Lak. Désolé pour la parabole. Je ne sais pas si je suis clair.

Marc : Vous décrivez des créatures, les soulines et les éolins, avec lesquelles les peuples des Vélins et des Fradins vivent en harmonie, au point qu’ils se servent d’eux comme moyens de transports, ou lors des batailles. Est-ce que les soulines étaient un moyen pour vous d’introduire des batailles aériennes dans un univers médiéval ? Pourquoi décrire des peuples proches des animaux et coopérant avec eux ?

Olivier Martinelli : Je voulais opposer aux bêtes monstrueuses des Palocks, les créatures bienveillantes des Krols. Je voulais opposer la discipline des premiers à l’harmonie des seconds.  

Marc : Le roman fait la part belle aux batailles à pied et aux affrontements au corps à corps, mais vous décrivez également l’emploi de ce qui s’apparente à des tactiques de guérilla, avec des assassinats, des incendies avec des flèches enflammées, ou même de l’huile. Pourquoi mettre en scène ce genre de tactiques ?

Olivier Martinelli : Tout simplement, pour opposer la ruse au nombre, l’intelligence à la force.

Marc : Les Palocks apparaissent différents des Krols et des autres peuples que vous décrivez, notamment à cause de leur sixième doigt et de leur peau blanche, mais également par le récit de leurs origines que vous faites dans l’épilogue du Roi des Krols. Sans rentrer dans les détails, pourquoi les avoir décrits d’une telle manière ? En apprendra-t-on plus sur eux dans la seconde partie du Livre des Purs ?

Olivier Martinelli : Oui, beaucoup de lecteurs s’interrogent sur la cosmogonie du Livre des Purs, l’origine des Krols et des Palocks. Mais je vous promets que le Tome II vous réserve des révélations et d’énormes surprises. 

Marc : Les mages Palocks n’ont pas l’air de véritablement pratiquer la magie, mais plutôt d’utiliser des sortes d’armes à feu, ce qui remet quelque peu leur statut en question. Pourquoi désacraliser la magie, en quelque sorte ?

Olivier Martinelli : La magie est souvent une solution de facilité pour sortir ses héros de situations délicates. Je voulais que les miens n’aient recours qu’à la ruse ou à l’audace. Je dois avouer que je me suis délecté du sort réservé aux magiciens dans mon histoire. C’est un peu pathétique mais il m’est arrivé de rire aux éclats en écrivant certaines scènes consacrées aux magiciens. 

Marc : Le second tome du Livre des Purs est-il déjà écrit ? Que racontera-t-il ?

Olivier Martinelli : Il est déjà écrit et entre les mains de mon éditeur. Il doit sortir en avril. Je ne vais évidemment pas vous raconter ce qu’il raconte mais je peux vous assurer qu’il réserve son lot de surprises et quelques moments horrifiques. Il me tarde que vous découvriez certains des personnages monstrueux qui peuplent cette suite. Et je vous promets que l’énigme du Livre des Purs sera dénouée… Quoique…

Marc : Avez-vous des conseils pour les jeunes auteurs ?

Olivier Martinelli : Travailler et préserver sa sincérité comme s’il s’agissait de son bien le plus précieux. Savoir encaisser et donner des coups…

Marc : Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

Olivier Martinelli : Un roman noir qui se passe au Venezuela. Une chasse à l’homme pleine de violence et de tension. Et puis une multitude d’idées me viennent pour continuer de nourrir certains des personnages du Livre des Purs. Je me suis attaché à eux, à présent. J’ai envie de leur faire vivre de nouvelles aventures. 

Marc : Quelles sont vos prochaines dates de dédicace ?

Olivier Martinelli : Beaucoup d’évènements sont annulés à cause du Covid. Mais la prochaine se fera le 20 novembre dans les Cévennes. Je dois y recevoir le Prix Livre au Cœur pour mon précédent roman (Mes nuits apaches publié par Robert Laffont). J’en profiterai aussi pour défendre Le Roi des Krols.  

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