Interview d’Ariel Holzl

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de te proposer une interview d’Ariel Holzl, l’auteur de la trilogie des Sœurs Carmines, composée des romans Le Complot des corbeaux, Belle de gris, et Dolorine à l’école, et le premier volume de Lames Vives, Obédience, dans la collection Naos des Indés de l’Imaginaire, ainsi que la série des Fingus Malister chez Rageot.

Je vous rappelle que vous pouvez retrouver toutes les interviews du blog dans la catégorie dédiée.

Je remercie chaleureusement Ariel Holzl pour ses réponses détaillées, et sur ce, je lui laisse la parole !

 

Interview d’Ariel Holzl

 

Marc : Pourrais-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaîtraient pas ?

Ariel Holzl : Je suis Ariel Holzl, l’auteur des romans « Les Sœurs Carmines » et « Lames Vives » aux Editions Mnémos, ainsi que de « Fingus Malister » aux Editions Rageot.

J’écris professionnellement depuis 3 ans. Avant cela, j’ai travaillé dans le cinéma et dans le jeu vidéo. J’ai aussi vécu longtemps à l’étranger, au Japon et en Irlande.

 

Marc : As-tu toujours voulu devenir écrivain ?

Ariel Holzl : J’ai toujours eu envie de partager mes univers, mais je n’ai pas orienté mes études dans cette direction d’emblée : d’abord diplômé de Sciences Po en Information et Communication, j’ai obtenu un master de Management de Projets Multimédia, puis un second master plus tardif en Cinéma et Ecritures Audiovisuelles.

 

Marc : Tu es l’auteur de la trilogie des Sœurs Carmines. Comment t’es venue l’idée de l’univers de Grisaille et de ses personnages ?

Ariel Holzl : L’univers de Grisaille est né d’un détournement cynique de la valeur la plus importante de notre société : le respect de la vie humaine. Je me suis imaginé un monde où le fait de mourir (ou se faire tuer…) n’aurait pas grande importance pour les habitants.

Pour les personnages, j’avais depuis longtemps envie d’écrire une série avec des héroïnes qui ne soient pas des « Mary Sue » en puissance, des filles et des femmes qui seraient donc fortes mais loin d’être parfaites. Je souhaitais également m‘atteler à de la littérature jeunesse « écrite », sans chercher à simplifier le style à outrance sous prétexte de toucher le plus large public possible. Et avant tout, il s’agissait de produire une série que j’aurais aimé moi-même lire en étant plus jeune.

 

Marc : Comment s’est déroulée la rédaction des romans de cette trilogie ? As-tu des anecdotes sur la genèse des Sœurs Carmines ?

Ariel Holzl : J’ai écrit les trois romans en un an et demi environ. Les deux premiers ont eu un temps d’écriture bien supérieur au troisième tome. Je n’ai pas d’anecdote particulière, si ce n’est qu’à l’origine, je ne pensais faire que 2 tomes ! Mais devant la popularité de Dolorine, j’ai fini par lui adjoindre son propre tome.

 

Marc : Les Sœurs Carmines relatent les aventures plus ou moins heureuses de trois sœurs, Merryvère, Tristabelle et Dolorine, toutes les trois dotées de sensibilités et de manières de s’exprimer différentes. Pourquoi avoir choisi d’écrire trois personnages si différents ?

Ariel Holzl : Principalement parce que je voulais raconter trois histoires au ton très différent les unes des autres. Cela se retrouve non seulement dans la personnalité des personnages mais aussi dans le style, le propos, les intrigues… de chaque tome. Le premier tome parodie le roman gothique en le mélangeant avec un genre très éloigné : le roman de cape et d’épée. Le deuxième tome parodie les romans d’éducation sentimentale édouardiens ou victoriens. Enfin, le troisième tome parodie les romans jeunesse d’académies et d’enfants extraordinaires…

 

Marc : Cette différenciation entre les trois sœurs s’observe jusque dans les choix de narration, puisque Le Complot des corbeaux, qui met Merryvère en scène est raconté par un narrateur qu’on peut qualifier de conventionnel, Belle de gris donne le point de vue de Tristabelle transmis à la première personne en brisant allègrement le quatrième mur, tandis que Dolorine à l’école joue sur le vocabulaire et les incompréhensions de l’enfant qu’est Dolorine pour opérer un décalage avec les événements qui se jouent autour d’elle. Pourquoi avoir fait ces choix de narration ? Laquelle des trois sœurs t’a paru difficile à écrire ? Laquelle as-tu préféré écrire ?

Ariel Holzl : J’ai fait ces choix de narration pour qu’ils correspondent aux intrigues et aux personnalités de mes anti-héroïnes. Le premier tome est plutôt introductif, davantage descriptif, d’où un éloignement du narrateur. Le deuxième tome est beaucoup plus intime. Enfin, le dernier tome joue sur l’âge de Dolorine et le décalage avec les situations très adultes qui sont présentes.

Je pense que la sœur la plus facile (et celle que j’ai préféré écrire) est Tristabelle, justement à cause de cette proximité avec le lecteur.

 

Marc : Les romans des Sœurs Carmines sont également bourrés d’humour plus ou moins macabre ou noir, couplé à la voix narrative des trois sœurs. Pourquoi avoir choisi d’ajouter de l’humour dans tes romans ? Est-ce que cette intégration s’est faite naturellement ?

Ariel Holzl : Ce n’est pas vraiment un choix conscient, le roman se prêtait à l’humour noir et la satire de par les thèmes abordés et l’univers très décalé. On peut donc dire que ça s’est fait (sur)naturellement !

 

Marc : Ton nouveau roman, Obédience, premier tome du diptyque Lames Vives, peut s’avérer plus sombre que les précédents. Comment t’es venue l’idée de l’univers de ce roman ? Pourquoi avoir choisi une tonalité plus sombre ? Comment s’est déroulée la rédaction du roman ?

Ariel Holzl : L’idée initiale vient d’une information réelle que j’ai trouvé surprenante : le fer est un métal qui n’existe quasiment pas de façon naturelle sur Terre. La plupart des gisements sont d’origine extraterrestre, venus du cœur des étoiles. Voilà donc l’origine du vif-argent, sur lequel repose toute l’intrigue.

J’ai choisi un ton plus sombre car j’avais envie d’écrire un roman où aucun des personnages ne peut être considéré comme « bon » ou « mauvais ». Toute lecture morale de leurs actes doit être contextualisée, circonstanciée.

 

Marc : Obédience aborde et met en scène un racisme systémique, à travers le fait que le peuple des Muedin a réduit les Haa’this en esclavage, en rétribution des persécutions qu’ils ont eux-mêmes subies pendant des siècles. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème ? Est-ce que les genres de l’imaginaire permettent d’aborder plus facilement ce genre de thématiques, d’après toi ?

Ariel Holzl : Il s’agit d’un thème d’actualité, puissant et délicat, j’avais donc envie de le traiter sans appropriation, d’où le choix de l’imaginaire. L’utilisation du genre permet une réflexion réelle sous un prisme fictif, à la façon d’une métaphore. La SFFF est rarement « gratuite » dans ses fins, même si certains voudraient le croire (et le faire croire).

 

Marc : Tu mets également en scène les Lames, des personnages complètement aliénés, dans leurs corps comme dans leurs esprits, tous deux contaminés par le « vif-argent » qui leur confèrent des pouvoirs surnaturels mais réduit drastiquement leur espérance de vie,  par le système qui les emploie, au point qu’ils sont considérés comme des armes vivantes ou des pantins par l’entièreté de la population, et qu’ils se voient eux-mêmes de cette manière. Pourquoi avoir choisi de montrer des personnages aliénés à ce point ? Les pouvoirs des Lames, issus du « vif-argent », et la manière dont ils sont créés, peut faire penser au programme Arme X de Marvel, qui a donné naissance à Wolverine, par exemple. Est-ce que c’est un clin d’œil ?

Ariel Holzl : Les thèmes de l’aliénation, de la déshumanisation et du prix moral de la liberté forment le cœur du roman. Les personnages sont tous aliénés d’une façon ou d’un autre, même ceux qui ne sont pas réduits à l’état de machines ou d’armes vivantes. On me cite souvent Wolverine quand on me parle du personnage de « Gryff » et des Lames en général, mais je ne suis pas un très grand lecteur de comics, je ne connais donc des X-Men que les films. S’il y a une référence ou un clin d’œil, c’est surtout du côté esthétique. Toujours du côté visuel, on peut également reconnaître le T-1000 de Terminator 2, par exemple !

 

Marc : Le roman floue énormément les frontières entre Fantasy et SF. En effet, les Magnites, considérés comme des mages, de par leurs pouvoirs de pyrokinésie par exemple, sont capables d’accomplir des prouesses surnaturelles grâce à des nuages de nanomachines auxquels ils sont liés génétiquement. Ce floutage entre SF et Fantasy s’observe également dans le fait que tu mets en scène des machines, telles que des barges volantes, la création d’êtres artificiels (sans rentrer dans les détails), ou l’utilisation du vif-argent. Pourquoi avoir créé un univers qui joue avec les codes de ces genres ? Est-ce que tu voulais explicitement ancrer ton roman dans la modernité de la Fantasy ?

Ariel Holzl : La « fragmentation » est un motif sur lequel j’ai voulu jouer dans le roman : l’univers est donc fragmenté, que ce soit géographiquement (les strates d’Obédience), socialement (les castes et les peuples) ou encore technologiquement / temporellement. Voilà pourquoi certains lieux, certains personnages obéissent à des codes de fantasy médiévale, tandis que d’autres sont plus contemporains, et d’autres enfin, carrément futuristes !

 

Marc : On peut donc assimiler les prouesses surnaturelles que tu dépeins à de la technologie mise en scène comme de la magie, à l’image de la troisième loi d’Arthur C. Clarke qui dit que « toute science suffisamment avancée est indiscernable de la magie ». Pourquoi avoir choisi de mettre en scène de la technologie dans un univers de Fantasy ?

Ariel Holzl : Comme dit précédemment, l’univers de Lames Vives n’est pas « juste » un univers de fantasy. Sans en dévoiler trop, toute l’intrigue repose sur un événement très SF.

Je suis tout à fait d’accord avec Arthur C. Clarke. On peut même dire que sa citation est une pierre angulaire de la construction du roman ! Pour moi, et dans cet univers en particulier, les frontières entre technologie et magie sont toujours brouillées. Différents niveaux de technologie et d’occulte cohabitent donc. Certains sont même identiques. Mais les personnages qui y sont confrontés ne s’en rendent pas forcément compte.

 

Marc : L’univers de Lames Vives s’ancre également dans la Fantasy orientale. Pourquoi avoir choisi de s’écarter des mondes médiévaux inspirés par l’Europe ?

Ariel Holzl : Le côté oriental découle d’un choix dans la construction de l’univers : celui-ci se base sur l’alchimie et ses différents courants ethnoculturels (alchimies grecque, romaine, arabe, indienne et chinoise). Dès lors, le glissement vers l’orient s’effectue naturellement car l’alchimie telle qu’on l’utilise dans la fantasy médiévale européenne est dérivée de ces courants originels plus méditerranéens voire orientaux. La géographie du roman est aussi davantage orientale qu’européenne (désert, oueds, îles volcaniques…).

 

Marc : Les personnages du roman sont tous marqués par leur univers et leurs actes, qui sont rarement héroïques et vertueux, ce qui rend Obédience très sombre et peu manichéen, ce qui est accentué par le fait qu’on dispose du point de vue de tous les personnages. Pourquoi avoir choisi de transmettre le point de vue de tous les acteurs de ton récit ?

Ariel Holzl : La multiplicité des points de vue me permet justement de détruire toute lecture manichéenne du récit. C’est particulièrement important vu qu’on peut séparer les personnages en deux camps. Je souhaitais vraiment que l’on comprenne (à défaut de s’attacher à) tous ces protagonistes, leurs motivations et les raisons de leurs décisions, toujours lourdes de conséquences.

 

Marc : Peux-tu nous en dire plus sur le prochain tome de Lames Vives ?

Ariel Holzl : Tous les points de vue du premier tome ne reviendront pas dans le second… Nous voyagerons aussi du côté d’une troisième force en présence : la civilisation Javrasii, sur un continent couvert de neige toxique.

 

Marc : Que penses-tu des illustrations de couverture réalisées par Melchior Ascaride pour Les Sœurs Carmines et Lames Vives ? As-tu échangé avec lui lors de leur conception ?

Ariel Holzl : Je pense qu’elles sont très réussies et qu’on leur doit beaucoup du succès des Sœurs Carmines ! J’ai eu la chance de pouvoir échanger directement avec Melchior et ses propositions ont toujours été superbes.

 

Marc : Sur quels projets travailles-tu actuellement ?

Ariel Holzl : Après avoir fini les corrections éditoriales de Fingus Malister tome 2, je travaille sur les corrections d’un roman post-apocalyptique et deux autres projets pour de nouvelles maisons d’édition.

 

Marc : Aurais-tu des conseils pour les jeunes auteurs ?

Ariel Holzl : Je conseille de commencer par exercer un métier « alimentaire » et d’écrire à côté. Se consacrer uniquement à l’écriture est un suicide financier, sachant que 80% des auteurs en France touchent moins que le SMIC. L’encadrement socio-professionnel des artistes-auteurs reste inexistant et le ratio « temps de travail / rémunération » est déplorable… Ce n’est pas un métier que l’on peut exercer en pensant faire fortune ! Attention aussi à ne pas tomber dans les arnaques telles que la publication à compte d’auteur : un éditeur ne demande JAMAIS d’argent à un auteur pour le publier. C’est lui qui vous paye pour votre travail, et non le contraire.

 

Marc : Quelles sont tes prochaines dates de dédicace ?

Ariel Holzl : Aucune tant que le confinement ne sera pas terminé ! J’espère néanmoins que le salon du livre Jeunesse de Montreuil se tiendra en fin d’année.

10 commentaires sur “Interview d’Ariel Holzl

  1. Très intéressante comme interview ! J’aime beaucoup la façon dont l’auteur parle de morcellements de fantasy, de mélange des genres, jusque dans les Soeurs Carmine. J’ignorais qu’il avait écrit un autre roman, Les lames vives, je m’y intéresserai aussi ! Merci beaucoup pour le partage de cet échange instructif !

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      1. Je n’ai lu que le premier tome des Soeurs Carmines, la suite est sur ma PAL depuis un moment ! Mais je ne connaissais pas du tout les Lames vives, alors merci pour la découverte !

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