Mermere, de Hugo Verlomme

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman de science-fiction qui traite du rapport de l’être humain aux espaces maritimes.

 

Mermere, d’Hugo Verlomme

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Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions ActuSF, que je remercie chaleureusement pour leur envoi du roman.

Hugo Verlomme est un auteur français né en 1952. Il est passionné par les milieux maritimes et le surf, et l’ensemble de sa carrière littéraire est bâtie sur son engagement pour ses deux passions. Il s’inscrit donc dans la défense de l’environnement et des cétacés, et l’écologie maritime.

Mermere est un roman paru à l’origine en 1978 aux éditions Maritimes et d’Outre-Mer. Il a par la suite été réédité en 1995 par les éditions J-C Lattès, puis en Janvier 2020 par les éditions ActuSF dans une version remaniée et corrigée.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« — En toi, deux mondes ennemis confluent, ne l’oublie jamais, dit Noah.
— Le monstre qui a envahi ton rêve… a bercé l’histoire de la Terre, et ton histoire aussi. Sur Terre, cela s’appelle un « arbre ».

Arbre… Horn connaissait ce mot. Mais rien ne lui avait suggéré toute la vie dont il était porteur. C’était le frémissement même de cette vie qui l’avait arraché à son sommeil. Cette intrusion en lui d’une Terre qu’il n’avait jamais vue, il la ressentait comme une réalité à la fois attirante et repoussante.
Qu’y avait-il encore au fond de sa tête ? … Quel âge avait vraiment sa mémoire ?
Ce jour-là, Horn prit conscience de la confluence qui l’habitait. »

Mon analyse du roman traitera de l’aspect maritime et écologiste de Mermere.

 

L’Analyse

 

Science-Fiction maritime

 

Mermere prend pour cadre une planète Terre ravagée par les épidémies, les guerres et l’essor de technologies toujours plus avancées, mais nocives pour l’Homme, qui ont engendré un grand nombre de maladies. Les personnages terriens vivent alors dans de gigantesques mégalopoles, au sein desquelles règne le crime, la destruction de la nature, et l’exploitation sans scrupules d’êtres vivants. Ainsi, l’antagoniste du récit, Al Kaswini, qui se sert de la scientifique Tion Fa pour modifier le cerveau d’orques qui deviennent alors des « gladiateurs », véritables machines à tuer qui sillonnent la mer pour semer la destruction parmi ceux qui ont choisi d’y vivre. Hugo Verlomme traite donc de l’impact environnemental de l’espèce humaine, qu’elle engendre par sa course au progrès technologique, et son impact environnemental, à travers son exploitation des ressources naturelles, mais aussi la manière dont elle gère ses déchets, en les rejetant dans la mer, ce qui a pour conséquence de polluer l’écosystème marin, ou dans l’espace. Les thématiques abordées par l’auteur sont toujours ancrées dans l’actualité, une quarantaine d’années après la parution originelle du roman, et s’intègrent parfaitement dans la veine des fictions climatiques que l’on peut retrouver en SF ou en Fantasy. Le fait que le propos de Mermere soit toujours valable plusieurs décennies après sa première publication montre que le roman s’ancre dans une veine contemporaine de l’imaginaire, mais témoigne également des progrès que nous devons accomplir pour mieux respecter l’environnement.

En réaction à la pollution de la planète, des êtres humains ont fui la terre pour vivre sous la mer. Ils ont ainsi fondé la civilisation des « noés », qui vivent au sein des océans, dans et sous l’eau. Les noés cherchent à vivre en harmonie avec la mer et les espèces qu’elle abrite, et y parvient en se souciant grandement de l’équilibre de l’écosystème qui les héberge. Leur souci de l’écosystème marin s’appuie notamment sur leur adaptation à leur milieu pour engendrer le moins de perturbations environnementales possibles. Ainsi, on observe qu’ils sont capables de communiquer avec des cétacés, tels que les dauphins, les baleines, les orques, ou les cachalots, dont ils connaissent la langue (on note également que les cétacés savent décrypter la langue des humains) ce qui leur permet de coopérer. L’auteur établit donc un pont entre l’espèce humaine et les cétacés par le biais du langage. L’harmonie des noés avec la nature s’observe aussi dans le fait que les cétacés se lient d’amitié avec les humains, et entretiennent même parfois des relations sexuelles (oui oui) avec eux.

Les noés se répartissent en différents « domaines », situés en différents points du globe. Ils apparaissent également comme une nouvelle humanité, puisqu’ils sont capables de respirer sous l’eau grâce à une greffe organique, « l’okam », qui est intégré à leur gorge, et leur permet de s’intégrer parfaitement à l’écosystème dans lequel ils vivent. Les noés accueillent également des « transfuges », des humains venus de la terre ferme, et qui souhaitent intégrer la communauté des noés, qui leur greffent alors un okam. On peut considérer les noés comme des transhumains, qui se sont complètement adaptés à la vie en milieu marin. Hugo Verlomme décrit également les installations des noés qui leur permettent de vivre dans leurs domaines, avec des jardins sous-marins, mais aussi des capsules, les « jonas », qui leur permettent de passer de leurs radeaux sur la mer à leurs installations situées dans l’océan. L’auteur montre alors qu’un usage raisonné de la technologie peut permettre une vie respectueuse de la nature. On peut également noter que certains noés, à l’instar de Noah ou d’Horn, disposent de pouvoirs psychiques qui leur permettent de communiquer par télépathie. Ils se rapprochent ainsi de figures surnaturelles non-humaines, à la fois par leur technologie, et leurs pouvoirs.

Mermere met donc en scène un conflit entre deux humanités, l’une qui représente un monde ancien, détruit par la course au progrès et au profit, et l’autre qui représente un autre mode de vie possible, en harmonie avec la nature et un écosystème préservé. Les uns sont rattachés à une terre presque détruite, tandis que les autres sont rattachés à une mer encore préservée.

Les noés appartiennent donc à Mermere, c’est à dire l’ensemble des mers et des océans, qui forment une mère nourricière, ce qui constitue un retournement de la figure de la mère nature assimilée à l’environnement terrestres, et les terriens, qui exploitent les ressources de leur milieu, polluent la mer et l’espace. Ce conflit prend la forme de violences systémiques perpétrées sur les noés et les transfuges par les terriens, qui les tuent pour les disséquer ou les étudier comme des cobayes de laboratoire. Les noés sont ainsi soit déshumanisés par leurs ennemis, soit considérés comme des terroristes qui hantent les mers pour mener une guérilla contre les habitants de la terre, ce qui montre l’étendue des biais et des préjugés qui habitent les terriens à propos des habitants de la mer. On peut noter que le motif de la terre nourricière a également été battu en brèche par N. K. Jemisin, dans sa trilogie de La Terre Fracturée, avec une Nature, incarnée par le Père Terre, entièrement consacrée à la destruction totale de l’Humanité.

Le récit d’Hugo Verlomme interroge donc notre rapport aux écosystèmes marins, à la fois dans la manière dont on peut les détruire ou les polluer, mais aussi dans les moyens qu’on peut mettre en œuvre pour les préserver, à travers l’opposition entre les terriens et les noés et les descriptions de l’environnement de vie de ces derniers. L’auteur interroge également l’intérêt de la conquête spatiale, en montrant pourquoi elle relève d’un certain égoïsme de l’Humanité, qui cherche à s’approprier des planètes pour quitter un environnement détruit, mais sans tirer d’enseignement vis-à-vis de son impact environnemental, ce qui peut entraîner la reproduction des erreurs qu’elle a commises sur Terre. L’un des enjeux du récit est donc de concurrencer la conquête spatiale terrienne de manière éthique.

Mermere nous donne le point de vue de nombreux personnages, à commencer par les protagonistes, avec les noés Horn, Masha, et Noah par exemple, mais aussi des antagonistes, avec Al Kaswini, un chef d’état qui cherche à éradiquer les noés, Gomez, un chasseur de primes, ou son complice Babylone. Le point de vue d’Al Kaswini rend compte de l’inhumanité du personnage et de sa nocivité, à la fois pour les noés et la planète entière. Cet antagoniste peut conférer une part de manichéisme au récit, parce qu’il incarne une sorte de mal absolu, responsable de la détérioration des milieux naturels. On rencontre cependant des figures ambivalentes chez les humains, comme le marin Emmolrev, passionné par les noés, ou Tion Fa, une scientifique contrainte par Al Kaswini d’étudier les cétacés et les humains qui se sont liés d’amitié avec eux. Ces deux personnages montrent que tous les terriens ne cherchent pas à détruire Mermere. L’auteur donne également les points de vue de personnages non-humains qu’il anthropomorphise, en leur conférant une grande sensibilité, à l’image de la dauphine Loul, profondément attachée à Noah et à Horn, par exemple.

Le roman est centré sur Horn, qui est métis, puisque sa mère, Masha, est terrienne et son père, Noah, est un… noé. Horn a grandi au sein du domaine du Volcan, l’un des domaines des noés qui se situe autour d’un volcan océanique, mais il nourrit néanmoins une obsession pour la Terre et décide de s’y rendre, d’abord pour connaître la vérité sur les terriens et leur mode de vie, puis pour venir en aide aux noés dans leur ensemble. Horn apparaît comme un personnage tragique, parce qu’il vit la perte de plusieurs êtres chers, à savoir ses parents, et plusieurs des femmes dont il est amoureux. Il porte cependant en lui la possibilité d’un avenir meilleur pour les noés, et pour les terriens, car il incarne à la fois par son métissage, son voyage et ses rencontres avec les terriens qu’une harmonie entre les noés et les terriens est possible. La quête de Horn interroge également la nécessité d’actes violents lors d’une révolte, puisqu’il évite d’user de la violence contre les terriens, contrairement à son père, Noah, qui planifiait des attentats contre les dirigeants terriens. Horn va également se confronter aux vérités sur son peuple, à la fois dans la manière dont les noés sont perçus par les terriens, et dans l’histoire des origines des noés, qui est liée aux épidémies qui ont ravagé la planète, et à un personnage considéré comme légendaire par les habitants des mers, Jenkins.

 

Le mot de la fin

 

Mermere est un roman de science-fiction qui se concentre sur les écosystèmes marins et les manières de les préserver. Hugo Verlomme décrit le peuple des noés, des êtres humains ayant quitté la terre ferme pour vivre sous les mers, capables de respirer sous l’eau grâce à leur « okam », un organe artificiel. Les noés vivent en harmonie avec le milieu marin et ses habitants, ce que l’auteur montre grâce à la manière respectueuse dont ils aménagent leur environnement, mais aussi dans leurs liens solides avec les cétacés, avec lesquels ils communiquent.

Les noés sont cependant pourchassés et persécutés par les gouvernements terriens, qui les considèrent comme des terroristes. Les modes de vie des deux peuples s’opposent radicalement, puisque les terriens exploitent la nature et sont rongés par les maladies que leurs technologies engendrent, tandis que les noés vivent en harmonie avec la mer nourricière.

Cependant, à travers la quête de Horn, personnage métis terrien-noé, l’auteur interroge la manière dont ces deux populations peuvent interagir, de manière plus ou moins conflictuelle.

Si vous vous intéressez à l’écologie et aux milieux marins, je vous recommande ce roman !

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