Espérer le soleil de Nelly Chadour

Salut à toi, lecteur ! Aujourd’hui, j’espère que tu aimes l’uchronie et le post-apocalyptique, parce que je vais te parler d’un roman qui mélange très habilement ces deux genres et qui va bien au delà.

Espérer le soleil, de Nelly Chadour

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Introduction

 

Je n’ai pas pu trouver beaucoup d’indications biographiques sur l’autrice d’Espérer le soleil. Par conséquent, je vais directement passer au résumé du roman, paru en septembre 2017 chez Les Moutons Électriques.

Je préfère vous donner la quatrième de couverture de l’éditeur, qui vous donnera le point de départ du roman bien mieux que moi :

« La Grande Peste Noire. Le Grand Incendie. Le Blitz orchestré par les nazis. La Bombe de Staline… Londres a survécu à tout. En 1951, isolée dans la gangue glacée de la nuit nucléaire, la cité millénaire et ses habitants tentent de vivre comme avant. Malgré les radiations, les Rôdeurs de la Nuit, et eux-mêmes.

Quand des enfants de quartiers pauvres sont enlevés par une étrange entité aux yeux incandescents, les tensions éclatent et les destins s’entrecroisent. Ainsi Vassilissa, vampire russe obligée de traquer ses semblables sous les ordres des autorités britanniques ; Satinder, jeune fille sikhe qui n’a pu empêcher la disparition de ses petits frères ; Jaime, ancien résistant espagnol désormais voué au crime organisé ou Gwen, belle héritière blessée au plus profond de sa chair et de son âme. Sous l’objectif du photographe américain Arthur Smitty se succèdent émeutes et révoltes d’une population dont le rêve impossible est de revoir le soleil une dernière fois. »

Espérer le soleil se trouve donc à la croisée du post-apocalyptique, de l’uchronie et du fantastique et nous présente une ville de Londres (dont je parle pour la quatrième fois) en proie à l’effondrement. Mon analyse portera sur la construction du récit et son rapport avec le monde que l’auteure dépeint, ainsi que sur les personnages, que j’ai trouvé originaux. Je vais volontairement occulter certains détails du roman pour ne pas spoiler, parce qu’il vient de sortir et que je tiens à ce que vous puissiez le découvrir sans voir son intrigue gâchée par ma faute !

 

L’Analyse

 

Un monde parfaitement lié au récit

 

Avant d’aller plus en avant, il me semble nécessaire de définir les deux genres que sont le post-apocalyptique et l’uchronie. Comme je l’ai déjà fait dans des articles précédents, je ne vais pas m’attarder longtemps sur le sujet.

L’uchronie est un sous-genre de la science-fiction qui consiste en une réécriture de l’Histoire telle qu’elle aurait pu être. Par exemple, Johan Heliot, dans L’Académie de l’éther, dont je parle ici, dépeint l’évolution de la France si l’électricité avait été maîtrisée à l’époque de Louis XIV.

Le post-apocalyptique est un autre sous-genre de la science-fiction qui met en scène un monde dévasté à la suite d’une catastrophe (nucléaire, naturelle…) et qui montre une civilisation presque éteinte. Un éclat de Givre d’Estelle Faye, chroniqué ici, est un roman qui se déroule dans un Paris post-apocalyptique du 23ème siècle.

Maintenant que ces explications ont été données, je peux commencer.

Espérer le Soleil possède un univers qui permet de mettre en scène son récit de manière parfaitement cohérente.

En effet, tout le récit s’articule autour du point de divergence choisi par l’auteure, c’est-à-dire le fait que Staline ait lancé des bombes nucléaires sur toute « l’Europe occupée » par les nazis, ce qui a ravagé le continent et causé un « hiver nucléaire » (une baisse considérable de la température due à la création de nuages formés par les particules rejetées par une bombe nucléaire). Cet « hiver nucléaire » constitue le socle narratif du récit, puisque la ville de Londres a survécu, mais ses habitants ne voient plus le « soleil » à cause des nuages et le manque de lumière empêche les plantes mettant l’agriculture « en péril », mais il entraîne également d’autres problèmes qui permettent la mise en place de la narration.

Londres est fermée au reste du monde et ses habitants ne savent pas si d’autres pays ou cités ont survécu en raison des pertes de communication avec le reste du monde, ce qui donne une atmosphère de tension au récit avec des situations de plus en plus tendues et qui montrent que l’ordre établi par les puissants risque de tomber sous les coups de diverses factions.

L’absence de soleil entraîne une recrudescence d’apparitions des vampires, « Rôdeurs de la nuit », qui ne risquent plus de mourir en plein jour, ce qui leur permet d’agir à leur guise et de se cacher dans la population. Le fait que la présence des Rôdeurs soit justifiée par un hiver atomique est selon moi une très bonne idée. Les vampires constituent une part importante du récit, notamment grâce au personnage de Vassilissa, vampire russe chargée de tuer les autres Rôdeurs, mais aussi le « Rakshasa » qui enlève des enfants.

Ces disparitions d’enfants inquiètent plusieurs autres personnages, qui mènent eux aussi l’enquête pour découvrir qui les enlève et pour quelles raisons. Le récit est donc narré depuis le point de vue de plusieurs personnages, ce qui permet au lecteur d’avoir une vision vraiment complète des événements. En effet, les aventures que vivent les différents personnages point-de-vue permettent au lecteur de reconstituer avec précision le tableau des enlèvements d’enfants par le « Rakshasa », qui est poursuivi qui Vassilissa, mais aussi par James Hawkins, chef de la pègre locale, Arthur Smitty, photo-reporter américain coupé de son pays, Gwen Dryland, fille du plus grand industriel londonien qui a énormément de mal avec sa famille, ou Satinder Sodhi, jeune sikhe qui est contrainte de renier sa religion pour aider ses frères capturés par le « Rakshasa ».

Je vais donc passer aux personnages du roman, qui permettent au lecteur d’explorer le Londres dépeint par Nelly Chadour !

 

Des personnages originaux et tragiques

 

Les personnages d’Espérer le soleil portent en eux une grande part de tragique qui les rend attachants et intéressants à suivre (mais pas forcément sympathiques) sans sombrer dans le pathétique. Je ne vais pas entrer dans les détails pour tous les personnages point-de-vue, mais je vais vous parler de ceux qui m’ont le plus marqué.

Mais avant, je vais vous donner un élément général sur les personnages et leur intérêt dans le récit. Outre le fait qu’avoir le point de vue de chacun d’eux permet au lecteur de saisir le récit et ses enjeux dans sa globalité, les personnages possèdent chacun une individualité assez marquée. On peut observer cette individualité dans les différences de ressenti de chacun d’eux sur les événements qu’ils traversent, ainsi que le fait qu’ils aient tous des objectifs différents, mais surtout, ils ont un langage différent. L’auteure retranscrit leurs différentes voix à la perfection, en variant les niveaux de langue et en fournissant un véritable idiolecte à chacun de ses personnages, notamment chez Vassilissa, où un jeu typographique montre le flot de ses pensées et de ses souvenirs troublés, avec des phrases courtes en italique au milieu de la narration. Le cynisme de la vampire transparaît également à la perfection, avec l’expression « sacs de sang » qu’elle utilise pour désigner les humains. Les différences culturelles et sociales entre les personnages sont également très marquées, puisque chaque personnage est issu d’un milieu différent (Gwen vient d’une famille d’industriels riches, Arthur est un photographe américain, James est un ancien résistant espagnol qui est devenu un malfrat, Satinder est une indienne sikhe…) et utilise des termes spécifiques à ce milieu. Par exemple, Arthur utilise des termes relatifs à la photographie (les fameux « cyanotypes » qui lui permettent de développer des photos de vampires), Vassilissa utilise des termes issus du russe…

Revenons maintenant au tragique des personnages. Les narrateurs d’Espérer le soleil portent tous une part de tragique, c’est-à-dire une part sombre, funeste, qui leur vient de leur passé, qui est détaillé pour certains d’entre eux dans les « Interludes » ou dans « l’introduction » pour Vassilissa, ou que l’on entrevoit dans leurs pensées lorsque le lecteur les suit. C’est cette part de tragique qui les rend intéressants à suivre, qui les rend attachants pour le lecteur, malgré le fait qu’ils agissent de manière parfois (et même souvent pour James, Satinder ou Vassilissia) répréhensible. Cette part de tragique des personnages donne également une grande part de gravité au roman et rend les personnages assez originaux et profonds, mais je ne vous en dirai pas plus !

 

Le mot de la fin

 

Avec Espérer le soleil, Nelly Chadour signe un roman incroyable, qui mélange uchronie et post-apocalyptique et qui va bien au-delà de ces deux genres, avec une ambiance sérieuse sans autant pour sombrer dans le complètement pathétique, avec des personnages extrêmement intéressants !

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