Aquaforte, de K. J. Bishop

Salutations, lecteur. Aujourd’hui, je vais te parler d’un roman de Fantasy qui entre totalement dans le cadre de mes recherches. Et non, il ne s’agit pas d’une œuvre de China Miéville.

Aquaforte, de K. J. Bishop

Introduction


K. J. Bishop est une autrice australienne née en 1972. Son œuvre est rattachée à la Weird Fiction par Jeff et Ann Vandermeer, qui incluen
t sa nouvelle « Saving the gleeful horse » dans leur anthologie The Weird , et qualifient son style de décadentiste et néo-décadentiste.

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui, Aquaforte, est le premier (et le seul) roman de l’autrice, paru à l’origine en 2003 sous le titre The Etched City. Il a été traduit par Jean-François Le Ruyet pour les éditions L’Atalante, qui ont publié la version française du roman en 2006.

En voici la quatrième de couverture :

« Fuyant une révolution avortée, Gwynn le soudard et Raule la chirurgienne itinérante arrivent dans la cité d’Escorionte où règnent luxuriance et corruption. L’un se met au service d’un trafiquant d’esclaves, l’autre s’établit dans un quartier miséreux pour y pratiquer son art.

 Mais une graveuse du nom de Beth attire Gwynn dans un univers où l’art subvertit le réel, où la raison s’étonne et bascule. Le sphinx et le basilic figurés dans son eau-forte énigmatique seraient-ils davantage que des signes ?

Et, tandis que Raule enregistre les maux d’une ville féroce et décadente, Gwynn, interpellé par un padre lubrique à la magie évanouie, hésite au seuil d’un territoire mouvant où le rêve et la réalité s’enchâssent pour dessiner une image monstrueuse et poignante de son destin. »

Dans mon analyse du roman, j’évoquerai d’abord le monde et les personnages mis en scène par l’autrice, avant d’aborder la question de son appartenance au New Weird.

L’Analyse


Un monde et des personnages désabusés


Le roman de K. J. Bishop s’articule autour de deux personnages point de vue, Raule, une médecin qui soigne les populations les plus défavorisées, et Gwynn, un guerrier issu d’un peuple nordique et loue ou se sert de son épée pour vivre. Chacun d’eux de son côté dans le désert que constitue la Contrée du cuivre, au sein duquel ils doivent survivre à la sécheresse et au manque de nourriture, mais aussi à l’armée des « héros » qui les pourchasse.

En effet, Raule et Gwynn ont pris part à une révolution ouvrière dans leur pays d’origine. Cette dernière a échoué et s’est faite réprimer par l’armée menée par le général Anforth, qui recherche ses opposants pour les tuer. L’échec de la révolution puis la fuite a fait voler en éclats les illusions et les espoirs des personnages vis-à-vis de la politique, qui ne s’y intéressent plus. Cependant, si Raule ne croit plus aux idéaux révolutionnaires, elle apparaît marquée par des principes moraux, puisqu’elle décide de soigner les populations les plus défavorisées du désert ou d’Escorionte. À l’inverse, Gwynn semble avoir beaucoup moins de scrupules, puisqu’il se vend à un paron de la pègre, Lorme.

Après une ellipse, on découvre que Raule et Gwynn se sont installés à Escorionte, une ville industrielle, comme on le remarque ans le fait qu’elle dispose de trains et de  bateaux à vapeur, mais en passe de péricliter. En effet, toutes ses classes sociales semblent frappées (plus ou moins durement) par la misère, notamment les plus démunies, ce qu’on observe avec le quartier de Citrebois, insalubre et frappé de plein fouet par la misère, elle est frappée par la pollution, et son climat est mortifère.

Piégées sous une chape d’humidité, fumées et particules de charbon saturaient l’atmosphère au-dessus de la Scamandre et des basses terrasses. Les tissus pourrissaient, le plâtre s’écaillait, le métal rouillait. La ville toute entière étouffant et puait la bouche d’égout saturée dont chaque relent annonçait la dysenterie et le choléra.

Escorionte est donc en partie caractérisée par son insalubrité, qui se remarque dans sa décrépitude, mais aussi dans la convocation d’odeurs et de maladies mortelles. Ce climat mortifère peut rappeler la manière dont un certain China Miéville caractérise Nouvelle Crobuzon dans Perdido Street Station, qui compare les bâtiments des villes et sa croissance à des « nodules » et des « tumeurs ». La ville décrite par K. J. Bishop apparaît donc inhospitalière et en proie au déclin.

Le lecteur observe ce déclin à travers les regards de Raule et Gwynn, qui tentent de vivre tant bien que mal à Escorionte en tant qu’individus marginalisés. Ainsi, Raule est rejetée par l’ordre des médecins et doit donc exercer dans un dispensaire religieux qui manque cruellement de moyens. Son activité de médecin et de sage-femme lui permet par ailleurs d’enquêter sur les maladies qui frappent la population, en accumulant des curiosités médicales, notamment des nouveaux nés atteints de malformations (j’y reviens plus bas). De son côté, Gwynn intègre les rangs de l’Eventail, le gang dirigé par Lorme, un trafiquant d’armes et d’esclaves.

Gwynn apparaît donc plus cynique que Raule, comme en témoigne son implication dans la guerre de Lusa. Cette guerre, organisée par l’Eventail, vise à instrumentaliser des guerres tribales pour engranger des profits grâce à l’esclavage dont sont victimes les prisonniers de guerre, mais aussi par la vente d’armes aux peuples en guerre. Cette guerre est donc cyniquement alimentée par la pègre, ce qui témoigne du peu de scrupules de Lorme et de ses associés, mais aussi des autorités d’Escorionte, corrompues pour fermer les yeux sur les commerces illégaux. Néanmoins, Gwynn est animé par certains principes moraux, puisqu’il tente de protéger son ami Marriott, tombé éperdument amoureux de la protégée de leur patron, Taréda Éternité, une jeune cantatrice de cabaret admirée et aimée du public.

Raule et Gwynn découvrent aussi la culture de leur cité d’accueil, avec par exemple le fait que les jours de la semaine portent des noms de traîtres qu’on a condamnés à une sorte de damnatio memoriae, en donnant leurs noms pour qu’ils soient répétés ad nauseam, et donc vidés de leur sens (oui oui). 

La langue et la culture d’Escorionte sont comparées à celles des personnages, avec par exemple « l’anvallique » de Gwynn, dans laquelle l’amour s’exprime différemment.

Dans la langue de Beth, il pouvait dire « je t’aime » tant qu’il le voulait. En anvallique, la phrase était impossible puisque cariah, aimer, ne se conjuguait pas au singulier. On l’entendait comme un sentiment mutuel, rien de moins, qui impliquait une fusion volontaire de deux identités. Quand une personne souhaitait affirmer son cariah avec une autre, l’expression courante était : « Nous nous aimons comme l’eau aime l’eau, et le feu le feu. »

Le rapport de Gwynn à l’amour est donc marqué par sa langue maternelle, dans laquelle sa conception est différente, ce qui rejaillit dans la morphologie verbale de cariah, qui ne peut être conjugué qu’au pluriel. Cette influence du langage sur la vision du monde peut rappeler l’hypothèse de Sapir-Whorf (dont Frédéric Landragin parle dans l’ouvrage Comment parler à un alien), qui soutient que le langage conditionne la représentation mentale du monde.

La rencontre de Gwynn avec l’artiste Beth Constanzin, dont il devient l’amant et la muse le plonge dans la découverte d’un monde étrange, marqué par le surnaturel, à mesure qu’il découvre ses gravures et ses sculptures. Le mercenaire débat aussi avec un « padre », avec lequel il débat de questions religieuses, et notamment de l’existence de Dieu, du salut de l’âme et de forces surnaturelles. Sans rentrer dans les détails, on remarque que les figures de Beth et du padre, si elles sont bénéfiques pour Gwynn, sont antithétiques, puisque l’une voit son pouvoir se renforcer au fil de ses expériences artistiques, tandis que l’autre semble avoir perdu ses pouvoirs magiques.

New Weird


Dans l’introduction de l’anthologie The New Weird, Jeff Vandermeer rattache Aquaforte au New Weird, un courant ultracontemporain de la Weird Fiction qui mêle les influences de la New Wave de la science-fiction et l’horreur des années 1980, qui s’ajoutent à l’intertexte du « Old Weird », représenté par des auteurs tels que H. P. Lovecraft, Clark Ashton Smith, Franz Kafka ou Ryunosuke Akutagawa. Comme je vais consacrer une thèse au New Weird, j’écrirai très probablement un article pour vous donner une définition plus détaillée.

Jeff Vandermeer rattache donc Aquaforte, ou plutôt The Etched City, paru en 2003 à d’autres œuvres parues à la même période, qui marquent l’impulsion du New Weird. Parmi ces œuvres, on peut compter Perdido Street Station de China Miéville (2000), La Cité des saints et des fous de Vandermeer lui-même (2001), A Year in the Linear City de Paul Di Filippo (2002), et L’Année de notre guerre de Steph Swainston (2004). Ces œuvres ont été identifiées par la critique et une partie du lectorat comme représentatives du New Weird. Soit dit en passant, vous entendrez forcément parler de ces œuvres sur ce blog dans les prochaines semaines ou mois.

Le roman de K. J. Bishop appartient effectivement au New Weird, comme le marque le mélange des genres qu’opère l’autrice, en mobilisant un contexte industriel où l’on trouve des armes à feu, un récit de fuite inspiré par les westerns dans la première partie du récit, des descriptions du monde de la pègre et de celui de l’art, ainsi que de l’univers social des classes frappés par la misère et les maladies. Un autre élément fondamental dans l’appartenance d’Aquaforte au New Weird est l’omniprésence du grotesque, avec notamment l’art de Beth Constanzin (sur lequel je reviendrai en détail plus bas), l’histoire enchâssée d’un minotaure lui-même rêvé par un prisonnier (oui oui), ce qui peut rappeler le personnage de Toro dans Le Concile de fer de China Miéville, mais aussi le cabinet de curiosités de Raule.

Dans ce dernier, la médecin conserve des nourrissons, des embryons et des fœtus malformés dans du formol, tels qu’un « fœtus mâle mort-né après cinq mois de gestation, dépourvu de squelette », ou des « siamois accolés par la tête au large visage unique, ses deux profils légèrement tournés l’un vers l’autre », ou même un enfant au corps de crocodile et à la tête humaine (oui oui). Les descriptions macabres et cliniques de ces corps permettent de matérialiser le déclin qui frappe la ville et constituent une occurrence d’une sorte de topos de la Weird Fiction, à savoir les corps modifiés ou mutilés.

Les gravures et les sculptures de Beth Constanzin, l’amante de Gwynn, marquent aussi l’aspect Weird du roman de K. J. Bishop. À travers plusieurs ekphrasis, on distingue plusieurs phases de sa production, que Gwynn découvre lors de ses différentes visites. Pour rappel, l’ekphrasis est une figure de style qui consiste à décrire un objet d’art.

Tous les acteurs de cet univers baroque et féeriques étaient des prodiges ; non pas des créatures légendaires, cette fois, mais tout droit sortis d’hallucinations personnelles : des hommes, des femmes et des hermaphrodites aux attributs végétaux, floraux, et même mécaniques. Un homme en veste d’intérieur avec une haute cheminée fumante au sommet du crâne. Un narguilé avec quatre tuyaux en forme de longs cous sinueux et des têtes de femme et de singe en guise d’embouts.

[…]

Les tableaux érotiques comptaient de deux à plusieurs douzaines d’acteurs se pénétrant avec des attributs plus bizarres les uns que les autres. […] Ailleurs, on voyait des créatures polymorphes festoyer de mets abondants et se happer les unes les autres par leurs mâchoires animales, leurs ventouses de plantes carnivores et leurs membres métalliques en dents de scie, lames ou crochets.

Il s’agit de la première phase de l’œuvre de Beth, qui peut être caractérisée de deux manières. Premièrement, les corps de ses personnages sont hybrides. Ils mêlent en effet l’organique animal et végétal au mécanique, ce qui les rend protéiformes et souligne l’étrangeté de l’art de Beth.  On peut les rappeler des individus touchés par la magie dans The Escapement de Lavie Tidhar, dont les membres peuvent être remplacés par des instruments de musique (oui oui), ou des Recréés décrits dans les romans de Bas-Lag de China Miéville. Cependant, à l’inverse des individus décrits dans ces deux romans, les créatures décrites par Beth ne semblent pas avoir subi de transformation contre leur gré.

La première phase de l’œuvre de Beth se caractérise ensuite par la mise en scène d’un univers orgiaque, marqué par une débauche de plaisir sexuel et gustatif, avec des attributs sexuels et des organes de mastication variés. L’interpénétration est alors charnelle dans tous les sens du terme, ce qui met en évidence l’hédonisme de l’œuvre de Beth. Cet aspect de son art se trouve battu en brèche dans la partie suivante de son œuvre.

La créature au corps de hibou, aux ailes de feu et à la tête d’enfant noir hilare reçut celui de Rambukul ; celle au corps de navire, aux neuf cols de cygne et aux neuf têtes de lys, celui de Lalgorna. La plus étrange composition née de son imagination était une pierre rouge lisse qui portait une barbe d’herbe blanche ; elle l’appela Ombelex.

[…]

[…] entreprit une série d’aquatintes aux tonalités sombres, où l’extraordinaire foisonnement baroque de ses travaux précédents n’était pas loin de faire place à son contraire. Sur fond d’enceintes architecturales au confinement ou à l’infinitude oppressante figuraient des silhouettes humaines indéterminées, seules ou en couple. En partie isolées dans l’ombre ou cachées dans le lointain, elles avaient l’air en voie de disparition.

Durant sa deuxième période, Beth créé encore des formes hybrides, mais il s’agit de divinités ou de créatures qu’elle singularise, comme en témoigne le fait qu’elle leur donne des noms. Ces créatures sont singularisées, mais aussi isolées, puisqu’elles ne s’intègrent plus dans des scènes orgiaques.

Les gravures suivantes montrent quant à elles l’écrasement, l’isolement et la disparition de l’être humain, dont les représentants sont réduits à des individualités isolées, des détails cachés, enfermés au sein d’architectures angoissantes. Cette deuxième période prend donc le contrepied total de la précédente, ce que relève Gwynn. Les orgies sexuelles et gustatives laissent donc la place à l’étouffement architectural.

Les gravures rappelaient à bien des égards les scènes où elle mêlait architectures oppressantes et traces de vie fugaces. Ces nouvelles images partageaient leur tonalité sombre et leurs bâtiments monumentaux. […] Pourtant, la vie de ses habitants, autrefois trahie par quelques allusions, s’étalait désormais au grand jour. Portes et volets étaient ouverts pour mieux révéler l’univers derrière les murs.

[…]

Ses occupants ressemblaient aux chimères de carnaval de ses œuvres passées. Cependant, ils repoussaient le paradigme du ludique protéiforme jusqu’à celui d’une humanité avilie : un homme avec une jambe supplémentaire, un jarret de cochon ; une femme avec pour poitrine un unique pis de vache engorgé ; une autre avec des serpents en guise de bras ; L’homme à genoux entre ses jambes écartées avait des lames de sécateurs aux mâchoires en lieu et place de la langue et des dents. Tous dans la même veine. Comme dans ses travaux précédents, ils s’adonnaient à l’excitation des sens, mais, cette fois, sans plaisir. Leurs traits humains transiraient le mépris, la stupidité, ou la haine.

On peut comprendre cette troisième phase comme une tentative de fusion des deux précédentes. Ainsi, le sentiment d’oppression qui provient de l’architecture monumentale vient balayer le plaisir orgiaque des participants  et réduit les créatures hybrides à des hommes diminués, « avilis » physiquement, puisqu’ils ne ressemblent plus à des chimères, mais à des êtres humains difformes, et moralement, parce qu’ils ne ressentent plus aucun plaisir, mais des émotions négatives. L’opposition entre la deuxième période et la première trouve sa synthèse dans celle-ci, où les topoi de l’une, l’hédonisme et l’hybridation, sont écrasés et dégradés par l’esthétique de l’autre.

[…] il vit des monstres debout, accroupis, couchés au repos. C’étaient eux, l’origine de l’infection, les amalgames de bouts de cadavres truffés d’éléments végétaux et autres matières inertes : orchidées, grenades, pièces de machine, éclats de verre. Ils avaient des têtes de toutes sortes, de singes, de porcs, de chevaux – et même une de tigre – et des membres à foison. […]

S’il s’agissait de chimères nées de son imaginaire et passées du papier aux trois dimensions, elles affichaient ni l’allégresse brouillonne de la première génération, ni la cruauté de la seconde. Il ne s’en dégageait aucun sentiment. […] ces caractères avaient une présence indéniable : une présence au-delà de la violence faite à l’œil et aux narines. On aurait dit, pensa-t-il, des corps de titans primitifs sortis de terre ou tirés du fond des océans, portant dans leur chair les traces imprimées par la gravité et les changements d’orbite au cours d’époques immémoriales.

Lors de la quatrième et dernière partie de son œuvre, Beth change de forme artistique et passe de la gravure et de la peinture à la sculpture, afin de matérialiser et rendre tangible son travail. Cela matérialise dans le même temps une forme de cosmicisme. En effet, les « monstres » sculptés provoquent un malaise chez le spectateur par l’absence de sentiments qui se dégage d’eux, mais aussi son incompréhension. La dernière phrase constitue quant à elle un renvoi quasi explicite à Lovecraft à travers la comparaison des statues à des « titans primitifs » associés à la terre, ou « au fond des océans » dans lesquels ils se trouvent depuis des « époques immémoriales », ce qui peut rappeler un certain Cthulhu.

Beth est donc une artiste dont l’œuvre évolue au fil du roman et de son rapport avec Gwynn, qui relève donc de l’amour et de l’art (oui oui), mais aussi du rêve et du surnaturel, puisque sans rentrer dans les détails, Beth dispose de pouvoirs magiques, et en attribue à Gwynn.

Moi aussi, j’ai vu les lois naturelles se déliter, de son fait, et toi, symboliquement, mystérieusement, par la grâce des lois et des métaphores et images, tu es ce génie. Je t’ai dit que tu étais l’ingrédient qui me manquais. Tu es le violeur de règles. Tu es le dénaturé capable de changer la nature.

D’après Beth, Gwynn serait une sorte d’Elu, en plus de montrer des capacités martiales exceptionnelles (deux éléments topiques des figures de guerriers en Fantasy), parce qu’il pourrait supposément modifier le réel. Il n’a toutefois pas conscience de ce pouvoir et manifeste pas l’ambition de l’utiliser. Gwynn serait alors une sorte d’Elu malgré lui, qui reconfigure le réel contre sa propre volonté. K. J. Bishop subvertit donc un topos de la Fantasy en faisant de Gwynn un guerrier qui n’a que faire de ses pouvoirs.

Je terminerai cette chronique en évoquant, sans rentrer dans les détails, la transformation d’un corps humain en arme dotée de pouvoirs surnaturels. Cela peut rappeler le premier chapitre de La Vorrhde Brian Catling, lors duquel le personnage de Williams transforme le corps de sa compagne Este en arc (oui oui) à partir des instructions qu’elle lui a laissées (oui oui). L’arme décrite par K. J. Bishop est une hache qui laisse des fleurs dans la chair de ses victimes.

De petites fleurs à cinq pétales plats, vert pâle, couvraient la plaie, et on en devinait davantage sous la peau tout autour.

Cette forme de surnaturel accentue encore l’étrangeté du roman de K. J. Bishop, en introduisant des végétaux dans un corps humain mutilé et meurtri, de la même manière que dans Délius, une chanson d’été, de Sabrina Calvo, dans lequel l’autrice met en scène un tueur qui remplit ses victimes de fleurs.

Autrefois, j’y voyais une métaphore. Aujourd’hui, plutôt une métamorphose.

Le mot de la fin


Aquaforte est un roman de Fantasy de K. J. Bishop qui appartient à l’impulsion du New Weird. L’autrice y met en scène deux personnages fugitifs, Raule et Gwynn, qui se réfugient et survivent dans la ville d’Escorionte, au sein de laquelle ils côtoient la misère et la maladie pour l’une, la pègre cynique et l’art pour l’autre.

Le surnaturel et le grotesque jalonnent les parcours des deux personnages sous la forme d’un cabinet de curiosités sordide et d’œuvres d’art qui finissent par influencer la réalité.

Si vous souhaitez découvrir un roman de Fantasy original et Weird, je vous recommande Aquaforte.

12 commentaires sur “Aquaforte, de K. J. Bishop

  1. Je suis contente que tu en parles parce que ça fait très longtemps que je l’ai repéré mais que j’hésite à sauter le pas. Les parallèles que tu fais avec Mieville me tentent assez, mais j’ai un peu peur pour le côté grotesque… Merci en tout cas de t’être penché sur cette oeuvre sur laquelle j’ai réussi à trouver très peu d’échos.

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