Le Complot des corbeaux, d’Ariel Holzl

Salut à tous ! Est-ce que vous aimez les œuvres déjantées ? Appréciez-vous l’humour noir et les personnages farfelus ? Allez laissez-moi vous présenter un roman qui contient tout cela et bien plus encore.

Le Complot des corbeaux, premier tome de la série des Sœurs Carmines, d’Ariel Holzl

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Introduction

 

Cette introduction risque d’être assez courte, puisque Ariel Holzl n’a publié qu’un roman à l’heure où j’écris ces lignes. Je vais donc directement vous donner des éléments sur l’œuvre sans passer par les éléments biographiques habituels à propos de l’auteur dont je parle.

Le Complot des Corbeaux, premier tome de la série des Sœurs Carmines, est paru en mars 2017 dans la collection Naos de la maison d’édition Mnémos.

Le roman raconte l’histoire de trois sœurs, les Carmines, qui sont les filles orphelines d’une courtisane. Elles essaient de survivre dans la ville mal famée de Grisaille, où des familles nobles possèdent des pouvoirs surnaturels et intriguent pour occuper le trône, tandis que les assassinats et les vols sont monnaie courante. Merryvère, la deuxième des sœurs, va se retrouver impliquée dans une affaire de complot après un cambriolage ayant mal tourné. Avec Tristabelle, son aînée, et Dolorine, sa cadette, elle va devoir lutter pour survivre et lever le voile sur le complot se déroulant dans Grisaille, en évitant les diverses catastrophes qui les guettent.

Le récit est donc assez sombre, avec des morts assez violentes et du gore. Cependant, l’auteur traite son histoire avec beaucoup de dérision et d’humour noir, ce qui permet au lecteur de s’amuser de certaines situations qui normalement ne prêteraient pas à rire.

Mon analyse portera donc d’abord sur l’univers et l’ambiance du roman, puis sur son humour. Je ne ferai pas de partie avis pour cet article, puisque j’ai adoré Le Complot des corbeaux, pour les raisons que je vais citer plus bas. Vous pouvez donc lire tout l’article sans crainte d’être spoilés si vous n’avez pas lu le livre, en espérant qu’il vous incite à foncer dessus !

L’Analyse

 

Un univers sombre et déjanté

 

L’univers dépeint par Ariel Holzl dans son roman est assez riche, même s’il semble se restreindre à une seule ville, Grisaille, ainsi que ses environs avec les fameuses « mines de sel ».

En effet, Grisaille est décrite de manière très détaillée, que ce soit en termes d’architecture ou d’organisation sociétale, ce qui permet au lecteur de parfaitement s’immerger dans les quartiers que croisent les Carmines sur leur chemin. On découvre la « Haute-ville », où les huit maisons nobles de Grisaille ont établi leurs quartiers et leurs règles, et la « Basse-ville », où les bandits et les maladies font la loi. Chacune des familles nobles de Grisaille se différencie des autres et possède sa propre organisation. Par exemple, les Sépulcre sont des nécromanciens qui font du commerce de travailleurs morts-vivant, les Vermeils sont des vampires dont l’organisation reste figée parce qu’ils sont tous immortels, les Tourmente ont une manière bien particulière de nettoyer leurs rues… Les Maisons nobles de Grisaille ne se ressemblent donc pas et possèdent des modes de fonctionnement et des pouvoirs qui leur sont distincts, ce qui permet de mieux les distinguer les unes des autres et de donner une certaine profondeur à certains acteurs du récit, comme Oswald Sépulcre par exemple.

Le fait que chaque famille noble dispose de sa propre organisation dans Grisaille permet d’apporter une grande touche d’originalité dans une construction qui est assez classique, ce qui permet au roman d’Ariel Holzl de se démarquer d’autres œuvres du même type.

On peut également ajouter que l’auteur fait de Grisaille une ville sombre, remplie de criminels qui proviennent autant de la noblesse (avec Blaise ou Natalia Vermeil) que du bas peuple (avec Gros Larry) et où la mort est omniprésente (les assassinats, les maladies, la famine…), ce qui crée une atmosphère assez violente. Cette atmosphère est renforcée par les personnages et créatures que les Carmines croisent, tels que les Gardes Caveaux des Sépulcre qui utilisent des goules, les Assassins Vermeil, ou même le questeur royal, parce qu’aucun des dangers qu’elles doivent affronter ne leur fait de cadeau et elles en sont conscientes, puisqu’elles mentionnent plusieurs fois le climat violent de Grisaille. Par exemple, Merryvère dit « Les mauvais coups, ça ne manque pas, à Grisaille ! Cette ville pousse comme un gros champignon de cadavre, bouffie de crimes et de corruption ! ».

En ajoutant à cette atmosphère de violence les créatures étranges, comme les goules ou les pieuvres mangeuses d’hommes, la brume et l’ambiance victorienne du récit, avec les tenues vestimentaires, le contexte social donné par l’auteur (de plus en plus de pauvres gens veulent déclencher « la Révolution de Grisaille » dans une atmosphère de corruption de la noblesse au 19ème) et les idiolectes de certains personnages, comme Tristabelle ou les nobles, on obtient un récit dont l’univers se rapproche par certains aspects du gothique. Pour rappel, le gothique (ou plutôt roman gothique) est un genre littéraire datant du 19ème siècle. Il se caractérise par l’emploi d’éléments macabres (cadavres, cimetières) et l’omniprésence de la mort. Frankenstein de Mary Shelley et Dracula de Bram Stoker sont classés dans ce genre littéraire. Mais si Le Complot des corbeaux partage certaines similitudes avec les romans gothiques, notamment le lugubre et la mort, il s’en distingue par ses personnages, son action et son humour (sur lequel je reviendrai plus tard).

En effet, les personnages du roman de Ariel Holzl sont hauts en couleurs et déjantés. Chacune des sœurs Carmines est attachante et différente des deux autres, ce qui est renforcé par leur idiolecte, c’est-à-dire le langage qui leur est propre. Tristabelle est insupportable mais forte et dotée d’une répartie à toute épreuve, puisqu’elle est capable de faire enrager les geôliers les plus féroces ! Merryvère est débrouillarde, courageuse et prête à se démener pour essayer de nourrir sa famille. Elle semble être la plus « humaine » des Carmines, avec un sens du danger aiguisé et beaucoup de bons sentiments. Quant à Dolorine (mon personnage préféré), elle dispose d’une perspicacité sans pareille et parvient presque à trouver le fin mot de l’histoire sans l’aide de ses sœurs, puisque son « journal secret et mystérieux » nous révèle plus de parts de l’intrigue que les pérégrinations de Merryvère et Tristabelle, en plus d’être hilarant et présenté comme un véritable journal grâce à un jeu typographique, malgré le fait qu’elle n’ait que huit ans et qu’elle ne comprenne pas tout ce que font « les grands ». Les personnages secondaires sont aussi intéressants et assez développés, comme la reine Aubépine ou les instigateurs du « complot » dans lequel sont embarquées les Carmines, par exemple.

L’action du roman entraîne le lecteur dans une course-poursuite entre les Carmines et leurs nombreux ennemis, à cause du complot dont elles se sont mêlées malgré elles. Le point de vue est essentiellement centré sur Merryvère, la cambrioleuse et la plus « humaine » des trois sœurs, parce que le lecteur ressent la tension qui pèse sur elle, la peur qu’elle éprouve pour ses sœurs, mais aussi sa conscience du danger, ce que Tristabelle et Dolorine ne possèdent pas vraiment, l’une à cause de son sang-froid et l’autre à cause de son incompréhension de certains événements. Le fait qu’elle ressente de la peur face aux situations et aux ennemis auxquels elle est confrontée aide le lecteur à s’attacher à elle et à saisir les enjeux dramatiques du récit. Les scènes d’actions, pourtant très nombreuses, se suivent sans se ressembler et tiennent le lecteur en haleine grâce à leur mise en scène, sans aucun temps mort (mais avec un nombre de conséquent de morts) !

Le roman de Ariel Holzl se distingue également par son humour omniprésent, auquel je vais m’intéresser maintenant.

 

Un humour qui ne vous ne laissera pas de marbre

 

Si vous lisez ou comptez lire Le Complot des corbeaux, vous vous apercevrez vite que bon nombre de plaisanteries parsèment le roman.

Le récit de Ariel Holzl est teinté d’un humour souvent très noir, qui vise souvent à tourner la mort ou le climat violent de Grisaille en dérision, ce qui permet d’alléger le ton sans le rendre édulcoré, bien au contraire. Les plaisanteries du narrateur ou des personnages à propos de Grisaille sont souvent du meilleur goût et permettent de mettre à distance cette ville de tous les dangers. Cette prise de distance par l’humour se constate dès les premiers chapitres du roman, avec par exemple « les employés royaux ne décrochaient même plus les pendus des arbres. Ils se contentaient de vêtir les cadavres de couleurs vives et d’y épingler des guirlandes de lampions, pour leur donner un petit côté festif pendant les pique-niques ou les garden-parties. » dans l’incipit, qui donne clairement le ton du roman au lecteur dès qu’il commence sa lecture. À Grisaille, beaucoup de gens meurent et souvent de manière horrible, mais il vaut mieux en rire qu’en pleurer.

Le déroulement de l’action est lui aussi parfois abordé sous l’angle de l’humour, selon les situations. Je pense notamment à « L’Incident 4752 » relaté dans le chapitre XXI, qui montre bien comment un « foutoir sans nom » et plutôt sanglant peut devenir une scène comique, mais je ne vous en dirai pas plus !

Une des autres sources d’humour du roman est le « Journal secret et mystérieux de Dolorine Carmine », parce qu’il regorge de jeux de mots, basés sur l’incompréhension de la plus jeune des Carmines face à certaines paroles de son étrange poupée, Monsieur Nyx. Ce comique de mots prête à rire, parce qu’il montre le décalage entre l’innocence de Dolorine grâce à ses réflexions enfantines et le côté démoniaque de Monsieur Nyx, parce qu’il dit des choses assez inquiétantes. On peut l’observer dans beaucoup d’entrées de son journal, et personnellement, je trouve ces jeux de mots hilarants ! Je vous donne l’un de mes préférés : « Il dit que sa chevelure fait trop traîner (j’ai pas bien compris, c’est parce que ses cheveux sont longs à peigner ?), et aussi qu’elle a le corps plein de vis. J’ai refusé, car Tristabelle n’a pas de vis dans le corps, ni de clous, ni de boulons. J’ai l’impression que Monsieur Nyx la confond avec les automates rigolos de la fête foraine ». Le journal de Dolorine a donc une double utilité, puisqu’il permet de faire avancer considérablement l’intrigue tout en faisant rire le lecteur.

L’idiolecte des personnages peut également prêter à rire. Par exemple, le parler et le flegme de Tristabelle m’ont énormément fait rire, parce qu’ils insupportent autant ses sœurs que ses ennemis, notamment lorsqu’elle est capturée par certains de leurs poursuivants. Elle est même capable, dans l’extrait du tome 2 qui nous est proposé, de s’adresser au narrateur du récit et de se moquer de lui et même du lecteur, d’une manière hautement improbable mais qui nous donne envie d’avoir le tome 2 des aventures des sœurs Carmines entre les mains !

Le mot de la fin

 

Le premier tome des Sœurs Carmines, Le Complot des corbeaux, a été pour moi une très bonne surprise. Je ne m’attendais pas à un récit si bien ficelé, si bien écrit, ou avec autant de gore et d’humour noir ! J’ai hâte de retrouver Grisaille, Merry, Tristabelle et Dolorine pour la suite de leurs aventures, qui promet d’être toujours aussi déjantée ! Ariel Holzl signe un très bon départ avec un premier roman de cette qualité. Alors si vous aimez l’humour noir, les personnages hauts en couleurs, la Fantasy urbaine, ou si vous êtes tout simplement curieux de découvrir une œuvre originale, foncez lire Le Complot des corbeaux !

Vous pouvez également consulter mes chroniques des tomes suivants des Sœurs Carmines, Belle de gris et Dolorine à l’école.

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