Un éclat de givre, d’Estelle Faye

Salut à toi, lecteur. Aimes-tu Paris ? Apprécies-tu le post-apocalyptique, ou post-apo pour les intimes ? Si oui, tu tombes bien, parce qu’aujourd’hui, je vais te faire découvrir un roman grandiose qui se déroule dans un Paris post-apocalyptique du 23ème siècle.

Un éclat de givre, d’Estelle Faye

(ci-dessus, les deux couvertures du roman, celle des Moutons Électriques à gauche, et celle de Folio SF à droite)

Introduction

 

Estelle Faye est une auteure française née en 1978. Elle écrit de la fantasy et de la science-fiction. Un éclat de givre, paru en 2014 chez les Moutons Électriques, est son deuxième roman. Il va reparaître dans la collection Folio SF le 5 Octobre 2017. Elle a depuis publié une trilogie de romans de Fantasy chez Scrinéo, qui s’intitule La Voie des Oracles et dont les deux premiers tomes ont été republiés dans la collection Folio SF, et un roman indépendant, Les Seigneurs de Bohen, aux éditions Critic.

Je vous donne ici la quatrième de couverture de l’éditeur, qui vous résumera bien mieux que moi le propos du roman :

« Un siècle après l’Apocalypse. La Terre est un désert stérile, où seules quelques capitales ont survécu. Dont Paris. Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles. Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru. »

On suit donc Chet dans sa course à travers Paris pour combattre la mystérieuse « Substance », une drogue d’un nouveau genre qui permet de ne plus ressentir les effets de la chaleur caniculaire qui s’abat peu à peu sur la ville.

Mon analyse portera sur la construction de Paris tel que la ville est représentée dans le roman, à partir des ruines d’un monde dévasté, ainsi que sur le récit en lui-même. Cet article ne contient pas de spoilers, pour la simple raison que je ne vais pas m’attarder sur l’histoire que raconte le roman. Je l’ai trouvée très intéressante et passionnante, mais je ne pouvais pas vous en parler sans spoiler, alors j’ai préféré vous parler de la construction du monde dans laquelle elle se déroule.

L’Analyse

Un monde dévasté, mais un Paris réémergeant

 

Avant de continuer cet article, je vais vous faire un petit point sur le genre du post-apocalyptique. Si vous savez déjà ce que c’est, vous pouvez sauter cette partie de l’analyse. Pour les autres, je vous suggère fortement de la lire.

Le post-apocalyptique, ou post-apo pour les intimes, est un sous-genre de la science-fiction. Il est particulier grâce au contexte (ou setting) qu’il pose. En effet, le post-apocalyptique met en scène un monde où la civilisation telle qu’on la connaît a disparu à la suite d’un conflit nucléaire ou de catastrophes nucléaires, par exemple. Les protagonistes de ces récits doivent alors faire face au chaos, à l’anarchie, puisqu’il n’y a plus de civilisation ou de règles à suivre.

Nous allons voir que cette définition s’applique à Un éclat de givre, mais que le roman va plus loin.

Le récit d’Estelle Faye nous montre effectivement un monde dévasté par des catastrophes naturelles résultant d’une trop grande exploitation de la Terre au 21ème siècle, parce que « la terre a commencé mourir » à cause des excavations de « gaz de schiste ». La Nature s’est alors « révoltée » et le climat s’est complètement déréglé, jusqu’à ce que seules quelques capitales restent habitables. Ce contexte ancre le roman dans le genre post-apocalyptique.

Cependant, le récit est narré au 23ème siècle, en « 2267 », alors que plusieurs générations, « trois ou quatre » exactement, se sont succédé sans connaître le « Chaos » qui a suivi l’Apocalypse, ce qui fait que l’histoire de « l’Ancien Monde » et de sa chute sont presque devenus des mythes, des contes. Cela permet de montrer d’une part le détachement temporel des personnages par rapport à ce passé qu’ils n’ont pas connu directement mais qu’ils perçoivent par le biais d’archives, et d’autre part, cela permet à Estelle Faye de délivrer un message moral à son lecteur. Un message qui peut paraître simple, mais qui est néanmoins rendu très efficace par la manière dont il est délivré dans le chapitre « Fairy Tale ».

Ce qui subsiste réellement de « l’Ancien Monde » et qui resplendit sur le nouveau, c’est la culture. Cette culture de « l’Ancien Monde » s’observe d’abord par le fait que le roman est irrigué par le jazz, puisque Chet est passionné par le jazz (il chante des standards du jazz dans des bars), les personnages écoutent des disques qui ont survécu à l’Apocalypse, et des jazzmen tels que « Billie Holiday » ou « Chet Baker » sont cités dans le texte. La littérature occupe également une place importante, avec le fait que Chet possède une grande culture littéraire, puisque « Paul le sorbon » lui lisait des histoires et qu’il a lui-même beaucoup lu (« Les Misérables » de Victor Hugo et les écrits de Jules Verne sont mentionnés dans le texte).

Ces détails nous montrent que « l’Ancien Monde » alimente le nouveau, puisque sa culture subsiste. Des vestiges ont également été préservés, avec par exemple « Notre-Dame », le « métro », le « Jardin des Plantes », ou encore « la piscine Molitor ». Mais ces lieux ont changé après l’Apocalypse et deviennent tout autre chose, puisque « la piscine Molitor » s’est transformée en bar qui abrite des « sirènes » d’un genre très particulier, et la « Notre-Dame » du 23ème siècle abrite la cour de « Janosh », le roi des gitans. Cette modification des lieux de Paris permet à Estelle Faye de dépayser son lecteur tout en lui montrant un endroit qu’il connaît probablement déjà.

Le roman s’éloigne aussi du genre post-apocalyptique, parce qu’il nous montre un monde où la civilisation a déjà repris le dessus pour échapper au chaos. En effet, on observe que certaines factions, comme les « Enfants-psys » ou les « Frelots » de la « Bordure » tentent tant bien que mal de maintenir l’ordre dans Paris. Cependant, certaines zones géographiques restent fermées à l’Homme, comme les « Terres Vides » par exemple. De plus, certaines zones de Paris sont devenues fermées à l’ordre, avec le quartier de Denfert Rochereau, qui est devenu « l’Enfer », un hôpital où des individus sont changés en monstres grâce à la chirurgie.

La civilisation a donc repris le dessus dans Un éclat de givre, mais elle est menacée par un certain nombre d’éléments, notamment les drogués utilisant la « Substance », dont je ne peux pas trop vous parler en détail sans spoiler. On peut également noter que certaines technologies de pointe ont été perdues, mais que certaines subsistent, comme le « métro » par exemple.

Les faits que certaines technologies, comme le « métro » ou la chirurgie survivent, mais aussi que « l’Ancien Monde » ait laissé des traces dans Paris permettent de créer un monde où tout est possible ou presque, ce que montrent les rencontres improbables de Chet, avec les « hybrides », les animaux génétiquement modifiés, les « freaks » de « l’Enfer », ou encore les utilisateurs de la « Substance » et leur chef. Ce monde nous est livré au travers du regard de Chet, à la première personne et au présent, ce qui donne un effet d’immédiateté. Cela nous permet également d’entrer dans l’intimité du personnage. On découvre ainsi ses fantasmes, ses rêves, son ressenti direct des événements qu’il traverse, ce qui rend le roman très rythmé et sensible, puisque Chet est un personnage attachant et doté d’une grande sentimentalité.Le regard de Chet nous donne également des impressions qui peuvent sembler fugaces de certains personnages secondaires, mais qui permettent de vite les caractériser, comme « Sibyl », la chef des « Enfants-psys » dont il se méfie, par exemple.

Le mot de la fin

 

Un éclat de givre est un roman très riche. Estelle Faye nous donne à voir un Paris très exotique et très loin de ce que peut habituellement produire le post-apocalyptique, avec un personnage principal très attachant. Je vous reparlerai sans doute bientôt de cette auteure !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Boudicca, Blackwolf, Célindanaé, Ombrebones, Dup, Symphonie,

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