Les Atlantes sont parmi nous, de Nicolas Texier

Salut à toi, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman des Saisons de l’étrange, écrit par un auteur dont j’apprécie le travail.

Les Atlantes sont parmi nous, de Nicolas Texier


Introduction


Avant de commencer, j’aimerais préciser que cette chronique émane d’un service de presse des Saisons de l’étrange, que je remercie pour l’envoi du roman !

Nicolas Texier est un auteur français né en 1969. Avant d’écrire des romans s’inscrivant dans les genres de l’imaginaire, il a écrit des romans de littérature dite générale parus chez Gallimard, avec notamment L’Acteur (2006) et Pôle Sud (2008). Il réalise également des travaux d’histoire militaire.

Il est l’auteur de la trilogie Monts et merveilles, composée d’Opération Sabines, Opération Jabberwock et Opération Lorelei, parus chez les Moutons Électriques et repris en poche dans la collection « Folio SF » de Gallimard.

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui, Les Atlantes sont parmi nous, a été publié dans le cadre d’un crowdfunding des Saisons de l’étrange (je vous invite d’ailleurs à y participer). Il fait partie de la série Deadcop. En voici la quatrième de couverture :

« Miami, ville maudite, vénale, tentaculaire. La chaleur du soleil écrase ses rues crades où les ordures sont surtout humaines. Une jungle urbaine où l’on croque les faibles et corrompt les cœurs les plus purs. Heureusement, le palpitant de Deadcop ne bat plus depuis longtemps. Recraché par le marécage où on l’avait laissé pour mort, réanimé par des rites vaudous, le flic zombie distribue sa justice d’outre-tombe. Telle la Faucheuse, il condamne les criminels, troquant le coup de faux contre les déflagrations de ses deux Magnums 44. »

Dans mon analyse du récit, je traiterai de la manière dont l’auteur met en scène un enquêteur surnaturel au sein d’une ville corrompue.

L’Analyse


Deadcop vs Miami corrompue (et des tentacules)


Les Atlantes sont parmi nous se déroule dans la ville de Miami, corrompue par les guerres de gang et l’inaction de la police qui s’en prend aux innocents pour exprimer son racisme et faire semblant de châtier des coupables. Les classes populaires de la ville vivent donc dans l’insécurité d’une part à cause des gangs et du trafic de drogue, mais aussi à cause des violences policières (évidemment, aucun parallèle ne serait à faire avec une réalité contemporaine). Nicolas Texier insiste d’ailleurs sur le fait que les policiers dotés d’une conscience professionnelle à Miami préfèrent se planquer et ne pas agir pour préserver leur famille, ce qui témoigne du degré de violence et de corruption auquel ils doivent faire face.

Cependant, un héros lutte contre la corruption, et ce héros, c’est Deadcop, un policier zombie (oui oui). Franck Hadès est un ancien policier de Miami, et est devenu Deadcop lorsqu’un collègue corrompu l’a vendu au cartel des « frères Cabrera », qui l’ont « de crack frelaté et d’autres drogues expérimentales ». 

Avant qu’ils le laissent pour mort dans les Everglades, à l’endroit où une bande d’esclaves révoltés avait jadis invoqué les loas pour échapper au bataillon confédéré envoyé pour les reprendre. Avant qu’un éclair de la tempête Lazare foudroie sa dépouille et qu’il revienne des limbes […]

Sa naissance est donc associée à la science, à cause des « drogues expérimentales » qu’il a dans le sang, mais aussi à des événements surnaturels magiques, puisque son corps reposait au centre d’un rituel magique passé, et ésotérique, avec « l’éclair de la tempête Lazare », saint biblique ressuscité par Jésus. La résurrection de Franck Hades mobilise alors un intertexte avec Solomon Grundy de DC Comics, zombie réanimé par des déchets toxiques dans un lieu supposément hanté, tandis que le motif de la foudre convoque le Frankenstein de Mary Shelley. Franck Hadès est donc revenu des Enfers (sans mauvais jeu de mot) pour combattre le crime, armé de ses deux magnums .44 et de toutes sortes d’armes, tels que « Baby Mike », un Minigun, ou encore un fusil à pompe. Il s’aide également de drogues plus ou moins pures pour augmenter ses capacités physiques et la régénération de ses blessures, telles que de l’héroïne, de la cocaïne, des « dextros ». Deadcop apparaît donc comme une sorte de super-héros né d’une tragédie et d’événements surnaturels qui tente de faire justice dans une ville remplie de tragédies.

Franck Hadès apparaît à ce titre hanté (sans mauvais jeu de mots) par une tragédie personnelle, qui est celle de la solitude et du manque d’amour. En effet, sa femme le croit mort et s’est remariée avec le collègue qui l’a vendu aux cartels, et il est forcé de se cacher pour ne pas effrayer la population de Miami. Il n’est alors en contact qu’avec quatre personnes elles-mêmes marginales, Mama Duke, qui l’a accueilli chez elle et lui prépare des cookies saupoudrés de cocaïne (oui oui) et enchante les balles de ses revolvers (oui oui), Roayah Laverne, médecin légiste passionnée d’occultisme, Leroy, un mécanicien qui attend l’appel d’une femme dont il est amoureux depuis des années, et Wayne, un policier consciencieux, qui travaille dans les archives pour se préserver et protéger sa famille.

Franck ne peut compter que sur ces personnages, que l’auteur caractérise lors de passages qui décrivent leur passé, leurs activités ou leur rapport à Deadcop, puisqu’il est rejeté par la population de Miami, qui le voit comme une légende urbaine terrifiante. On remarque d’ailleurs que le personnage est confronté à son image, puisque des journalistes, des paparazzis, mais aussi les caméras de surveillance capturent ses faits d’armes et rendent ainsi son existence publique. Par exemple, Loïs Bane, présentatrice du Miami Shows All, se sert de son image pour décrédibiliser l’action de certaines forces de police. Il incarne ainsi la mort elle-même pour les gangsters et les policiers véreux, qu’il guette, traque et tue, tout en constituant des dossiers sur les plus gros poi(s)sons de la ville.

Les enquêtes de Deadcop le conduisent alors sur le chemin de Debby Madone, procureure nouvellement nommée à Miami, premier amour de Franck Hadès, mais originaire d’une famille mafieuse extrêmement puissante, et bien décidée à faire régner la justice. Sa relation avec le policier zombie se trouve alors marquée par leur passé commun, mais aussi ce qui les sépare, à commencer par la frontière entre les morts et les vivants. Les deux personnages ont également des conceptions très différentes de la justice et des moyens très différents pour la mettre en œuvre. En effet, Debby dispose d’une autorité légale, de moyens colossaux, et d’une volonté de châtier les coupables, quitte à déclencher des émeutes extrêmement violentes et tuer des innocents. À l’inverse, Deadcop, malgré son apparente monstruosité, cherche à protéger les innocents du mieux qu’il le peut, mais ne dispose pas des moyens légaux pour arrêter les plus grands criminels de la ville. Ces deux visions de la justice luttent l’une contre l’autre et montrent que les deux personnages n’utilisent pas les mêmes méthodes pour arriver à la même fin, qui est la paix dans une ville où le crime est omniprésent. Nicolas Texier montre que si la violence se situe volontiers du côté de Deadcop, elle se place aussi (et surtout) du côté des dominants, qui se moquent de détruire la ville, tant qu’ils peuvent asseoir leur pouvoir. Malgré leur opposition, Franck aime Debby et tente de l’aider à faire face aux Atlantes, une secte qui pratique des sacrifices humains pour s’accorder les faveurs d’une divinité sous-marine rêveuse et tentaculaire. 

Vous l’aurez compris, Les Atlantes sont parmi nous est un roman rempli de violence, ce qui se traduit par de nombreuses scènes d’action survoltées, lors desquelles Deadcop fait montre de sa résistance à toute épreuve et déchaine ses armes à feu sur ses ennemis. À ce titre, la scène de course-poursuite à moto avec des dizaines de gangsters lancés à ses trousses est vraiment plaisante, je trouve. Le roman décrit aussi la progression de l’enquête de Franck Hadès sur la secte des Atlantes, lors de laquelle il effectue des interrogatoires plus ou moins effrayants et musclés dans des bars, mais aussi des villas richement décorées et parfois de gardes du corps. Deadcop, tout comme les personnages des Saisons de l’étrange, mais aussi d’autres romans comme le Tamanoir du roman éponyme de Jeant-Luc d’Asciano, ou même le John Nyquist de Jeff Noon, apparaît alors comme un détective de l’étrange. Cependant, à la différence de ses collègues issus d’autres mondes, il n’a pas peur de la mort, puisqu’elle semble avoir perdu ses droits sur lui, ce qui le rend particulièrement efficace pour récupérer des informations, parce qu’il ne craint pas les représailles. Deadcop est donc une sorte de super-héros à la Batman (ou à la Punisher, en termes de modes d’action brutale), qui mène des enquêtes et combat le crime. Nicolas Texier caractérise son personnage de la même manière que l’un d’entre eux, avec un pouvoir clairement identifié (il ne peut pas mourir), d’un arsenal magiquement augmenté, puisque Mama Duke peut conférer un pouvoir littéralement explosif à ses munitions, d’un véhicule reconnaissable, une Harley Road King, et de collaborateurs réguliers, comme Leroy, Laverne ou Wayne.

Et puisque Deadcop est un super-héros, il affronte des super-vilains, incarnés dans la secte des Atlantes et leur leader, l’Hégémon. Ce culte permet à l’auteur de mobiliser un intertexte lovecraftien explicite, puisque ses adhérents se vouent à une divinité aquatique et abyssale et cherchent à se réaliser à travers elle, moyennant finances « pour des stages new-age abysso-vaudous de développement personnel. ». Nicolas Texier tourne en dérision les croyants de cette secte, comme le marque l’emploi ironique de l’italique et la juxtaposition décrédibilisante de deux adjectifs, mais montre sa dangerosité en évoquant les morts qu’ils provoquent, mais aussi leurs pouvoirs magiques réels, puisqu’ils peuvent créer des Profonds ou invoquer des tentacules. Ces créatures apparaissent dans la nouvelle « Le Cauchemar d’Innsmouth » de Lovecraft, et sont des amphibiens humanoïdes. Ils servent également un gigantesque monstre, que Deadcop affronte au cours d’un combat nerveux. La référence lovecraftienne est donc très présente dans les personnages et monstres aquatiques et tentaculaires que décrit Nicolas Texier. Par ailleurs, l’auteur adresse des clins d’œil au Metal, en mentionnant Black Sabbath ou Iron Maiden par exemple, mais aussi une référence à Shining de Stephen King, avec le personnage de Danny Spark, capable de voir et d’entendre des fantômes qui le pourchassent.

Au-delà des affrontements et des explosions, Les Atlantes sont parmi nous formule une critique sociétale, ce qu’on remarque dans le fait que Deadcop lutte contre la corruption et le racisme, mais aussi dans le tacle que l’auteur adresse à Mark Zuckerberg, créateur et directeur de Facebook, qui apparaît comme un sectateur Atlante sous les traits de « Mark Sucker ».

Le mot de la fin


Les Atlantes sont parmi nous est un roman de Nicolas Texier aux Saisons de l’étrange qui lance la série Deadcop. L’auteur met en scène un enquêteur de l’étrange lui-même marqué par le surnaturel, puisque Franck Hadès est un policier mort-vivant capable de se régénérer et de se renforcer en absorbant toutes sortes de drogues pour affronter les gangsters et les policiers de la ville de Miami.

Dans ce roman, Deadcop est confronté à une secte d’Atlantes qui cherchent à réveiller une créature tentaculaire et lovecraftienne en semant le chaos et la violence, aidés par les actions judiciaires brutales de Debby Madone, la nouvelle procureure de la ville. Sa vision de la justice se heurte alors à celle de Deadcop, qui est pourtant amoureux d’elle.

Si vous aimez les pulps, l’action survitaminée, les zombies et les tentacules, je vous recommande ce roman !

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