Belle de gris, d’Ariel Holzl

Bonne année lecteur !

Te rappelles-tu des Sœurs Carmines? Te souviens-tu de Grisaille ? Non ? Tant pis, parce qu’aujourd’hui, je vais te parler du tome 2 de cette excellente série.

Belle de gris, tome 2 des Sœurs Carmines, de Ariel Holzl

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Introduction

 

Avant de commencer, je préfère vous prévenir de quelques détails. Premièrement, cet article parle d’un tome 2, alors même si effectivement, Belle de gris peut être lu indépendamment du tome 1, quelques spoilers du Complot des corbeaux peuvent s’être glissés ici sans que je fasse attention. Deuxièmement, j’ai chroniqué ce fameux tome 1 ici, si jamais cela vous intéresse. Troisièmement, cette introduction risque d’être très courte, puisque l’auteur n’a pour le moment publié que deux romans et que peu d’indications biographiques à son propos sont disponibles. Et quatrièmement, je tiens à remercier chaleureusement Ariel Holzl de m’avoir dédicacé Belle de gris et d’avoir répondu à mes questions au Salon du Livre Jeunesse de Montreuil !

Ariel Holzl est un auteur français qui est inspiré par des sources comme Tim Burton, Neil Gaiman, ou encore H. P. Lovecraft. Il est l’auteur de la série des Sœurs Carmines, qui comporte pour le moment deux tomes, Le Complot des Corbeaux et Belle de Gris, dont je vais vous parler aujourd’hui.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Trois semaines séparent Tristabelle Carmine du Grand Bal de la Reine. Trois semaines pour trouver la robe de ses rêves, un masque, une nouvelle paire d’escarpins… et aussi un moyen d’entrer au Palais. Car Tristabelle n’a pas été invitée. Mais ça, c’est un détail. Tout comme les voix dans sa tête ou cette minuscule série de meurtres qui semble lui coller aux talons.

En tout cas, elle ne compte pas rater la fête. Quitte à écumer les bas-fonds surnaturels de Grisaille, frayer avec des criminels, travailler dans une morgue ou rejoindre un culte. S’il le faut, elle ira même jusqu’à tuer demander de l’aide à sa petite sœur. Car Tristabelle Carmine est une jeune femme débrouillarde, saine et équilibrée. Ne laissez pas ses rivales ou ses admirateurs éconduits vous convaincre du contraire. Ils sont juste jaloux. Surtout les morts.

Il faut souffrir pour être belle. Ou faire souffrir les autres, c’est encore mieux. »

Vous l’aurez compris, dans Belle de gris, le lecteur suivra l’aînée des Carmines, Tristabelle, qui en voir et lui en faire voir de toutes les couleurs.

Mon analyse va porter sur l’humour du récit qui est cette fois-ci porté par Tristabelle, puis je parlerai du développement de l’univers de Grisaille, pour enfin aborder brièvement l’intérêt de Tristabelle en tant que personnage.

L’Analyse

Un humour toujours aussi décapant

 

Ariel Holzl pratique un humour grinçant dans Belle de gris. Humour qui est en partie porté par le personnage de Tristabelle, que le lecteur suit.

En effet, Tristabelle est placée en personnage point de vue, et on observe ses pensées et ses méthodes pour parvenir à devenir Dame de compagnie de la reine de Grisaille. On se rend alors très vite compte que Tristabelle est complètement amorale, c’est-à-dire qu’elle ne se soucie absolument pas de la morale. Le mot « amoral » se différencie de « immoral », puisque le premier signifie « sans morale » tandis que le deuxième signifie « contraire à la morale ». La distinction entre ces deux mots est utile, parce qu’elle permet de différencie un criminel qui tue ou vole par intérêt (et donc dans ce cas, il est immoral) et un sociopathe qui tue parce qu’il ne comprend pas que c’est immoral, par exemple. Tristabelle peut donc être caractérisée comme amorale à cause de ses actes, mais aussi, parce que le roman mentionne qu’elle n’a « jamais ressenti très vivement les choses » depuis qu’elle est « toute petite ». Cela peut également souligner le fait qu’elle est probablement sociopathe, si l’on se fie à la définition du Wiktionnaire, qui dit qu’un sociopathe est une « Personne souffrant d’un trouble de la personnalité, trouble souvent caractérisé par une tendance générale à l’indifférence vis-à-vis des normes sociales et aux codes culturels ainsi qu’aux émotions et aux droits des autres, et par un comportement impulsif, mais pas forcément violent ».

Sauf que Tristabelle est assez violente et se sert de son manque de morale pour échafauder des plans qui laissent presque toujours des cadavres dans leur sillage (elle va par exemple jusqu’à déclencher une émeute pour récupérer des escarpins), parce qu’elle fait preuve d’un pragmatisme à toute épreuve. Pour elle, la fin justifie les moyens. Et ce sont précisément ces deux caractéristiques du personnage qui permettent à l’auteur de mettre en place son humour.

Tristabelle est en effet complètement cynique et fait des remarques toujours assez piquantes sur chacun des personnages qu’elle rencontre (« Pauvre petit laborantin… Une minuscule piqûre de mon charme, et le voilà devenu rat de laboratoire »). Elle s’adresse également directement au narrateur pour se moquer de lui ou même le menacer (« Ce que j’ai fait avant de me coucher ? La curiosité tue, vous savez. Moins que la peste bubonique, mais tout de même. », ou « faites comme hier, dégotez-vous autre chose à espionner. Souvenez-vous aussi que si vous trichez, je le saurai. »), ce qui est assez peu commun. Mais ce qui est le plus détonnant (et le plus drôle), c’est que Tristabelle est absolument sûre d’elle-même et se pense parfaite, et elle ne manque jamais une occasion de le rappeler au lecteur ou aux autres personnages (« J’ignorais à quel point ma voix était mélodieuse avant de l’enregistrer : à la fois suave et profonde, et légèrement piquante aussi, comme un caramel fourré à la ciguë »), et ce même dans les situations les plus critiques. Son idiolecte, c’est-à-dire sa manière de parler, en détachant parfois les mots syllabe par syllabe (« é-vi-dem-ment », « ri-di-cule ») ressort parfaitement, puisqu’elle c’est elle qui s’occupe de son propre récit en laissant le narrateur en retrait, ce qui est assez drôle, puisque cela permet à l’auteur de déployer complètement toute la personnalité de son personnage.

L’humour du roman vient également des blagues gores que je ne vous dévoilerai pas parce qu’elles valent le coup d’être découvertes, et d’une certaine satire sociale que l’on peut notamment observer dans le chapitre 17, dans lequel Tristabelle déclenche une émeute très violente (pour des escarpins, ne l’oublions pas) qui oppose des bourgeois, des aristocrates, et des ouvriers. On pourrait même dire que Belle de gris fait la part belle au féminisme, puisque Tristabelle apparaît à bien des égards comme une femme moderne, qui ne compte pas sur le mariage pour assouvir son ambition. Son discours sur les armes et l’égalité au chapitre 3 semble également étayer cette supposition, en plus d’être drôle.

Vous l’aurez compris, Belle de gris est un roman vraiment très drôle grâce à son côté irrévérencieux porté par Tristabelle. Cependant, n’allez pas croire que le roman n’est « que » drôle, car l’auteur prend soin de développer son univers dans ce tome 2.

Grisaille plus explorée

 

Le lecteur qui aura accroché à l’univers présenté dans Le Complot des corbeaux sera ravi de voir que Belle de gris l’explore un peu plus en profondeur pour lui faire découvrir de nouveaux aspects de la ville de Grisaille.

Tout d’abord, on sait enfin ce qu’il advient de Merryvère (la deuxième des Carmines) à la fin du premier tome, et croyez-moi, la situation n’est pas forcément très joyeuse pour elle. Même si le roman ne la met pas beaucoup en avant, l’auteur lui consacre quand même quelques chapitres dans lesquels elle est le personnage point de vue, ce qui permet de la développer et de la faire participer (parfois malgré elle) aux plans de sa sœur.

Les origines des sœurs Carmines sont également explorées dans le roman, et on découvre que Tristabelle et Merry possèdent des dons héréditaires assez utiles, mais je ne vous en dirai pas plus. J’en profite pour ajouter que ceux qui ont eu l’œil ouvert et qui avaient deviné les origines de Dolorine verront leurs soupçons confirmés. Cette différenciation des origines des trois sœurs permet de les différencier encore plus pour mieux les individualiser.

On en apprend également plus sur la ville de Grisaille et sur son édification, sur ses environs avec la zone des « Laments », ce qui nous permet d’imaginer la ville et ce qui l’entoure. Certaines familles des Huit sont également plus présentes que dans le premier tome dont elles étaient presque absentes, comme les « Terne » ou les « Gemini », dont les pouvoirs magiques sont expliqués dans le détail. Le lecteur découvre également la légende d’une autre famille, ainsi que les origines des Vermeils, mais je ne vous en dirai pas plus. On constate également qu’il existe des religions au sein de Grisaille, avec les « Tentaculaires », la « Cathédrale Inversée », ou encore les « Sœurs de l’Aube Prochaine ». Bref, Ariel Holzl développe son univers et nous en apprend plus sur Grisaille, et ça fait plaisir !

Avant de conclure, je voudrais revenir sur l’intérêt de l’emploi d’un personnage comme Tristabelle comme personnage point de vue.

De par son côté sociopathique, amoral et cynique, Tristabelle est un personnage très intéressant, qui est bien plus proche de l’antagoniste ou de l’anti-héros que du héros positif qui se soucie des valeurs morales (dont Merry est assez proche, finalement). En cela, elle est le personnage idéal pour faire découvrir Grisaille au lecteur, parce qu’elle est celle qui est apte à y survivre longtemps de par son attitude et son détachement qui collent parfaitement à l’esprit de la ville et qui m’ont quelque peu rappelé Jorg Ancrath du cycle de l’Empire Brisé sur certains points. De plus, le personnage de Tristabelle possède tout de même quelques nuances (et quelques faiblesses) que la fin du roman vous montrera, ce qui contribue à la rendre profonde et complexe.

Le mot de la fin

 

Avec Belle de gris, Ariel Holzl réussit à proposer un tome 2 très abouti à sa série des Sœurs Carmines, grâce à un personnage principal inoubliable de par son attitude et son humour et son intrigue rocambolesque. C’est donc très chaudement que je vous recommande la lecture de Belle de Gris et impatiemment que j’attends la suite, qui cette fois sera centrée sur Dolorine (edit : le roman centré sur Dolorine est génial) ! Je tiens également à remercier encore une fois l’auteur de m’avoir dédicacé le livre !

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