Mondocane de Jacques Barbéri

Salut à vous, lecteurs. J’espère que vous aimez le post-apocalyptique. Aujourd’hui, je vais vous faire découvrir une œuvre de ce genre, mais qui possède sa propre poésie, sa propre force.

Mondocane, de Jacques Barbéri

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Introduction :

Jacques Barbéri est un auteur français né en 1954. Il écrit principalement de la science-fiction, et écrit depuis la fin des années 70. Beaucoup de ses romans ont été publiés dans les collections Présence du Futur de Denoël et Anticipation du Fleuve Noir, qui sont deux célèbres collections de romans et d’anthologies de science-fiction. Aujourd’hui, la plupart de ses romans sont édités (ou réédités) chez La Volte, avec par exemple Narcose (2010), Le Tueur venu du Centaure (2014), ou Mondocane (2016), dont je vais vous parler aujourd’hui.

Mondocane est la réécriture d’un roman plus ancien de Jacques Barbéri, qui s’intitulait Guerre de rien. L’histoire est celle de Jack Ebner, la « nourrice » d’une I.A, « Guerre et Paix », qui avec d’autres I.A, déclenche une guerre qui ravage la planète et met fin à la civilisation telle qu’on la connaît. Sept ans après cette guerre, Jack émerge d’un profond coma et va découvrir à quel point le monde a muté, au sens propre du terme.

Le roman est donc un récit d’exploration parfois poétique mais souvent horrible qui nous fait découvrir les profonds changements que peut causer une guerre, surtout lorsqu’elle est régie par des I.A .

Mon analyse portera sur la force évocatrice de Mondocane, et sur la guerre que le roman nous raconte. Ne vous inquiétez pas, cette analyse ne contiendra pas de spoils.

L’Analyse :

 

Une grande force évocatrice :

Mondocane est un roman qui possède une grande force évocatrice, c’est-à-dire que le lecteur n’a aucun mal à s’impliquer dans le récit du voyage de Jack dans la Terre dévastée d’après-guerre.

Cette force évocatrice se signale dès les premiers chapitres, qui se déroulent avant que la guerre n’éclate et qui permettent de lui donner un contexte et de décrire son atrocité, avec des Intelligences Artificielles (« Petit Poucet », « Guerre et Paix ») capables de modifier génétiquement les soldats sur le terrain et de prendre le contrôle de leurs corps grâce aux « prises poignet », par exemple.

Jack constate tout au long de son périple les dégâts et les conséquences de cette guerre, que ce soit par l’observation de ce qui l’entoure ou par le biais des discours et des apparences des autres personnages, comme Maxton, Grootz ou Laetitia. Il est le personnage principal de Mondocane, mais il est également le personnage qui permet au lecteur de découvrir la Terre d’après-guerre avec un regard d’être humain lambda qui observe les mutations de l’environnement.

Ces mutations peuvent être d’ordre physique, avec les montagnes de corps qui sont des centaines de corps mêlés les uns aux autres, l’aspect physique déroutant de certains personnages comme Maxton, qui a des plaques de métal greffées au corps, les « hommes bouteilles », et les enfants mutants comme Laetitia, qui ressemblent à des « crevettes ». Les descriptions des corps et des paysages que Jack observe retranscrivent à merveille l’impression d’étrange, de manière très organique et charnelle. Mais les mutations peuvent aussi être d’ordre mental, avec le développement des pouvoirs psychiques des mutants comme Laetitia. Ces mutations permettent à de nouvelles espèces de se développer pour remplacer l’Homme tel qu’on le connaît. Jack est surpris, choqué ou dégoûté de tout ce qu’il voit parce qu’il considère les découvertes qu’il fait comme anormales, alors que dans le monde d’après-guerre, c’est lui qui est une anomalie, puisqu’il ne s’est pas adapté pour survivre aux diverses calamités qui peuvent survenir, avec par exemple sa rencontre avec des homoncules et une « ogresse » que vous ne risquez pas d’oublier une fois que vous aurez lu Mondocane.

Mais peu à peu, Jack finit par s’adapter aux bizarreries qu’il rencontre et finit par voir le côté poétique du monde dans lequel il doit vivre. Un monde qui est hostile, parce qu’il découle d’une guerre.

Une guerre qui n’a pas besoin d’être vue par le lecteur

 

Le lecteur de Mondocane n’a pas besoin qu’on lui fasse un récit de la guerre qui a eu lieu entre « Guerre et Paix » et « Petit Poucet », puisqu’à travers les yeux de Jack, il en observe les conséquences directes dans les paysages que le personnage principal traverse et les rencontres qu’il fait. Autrement dit, Jacques Barbéri n’a pas eu besoin de faire de Mondocane un récit de guerre, parce que ce sont les personnages qui vivent les conséquences du conflit qui la racontent le mieux, et je trouve que c’est ce qui donne toute sa puissance et tout son charme au roman. On voit les prémices de la guerre dans les premiers chapitres qui racontent la vie de Jack en tant qu’ingénieur engagé dans l’armée, puis on en observe les conséquences pendant tout le reste du récit, mais jamais la guerre en elle-même.

Il est possible de s’interroger sur ce choix de l’auteur. Pourquoi avoir choisi un récit post-apocalyptique et pas un récit de guerre ?

L’une des réponses possibles à cette question serait que l’auteur a fait ce choix pour mieux montrer l’étendue des dégâts que pourraient causer une guerre si elle était orchestrée par des I.A. qui ne se soucient pas du facteur humain de la guerre. Ainsi, une guerre causée par des Intelligences qui ne prennent pas l’humain en compte pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’environnement, que l’on constate dans le roman avec les « bombes géoclimatiques » et surtout, les phénomènes « d’inversion », qui fait que les vêtements deviennent de la chair et la peau du tissu, ainsi que « l’extension » et la « compression » qui peuvent étirer des structures sur des kilomètres ou au contraire, les rendre ridiculement petites, si bien qu’elles peuvent se faire écraser par des passants en pleine rue, par exemple. La Terre ne serait plus la même sous l’influence d’une telle guerre, et l’être humain ne serait plus celui que l’on connaît, puisqu’il pourrait être modifié à loisir grâce aux « prise-poignets » qui permettent de modifier génétiquement les soldats pour les adapter à leur environnement. La guerre se déshumaniserait complètement, au point de profondément transformer la civilisation, comme l’illustre Mondocane d’une manière assez grave.

Le fait que l’on suive l’un des responsables de la guerre (Jack s’est occupé de « Guerre et Paix ») renforce ce sentiment de gravité, puisque le personnage se rend compte des conséquences de ses actes de manière directe, ce qui le bouleverse et renforce l’empathie que le lecteur éprouve pour lui. Cette empathie se renforce à chacune des rencontres que fait Jack, et notamment lorsqu’il rencontre « Rony », qui est aussi responsable que lui dans les désastres causés par la guerre. Plus Jack rencontre de personnages, plus il se rend compte que le monde va finir par se reconstruire et que la civilisation va réapparaître, grâce aux créatures qui se sont adaptées aux conditions de vie du monde engendré par le conflit. Le monde va peu à peu redevenir humain, sous l’impulsion d’une nouvelle civilisation. Mondocane raconte donc plus l’émergence d’un nouveau monde plutôt qu’une destruction. À ce titre, les recherches qu’effectuent Rony et ses compagnons sont un signe qu’une organisation se met en place pour succéder aux gouvernements dévastés par la guerre et les I.A.

Le conflit n’est donc pas raconté directement parce qu’il est totalement déshumanisé, là où le voyage de Jack et ses rencontres sont porteuses de beaucoup d’humanité, d’émotion, et d’espoir, comme en témoigne sa quête pour retrouver « Karen », mais je ne vous en dirai pas plus !

Le mot de la fin :

 

Mondocane m’a beaucoup surpris. C’est un roman qui parvient à être poétique avec un décor souvent rebutant, et cette poésie permet de proposer une réflexion sur les conséquences des guerres et sur l’Homme et sa civilisation en général. 

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