Cochrane vs Cthulhu, de Gilberto Villaroel

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman qui mêle lovecrafteries et guerres napoléoniennes.

 

Cochrane vs Cthulhu, de Gilberto Villaroel

auxforges070-2020

 

Introduction

 

Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des éditions Aux Forges de Vulcain, que je remercie chaleureusement pour l’envoi du roman !

Gilberto Villaroel est un auteur chilien né en 1964. Il est également scénariste et producteur pour le cinéma et la télévision.

Son premier roman, Cochrane vs Cthulhu, originellement paru en 2016, a été traduit par Jacques Fuentuelba pour les éditions Aux Forges de Vulcain, qui ont publié la version française du roman en 2020.

Voici la quatrième de couverture du roman :

« Le marin le plus audacieux de tous les temps affronte le plus grand ennemi de l’humanité !

Bien des années avant d’être le libérateur du Chili, du Pérou, du Brésil et de la Grèce, Lord Thomas Cochrane fut un héros des guerres napoléoniennes. En 1809, au large de l’île d’Aix, sur la côte occidentale française, il fit couler presque la moitié de la flotte de l’Empereur. En 1815, Napoléon achève la construction de Fort Boyard et Lord Cochrane revient dans la baie pour détruire ce bastion. Mais il se trouve confronté à une menace surnaturelle, Cthulhu, un dieu endormi qui émerge alors du fond des océans pour revendiquer le contrôle de la Terre ! »

Mon analyse traitera de la manière dont Gilberto Villaroel crée un récit qui mêle uchronie légère et horreur cosmique.

 

L’Analyse

 

Légère uchronie, horreur cosmique, crossover

 

Le roman de Gilberto Villaroel met en scène le début du 19ème siècle, l’année 1815 plus précisément, qui correspond à la date du retour au pouvoir de l’Empereur Napoléon 1er, lors de la Période des 100 jours, durant laquelle Napoléon revient au pouvoir pour… 100 jours (oui oui) après être sorti d’exil. Dans ce contexte historique, où reprennent les guerres napoléoniennes et donc les tensions entre France et Angleterre, Gilberto Villaroel prend alors quelques libertés avec l’Histoire (qui a dit uchronie ?) pour littéralement fonder le cadre de son récit.

 

En effet, Cochrane VS Cthulhu prend place à Fort Boyard (oui, celui-là même), que l’auteur fait construire trente ans avant sa véritable construction pour en faire le cadre de son récit. En effet, le lecteur suit une garnison française postée dans le fort pour intercepter d’éventuelles attaques anglaises visant les côtes. Cette garnison est menée par le capitaine Eonet, dont le point de vue est très largement majoritaire dans le roman, ainsi que son lieutenant, Combasteil, et son sergent, Trochon. Le cadre de Fort Boyard permet à Gilberto Villaroel d’instaurer un huis-clos maritime qui isole ses personnages, et se trouve donc propice au déploiement de l’horreur. Fort Boyard devient ainsi, de la même façon qu’une certaine ville de Dunnsmouth chez Daryl Grégory, par son isolement, le cœur d’événements troublants et d’horreur.

 

Cette horreur s’avère cosmique, puisque comme le titre du roman l’indique, les occupants de Fort Boyard vont être confrontés à l’émergence d’un certain Cthulhu, créature fictive issue de l’imaginaire du Maître de Providence, à savoir Howard Philips Lovecraft (alias HPL), auteur de la nouvelle « L’Appel de Cthulhu », dont je vous recommande la lecture. En effet, le bâtiment militaire français semble avoir été construit non loin de la mythique cité de R’Lyeh, où se terrent des abominations aquatiques et volantes qui s’en prennent aux soldats français pour le compte de leur seigneur endormi dans les tréfonds marins.

Il appartient donc au capitaine Eonet de faire face à la menace d’outre-espace et millénaire que représente Cthulhu, mais également au mystère qu’il représente, de par sa nature d’extraterrestre plus ancien que les plus vieilles civilisations humaines. Cthulhu, en plus d’être un ennemi pour l’Humanité, s’avère également être une sorte de curiosité scientifique que les personnages du récit s’efforcent de comprendre pour rationnaliser sa nature et comprendre ses capacités.

Pour éclaircir la question de Cthulhu, de ses représentations et des problèmes qu’il peut poser, l’auteur convoque deux figures historiques, à savoir les frères Champollion, à l’origine de la traduction des hiéroglyphes, et protégés de Napoléon lui-même. On observe donc, à travers les interrogations des deux frères, et leurs réactions, le heurt d’une science rationnelle qui pense pouvoir saisir l’intégralité du monde, face à une altérité radicale qu’elle ne peut pas comprendre ou même appréhender de par sa nature complexe et cosmique.

 

Cette confrontation entre Cthulhu et les humains donne lieu à des scènes horrifiques saisissantes, puisque le Grand Ancien contamine les cauchemars des occupants des forts, en leur envoyant des images qui témoignent de sa puissance, mais également en les soumettant à sa volonté pour leur faire proférer des incantations pour lesquelles leurs cordes vocales ne sont pas conçues pour provoquer l’effroi parmi les occupants du Fort. L’horreur apparaît donc psychologique, mais elle est également physique, ce qu’on observe lorsque les soldats français doivent affronter et survivre face aux sbires de Cthulhu, qui les harcèlent et les tuent, de manière souvent assez graphique. Le récit de Gilberto Villaroel vise donc à opposer une force profondément ancienne à une humanité moderne, qui tente à la fois de la comprendre et de la vaincre pour faire avancer ses connaissances scientifiques. On peut d’ailleurs noter que les apparitions de Cthulhu face aux humains témoignent de son altérité radicale et frappante pour l’humanité standard.

 

L’autre protagoniste de Cochrane VS Cthulhu, c’est Lord Thomas Cochrane (oui oui), personnage historique écossais né en 1775 et mort en 1860, à la fois militaire, puisqu’il s’est illustré lors de « l’affaire des brûlots » en 1809, mais aussi au Chili, pays qu’il a aidé à devenir indépendant de l’Espagne, ou encore la Grèce, qu’il a aidée à se libérer de l’emprise de l’Empire ottoman. C’est également un scientifique, puisqu’il fait des recherches sur la vapeur et son application dans la marine. Cochrane apparaît donc comme le héros prêt à aider les militaires français à lutter contre Cthulhu et ses sbires grâce à son sens tactique et ses inventions militaires plus ou moins efficaces et dangereuses. Gilberto Villaroel créé donc une passerelle, un crossover, entre les romans historiques napoléoniens, et l’horreur cosmique chère à Lovecraft.

L’auteur reprend alors les créatures du Maître de Providence pour les confronter à des figures historiques, et non plus à des humains totalement désemparés. On peut aussi affirmer que Gilberto Villaroel s’inscrit dans une mouvance plus globale, qui consiste à s’emparer des mythes lovecraftiens pour les faire sortir du cadre de l’horreur pure, avec un mécanisme de mise à distance.

Cependant, puisque le récit se déroule pendant les guerres napoléoniennes, Cochrane est initialement l’ennemi des français qui se trouvent à Fort Boyard, comme en témoigne ses rapports houleux avec le sinistre commissaire Durand, envoyé au fort pour protéger les frères Champollion. Son alliance avec le capitaine Eonet et ses hommes face à Cthulhu apparaît alors comme un oubli des guerres internes à l’espèce humaine pour confronter une créature qui souhaite de toute manière la détruire. Gilberto Villaorel suspend donc, d’une certaine manière, le temps historique et les rivalités séculaires entre deux nations, à savoir la France et l’Angleterre, pour s’inscrire dans une sorte de moment mythique où l’humanité doit s’unir face à une menace extérieure.

 

Le récit s’avère donc horrifique, mais aussi très pulp, puisque Cochrane, le capitaine Eonet et leurs hommes confrontent Cthulhu et ses sbires à coups de canon, de fusées Congreve, et même d’armes chimiques, avec les fameuses « bombes fétides » qu’emploie Lord Cochrane, qui leur permettent de repousser les horreurs cosmiques. Cependant, le roman de Gilberto Villaroel met également en évidence les dangers représentés par les armes chimiques pour les humains, en montrant leurs effets incroyablement néfastes et pervers.

 

Le mot de la fin

 

Cochrane VS Cthulhu est un crossover entre pulp et fiction napoléonienne très plaisant à lire. Gilberto Villaroel croise le personnage de Lord Thomas Cochrane à Cthulhu, monstre tentaculaire créée par Howard Philips Lovecraft, pour les confronter à Fort Boyard, au début du 19ème siècle.

Le roman mêle alors figures historiques, avec Cochrane ou les frères Champollion, horreur cosmique, et action pulp, puisque Cthulhu et ses sbires se font tirer dessus au canon !

Cochrane VS Cthulhu fut une expérience de lecture très divertissante, et je vous le recommande !

Vous pouvez également consulter les chroniques de Célindanaé, Laird Fumble, Gromovar, Touchez mon blog Monseigneur

13 commentaires sur “Cochrane vs Cthulhu, de Gilberto Villaroel

  1. Merci ^^. J’ai l’impression qu’il est difficile de faire Cthulhu + quelque chose d’autre sans passer par la case Pulp. Je m’étais fait la même réflexion en lisant les dossiers Cthulhu de Lovegrove. Quand on oppose du tentacule à des « héros », il est difficile de rester dans l’horreur pure. Et j’ai l’impression que Lovecraft est plus à la mode que jamais, au risque de lasser ?

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    1. Non, tu peux tout à fait faire Cthulhu + autre chose sans que ce soit vraiment pulp, Kij Johnson ou Elizabeth Bear le font très bien. C’est juste qu’une partie de la réappropriation de Lovecraft se fait au second degré, ce qui donne le côté pulp.
      Il est très à la mode, mais ce n’est clairement pas moi qui vais dire que c’est lassant ^^ !

      Aimé par 1 personne

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